La crise dont souffre le secteur touristique est structurelle, elle date depuis de longues années et la crise du Covid-19 n’a fait que tourner les yeux vers les maux du secteur. L’activité touristique en Tunisie, dont l’histoire remonte aux années 60, s’est contentée, jusque-là, de la monoculture touristique. Nos hôtes se limitent à un tourisme balnéaire qui, depuis longtemps, a montré ses limites. Cette situation a généré de multiples effets pervers, notamment les emplois saisonniers et précaires.
Si la Tunisie espère voir son tourisme décoller, il est impératif de se tourner vers d’autres produits comme le tourisme alternatif. Tous les promoteurs du secteur doivent partir à la découverte de la Tunisie profonde. Les jeunes promoteurs du tourisme et les étudiants de l’Institut de Sidi Dhrif doivent penser à des projets de tourisme alternatif. Ce tourisme qui préserve le patrimoine et les richesses qui forment l’identité de la Tunisie. Culture, histoire, environnement… doivent être les maîtres-mots pour un tourisme épanoui et diversifié.
Il ne s’agit pas de remplacer le tourisme balnéaire classique, l’idée consiste seulement à le compléter, à l’enrichir et à le valoriser, à travers la promotion des ressources naturelles, du patrimoine culturel et des sites archéologiques du pays. D’après les statistiques, la Tunisie compte près de 25 mille sites archéologiques et historiques non aménagés, donc difficiles d’accès. Même les sites les plus renommés de Tunisie se dégradent à vue d’œil, surtout après la Révolution. Les promoteurs, surtout les jeunes parmi eux, doivent obligatoirement inverser la donne et transformer cette situation chaotique. Ils doivent miser davantage sur des projets d’aménagement qui mettraient en valeur le beau patrimoine tunisien. Ils doivent être soutenus dans leurs actions par l’Etat afin d’assurer la sécurité et sauvegarder les sites historiques et archéologiques. Ces derniers doivent devenir des produits accessibles, attractifs et créateurs d’emplois. Le développement du tourisme alternatif doit reposer sur plusieurs piliers comme l’innovation, l’investissement et l’internationalisation (promotion à l’échelle internationale). Des initiatives d’exploitation ont démontré que plusieurs régions intérieures disposent d’un potentiel touristique énorme mais demeurent néanmoins peu connues et complètement oubliées. En l’absence d’une stratégie claire de développement pour ces régions, de logique et d’une infrastructure adéquate, nos sites resteront marginalisés. Ils deviendront des sources de nuisance (pillage et refuges pour le terrorisme).
Une bonne volonté
Selon les spécialistes, ce ne sont pas les idées qui manquent pour le développement de bons produits touristiques en Tunisie. Il faut juste une bonne volonté de la part de tous les intervenants. La Tunisie devra développer, à cette fin, d’autres plans de promotion pour faire connaître ses richesses et son histoire et faire la lumière sur ses beaux endroits dans ses régions intérieures.
Lors d’une interview accordée au magazine en ligne «Tourmag», en octobre dernier, Habib Ammar, ministre du Tourisme et de la Culture par intérim, avait mis l’accent sur l’importance capitale du secteur du tourisme pour l’économie tunisienne. Son effet d’entraînement sur d’autres secteurs d’activité reste, selon lui, considérable. La crise actuelle du Covid-19 a fait que le secteur touristique soit l’un des secteurs les plus touchés. La plupart des réservations ont été reportées. On a enregistré une baisse d’arrivées aux frontières d’environ 75% durant les neuf premiers mois de 2020. Les recettes ont chuté d’environ 60% et les nuitées globales d’environ 80%. La fermeture des frontières terrestres avec les voisins algérien et libyen a engendré une baisse de 56% au niveau des entrées du 1er semestre 2020 par rapport à la même période de 2019.
Suite à l’adoption d’un protocole sanitaire rigoureux, les flux touristiques en provenance de l’Europe ont été stimulés et la Tunisie a pu enregistrer 131.000 entrées durant les deux mois de juillet et août contre seulement 31.000 entrées enregistrées pendant la période allant du mois de mars à la fin du mois de juin 2020.
«Il est clair, donc, que l’équation est aujourd’hui complexe car sa résolution n’est pas l’affaire de la destination Tunisie mais elle dépend aussi des pays émetteurs de touristes qui, pour le moment, recommandent à leurs ressortissants de rester chez eux et de profiter des loisirs offerts par leurs régions», avait déclaré Habib Ammar. D’après lui, la stratégie de la Tunisie est bien claire : «Renforcer et mettre à niveau le tourisme balnéaire, diversifier le produit touristique et promouvoir le tourisme alternatif (rural, saharien, sportif, de plaisance, golf, etc.)». Toutes les études ont conclu qu’il faut faire évoluer le modèle touristique actuel mono-produit basé essentiellement sur le balnéaire saisonnier. Il faut un tourisme complémentaire pour prolonger et étaler la saison à travers la diversification du produit touristique tunisien. «Le tourisme alternatif, nouveau cheval de bataille du ministère du Tourisme, offre de nouveaux produits répondant à une demande de plus en plus accrue. Gîtes ruraux et maisons d’hôtes font partie de cette nouvelle offre à promouvoir et à encourager surtout qu’elle crée une valeur ajoutée et des emplois dans plusieurs zones, dont celles de l’intérieur du pays», a précisé le ministre. Les projets proposés à l’avenir ne dépendent ni de la mer ni de la saison. Ils auront comme principal avantage la création de l’emploi et la dynamique dans les régions les plus éloignées. D’après Habib Ammar, une chose est sûre, «l’administration du tourisme fournira l’assistance, l’encadrement et le soutien nécessaires aux promoteurs souvent en butte à la rigidité des lois et la lenteur des procédures administratives».
Croisement de civilisations
Des vacances en Tunisie avec tourisme alternatif c’est avant tout un ensemble d’activités originales que vous pouvez expérimenter loin des sentiers battus. Entre les sorties à cheval ou les excursions à dos de dromadaires, ce genre de tourisme permet de consolider la relation des visiteurs de la Tunisie avec les habitants originels de la terre, et ces expériences permettront de mieux communiquer avec eux et comprendre leur mode de vie. Loin des espaces limités des hôtels, les touristes ont une meilleure chance de connaître parfaitement la destination. En découvrant la gastronomie, la nature, le peuple tunisien, ces mêmes touristes, convaincus par leur voyage, seront le meilleur moyen pour la promotion de la destination. Le tourisme est, certes, un vecteur de croissance et de développement économiques pour grand nombre de pays, mais c’est aussi et surtout un moyen de croisement de civilisations et de cultures diverses, et c’est de là qu’il tient tout son intérêt. «Ouvrir la palette de l’offre doit se faire à la fois sur la base de la richesse naturelle, dont dispose la Tunisie, mais aussi sur initiative des créateurs locaux, qui doivent savoir distinguer chaque région, et faire qu’elle soit à part. Des niches prometteuses couvrent le pays. Un tourisme alternatif a vu le jour, sans pour autant dénigrer son analogue classique. L’écotourisme et le tourisme culturel peuvent et même doivent ouvrir le tourisme sur un horizon à la fois riche, et porteur d’une valeur ajoutée certaine, que l’Ontt n’a cessé de promouvoir et d’encourager», selon le rapport annuel 2018 de l’Office national du tourisme tunisien.
Pour résumer, la diversification de l’offre touristique doit être assurée par une volonté politique. Promouvoir une nouvelle vision du tourisme est un moyen de faire repartir ses effets économiques bénéfiques, non seulement sur le secteur lui-même, mais sur tous les autres secteurs économiques. Le tourisme alternatif est une solution qui s’avère efficiente pour sauver le domaine et tabler sur une vision innovante et relancer le tourisme tunisien.