Tribune: Tunisiennes, Tunisiens, réveillons-nous !

Par Najette Laâbidi |

Nous sommes très mal gouvernés !Notre Tunisie est roulée dans la boue ! Bourguiba lui a donné une notoriété !Aujourd’hui, elle est réduite à la mendicité !Et la meilleure et la plus belle c’est que notre Tunisie est devenue une poubelle !On importe des déchets en toute sérénité. Et on les déverse sur notre terre en toute impunité !D’ailleurs, notre pays baigne dans la confusion depuis ladite Révolution ! Des Tunisiens estiment avoir réalisé un exploit dans le monde arabe : une révolution ! (14 janvier 2011) La Révolution du Jasmin. La Révolution des Jeunes. La révolution de la liberté. La révolution de la dignité

Dix ans après, le bilan est foncièrement négatif.

•La Révolution du jasmin sent le soufre !

•La Révolution des jeunes est confisquée par les adultes, assoiffés de pouvoir et d’argent et qui semblent plutôt prendre leur revanche sur les pouvoirs précédents, que se soucier des revendications de ces jeunes !

•Pauvres jeunes livrés à eux-mêmes : échec scolaire, chômage des diplômés, espaces culturels fermés et souvent délabrés, traduisant le « prestige » dont jouit la culture dans notre pays, situations familiales précaires… Pauvres petits, enfermés dans leur pauvreté, leur oisiveté ; frustrés, désespérés et surtout déçus, se trouvant malheureusement ouverts à tous les dangers : délinquance, endoctrinement, violence dans la famille et dans la rue (manifestations …).

•Et surtout, et le plus souvent, c’est l’appel de l’Eldorado (l’Europe) via la mer, avec les tragédies qui s’en suivent, plus de 1.000 jeunes ont péri depuis 2011 !

Et les rescapés qui avouent espérer périr plutôt que de retourner dans leurs pays et parmi leurs familles, nous interpellent tous et compromettent notre « sale bonheur » !

La Révolution de la liberté ?

Oui, la liberté d’expression est un acquis capital et concret. Les Tunisiens sont désormais libres de dire ce qu’ils veulent, ce qu’ils pensent de leurs chefs, de leurs ministres, de leurs présidents successifs. Ils n’hésitent pas à dénoncer les dépassements et tout ce qu’ils considèrent comme tels. Même si certaines interventions versent dans le manque de respect, qu’on qualifie d’insolence, c’est à mettre sur le compte de l’apprentissage. En effet, longtemps réduites au silence, les langues qui se délient dérapent et franchissent les limitent de la courtoisie, ou tout simplement de la politesse, pour tomber dans la violence physique, d’où coups et blessures !Rien d’anormal, sauf que cela se passe au Parlement et entre députés ! Là c’est carrément scandaleux !!

La Révolution de la dignité ?

Ah oui, la dignité ! Tout le monde est servi comme il se doit et le pays baigne dans la dignité !

•L’instituteur qui dort sur un « lit de fortune » dans sa salle de classe ! il n’a pas de maison de fonction sur le lieu de son travail ! A propos, certains responsables politiques louent leurs maisons et profitent de ces fameuses maisons de fonction ! Malheureusement, il n’y en a pas pour tout le monde ?!

•On a vu des institutrices se déplacer à dos d’âne et sur des charrettes pour rejoindre leurs écoles ! Cela ne nous empêche pas de penser à nos hauts fonctionnaires qui ont le droit à deux voitures de fonction ! C’est vrai, dur dur de se déplacer dans la capitale, il faut bien deux ou même trois voitures pour nos gouvernants, alors que ceux qui dispensent le savoir sont assez responsables pour se débrouiller ?!!?

•D’ailleurs, les écoles et les lycées ne sont pas moins à plaindre que leurs occupants (enseignants et élèves). Ces bâtiments sont souvent au bord de la ruine, dans les régions et à Tunis, dans l’indifférence totale de toute la hiérarchie, du directeur de l’école au ministre de l’Education

•La dignité n’a pas épargné le jeune médecin à l’hôpital de Jendouba qui se retrouve dans l’abîme de l’ascenseur en panne !

•Les médecins résidents qui passent la nuit de garde sur un matelas à même le sol et qui n’ont pas droit à un repas, ne serait-ce qu’un sandwich, baignent aussi dans la dignité ! Je crois savoir que les salaires des députés ont été augmentés de 900 dinars, parce qu’on a fermé le restaurant de l’Assemblée nationale et que les députés doivent bien se nourrir pour mieux roupiller au cours des séances plénières ! Peut-être bien que les médecins qui passent la nuit à l’hôpital doivent jeûner pour mieux assurer leurs services ?!

Finalement, la santé publique dont Bourguiba avait fait une priorité, tombe de son piédestal et nous découvrons, en plus des conditions scandaleuses dans lesquelles exercent les médecins, des hôpitaux délabrés et des poubelles qui traînent dans les couloirs qui conduisent aux chambres des malades et aux bureaux des médecins.

•Les docteurs en physique, chimie, … ! ont eu aussi leur part de dignité en créchant dans le hall du ministère de l’Enseignement Supérieur pendant des semaines ; certains d’entre eux se sont payés le luxe d’une grève de la faim !

Il paraît que 90% du budget du ministère de l’Education nationale sont consacrés aux salaires, et que le budget du ministère de la Santé compte parmi les plus faibles. Ces instituteurs et ces médecins n’ont, que je sache, aucune responsabilité dans ces décisions, ni dans la dégradation de l’enseignement et de la santé publique !

Toutes ces aberrations, qui relèvent de la dignité prônée par la Révolution, sont montrées à la télévision nationale et dénoncées sur les plateaux de toutes les chaînes télévisées, mais !!!? Nous avons, de ce fait, la confirmation du constat suivant : le savoir valorisé et vénéré par Bourguiba est aujourd’hui sacrifié au profit d’une course vertigineuse vers le pouvoir et l’argent !

Pauvres gouvernants aveuglés par leurs querelles de positionnement et leurs ambitions démesurées, et qui sont incapables de saisir la gravité de la situation sanitaire qui dépasse toutes les prévisions ! Il semble bien aussi qu’ils se désintéressent de la fièvre sociale qui secoue villes et villages depuis quelques semaines ! Mais ils doivent être sûrs et certains qu’ils sont en train de faire couler le bateau et même s’ils échappent de la noyade, ils n’échapperont pas du Tribunal de l’Histoire.

Admirons, donc, le tableau désastreux et douloureux d’une Tunisie, jadis le fleuron du monde arabe, aujourd’hui, de l’avis même des grands experts, au bord du gouffre.

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