La pandémie de Covid-19 impacte, encore une fois, les réserves de sang en Tunisie. Aujourd’hui, avec une deuxième vague qui n’en finit plus, le déficit récurrent s’est aggravé avec un manque de sang fatal. Le Centre national de transfusion sanguine s’est mobilisé pour faire face à cette situation.
Après un cri d’alarme lancé lors du premier confinement en mars 2020 pour attirer l’attention des citoyens sur l’importance de donner leur sang en cette période de pandémie qui a engendré une chute des dons du sang, le Centre national de transfusion sanguine (Cnts) se mobilise, de nouveau depuis quelques semaines, face à l’urgence de renflouer les réserves nationales de sang.
Des collectes en berne à cause de la pandémie
Le Pr Hmida Slama, DG du Cnts, indique qu’après le déclenchement de la crise de Covid-19 en mars dernier, le nombre de personnes ayant besoin de sang, à l’échelle nationale et internationale, a considérablement augmenté, alors que de l’autre côté, le nombre des donneurs de sang a enregistré une baisse remarquable puisque depuis l’apparition de cette épidémie, la peur a gagné la population tunisienne mais aussi internationale.
«La situation ne se limite pas aux Tunisiens. Le confinement, les cours qui se déroulent à distance, le télétravail…sont tous des facteurs qui se sont répercutés sur les entrées en produit sanguin au Cnts comme dans les autres centres. Les équipes mobiles de notre centre continuent de se déplacer tous les jours afin de collecter des dons du sang (dans les universités, les lycées, les usines…), mais ce contexte exceptionnel ne facilite pas cette mission.
Par ailleurs, face à une deuxième vague du coronavirus qui entraîne des records de contamination et de décès dans notre pays —comme dans plusieurs pays du monde—, les donneurs volontaires, qui ont eu l’habitude de se déplacer aux centres de transfusion sanguine, ne viennent pas parce qu’ils ont peur du Covid-19, et parce qu’ils ont peur d’être contaminés… Cette situation a, donc, conduit à l’amenuisement graduel du stock de sang dans les hôpitaux et les centres médicaux», explique le Pr Slama.
Si rien n’est fait, le pays risque de connaître un drame
Le Pr Slama affirme, également, que malgré cette situation sanitaire délicate et exceptionnelle, il faut continuer à donner du sang, car outre la pandémie du coronavirus, il y a les malades chroniques qui nécessitent également une transfusion sanguine. Il y a, par exemple, la thalassémie (maladie génétique de l’hémoglobine dite orpheline, qui se caractérise par des anémies particulièrement marquées, une hypertrophie de la rate et/ou une déformation du crâne et des os longs). Dans ce cas, le malade nécessite des transfusions tout au long de la vie : toutes les 5 semaines, voire toutes les 2 ou 3 semaines. Il y a aussi les personnes subissant des opérations chirurgicales, des traitements lourds (chimiothérapie), les victimes d’hémorragies, d’accidents, les femmes qui ont eu un accouchement difficile et qui sont contraintes à des hémorragies de la délivrance (dans une telle situation, on peut même consommer une vingtaine de poches !)…
«Tous ces gens sont sauvés grâce aux globules rouges… Tous ces exemples et autres pour dire et redire qu’il y a un besoin de sang quotidien mais qui est irrégulier. Au Cnts, les besoins sont aux alentours de 250 à 300 poches par jour, contre un besoin quotidien de 700 à 800 poches sur l’ensemble du territoire national. Pour combler ce besoin et continuer à sauver la vie des gens, il faut continuer de donner de sang car si rien n’est fait, le pays risque de connaître un drame durant lequel la population risque de souffrir par manque de sang. C’est pour toutes ces raisons que la population est sollicitée pour qu’ensemble, dans un geste de solidarité, nous puissions non seulement vaincre la Covid-19, mais éviter ce scénario catastrophique», précise-t-il.
Pour un bienfait régulier
Pr Slama précise, également, que le produit sanguin a une durée de vie limitée dans le temps. Par exemple, les concentrés de globules rouges sont conservés jusqu’à 42 jours, à une température fixée légalement entre +2° et +6°C, alors que pour les concentrés plaquettaires, ils ont une durée de validité de 5 jours sous agitation constante et maintenus entre +20° et +24°C. D’où la nécessité de renouveler les stocks d’une manière permanente et continue et l’obligation de continuer de donner de sang de manière régulière. Important ici de souligner que le produit sanguin labile (produit issu d’un don de sang et destiné à être transfusé à un patient) provient exclusivement de donneurs de sang bénévoles. Il ne s’agit pas d’un produit qu’on peut fabriquer. Et donc, il n’a pas d’autres sources que l’Homme.
«Ainsi, seuls des dons réguliers de la part de donneurs volontaires permettent d’assurer un approvisionnement suffisant. Il faut le dire, on ne pourrait jamais avoir un stock en produit sanguin “stable et durable dans le temps” pour sécuriser le besoin des citoyens, mais les donneurs volontaires et réguliers restent le fondement de l’approvisionnement en sang sécurisé. C’est le seul moyen qui nous permettra d’avoir des stocks équilibrés, permettant de répondre à toutes les demandes de nos malades. D’où la nécessité de multiplier et de lancer ces appels au don pendant cette période exceptionnelle pour éviter la baisse des réserves…car c’est le don régulier et volontaire qui garantit la continuité des stocks», souligne-t-il.
Pour ceux qui hésitent…
Selon le Pr Slama, la quantité de sang prélevée varie entre 420 et 480 ml, en fonction du poids (soit 8% du volume sanguin total qui est rapidement restitué par l’organisme). Donc, il ne faut pas s’inquiéter d’un manque de sang dans le corps. Pour ceux qui hésitent encore, le DG du Cnts affirme que le centre a pris toutes les précautions nécessaires afin de les protéger : matériel de protection disponible, gel hydroalcoolique à l’entrée, multiplication des salles de prélèvement…
«Il ne faut pas s’inquiéter. La salle d’attente répond à toutes les exigences de sécurité et de stérilisation. Seuls les donneurs sains auront accès à la salle. Il suffit de continuer de donner vos sangs pour qu’on puisse continuer de fournir à toutes les structures de santé publiques et privées, leurs besoins quotidiens en sang et ses dérivés», affirme-t-il.