QUI ne se rappelle pas le film Midnight Express qui relate le calvaire de William Hayes, un jeune touriste Américain en Turquie qui, en 1970, avait tenté de rentrer aux USA avec deux kilogrammes de haschisch à bord d’un avion quand il fut découvert, arrêté et condamné à 30 ans de prison ? Ce film, sorti en 1978, avait donné une image terrible de la Turquie et de la sauvagerie de l’univers carcéral turc. La manière dont la Turquie liquidait les affaires liées à la drogue et l’excessivité des verdicts dans de banales affaires de consommation de haschisch avaient choqué le monde. L’impact a été rapidement ressenti par la Turquie au niveau du tourisme et des investissements étrangers. Ce qui l’a poussée à engager avec les Etats-Unis et d’autres pays de l’Union européenne un programme d’échange de prisonniers.
Cinquante ans après le scandale judiciaire turc, la Tunisie occupe les manchettes des médias internationaux pour un verdict similaire. Mais cette fois-ci, le jugement a été prononcé non pas pour trafic de chanvre indien, mais pour avoir tout juste fumé un « joint » !
Ce verdict inhumain et insensé hypothèque l’avenir de jeunes Tunisiens qui s’apprêtent à s’engager dans la vie sociale avec plein de rêves. Ils se retrouvent ainsi traumatisés par une punition qui dépasse de loin l’ampleur de leur forfait. Ni les terroristes, ni les braqueurs, ni les violeurs, ni les contrebandiers ou les espions dont les enquêtes avaient établi clairement la culpabilité dans de scabreuses affaires judiciaires ne se sont vu infliger une telle peine.
De deux choses l’une, soit les magistrats qui ont délibéré dans ces affaires sont des hommes de loi sans cœur, sans conscience et pour une application bête et aveugle des textes de loi, soit ce genre de verdict vise à dissuader les jeunes par « le choc » de la sévérité des lois. Mais quelle que soit l’intention des juges, il y a des jeunes qui croupissent actuellement en prison pour avoir fumé du haschisch dans un vestiaire. Ces jeunes ont peur et sont terrorisés à l’idée de passer trente ans dans une geôle. Si par malheur, l’un d’eux ne supporte pas le supplice du verdict et n’a pas la force d’attendre jusqu’à l’audience en appel et met fin à sa vie, qui en assumera la responsabilité ? Il est temps de déterrer la loi « Béji » pour la dépénalisation de la consommation de haschisch et l’allègement des peines envers les jeunes, présentée par l’opposition et qui a suscité une levée de boucliers de la part des députés. Arrêtons de remonter les jeunes par des lois abusives et inhumaines. Et ne montrons pas un visage monstrueux de notre pays.