« Shayatine » de Amel El Fargi et Wael Merghni: Écritures croisées, territoire commun

Entre Amel El Fargi et Wael Merghni, deux chemins qui se croisent dans l’exploration l’un de l’autre et dans la découverte d’un territoire commun.


Présenté mercredi dernier, en avant-première à la Cité de la culture, « Shayatine » est une création de danse-théâtre coproduite entre le Théâtre de l’Opéra de Tunis et l’artiste Amel El Fargi.

Entre l’écriture théâtrale et les outils chorégraphiques, ce travail est une articulation entre la quête de sens et le questionnement du corps.

Comment se définissent les limites d’une telle expression et à quel point est-il possible de rendre le propos saisissable ?

De la dramaturgie et mise en scène d’Amel El Fargi vers la conception chorégraphique de Wael Marghni, en passant par la technicité, l’apport et la sensibilité des interprètes Bedis Hachech, Wafa Thebti, Ilyès Triki, Omar Abbès, Hazem Chebbi et Kaïs Boularès, « Shayatine » est une histoire qui se raconte par l’espace, le corps et la musique. Au départ un synopsis et une réflexion, quelques lignes à explorer et une intention à mettre en scène. C’est l’histoire de la chute d’un dictateur sanguinaire qui, par sa politique de répression, a provoqué une gigantesque révolte populaire d’une violence inouïe. Ce soulèvement imprévisible et massif a touché l’ensemble de la population. Sans aucune organisation préalable ni direction claire, ce mouvement porté par la spontanéité s’est répandu comme une traînée de poudre.

La désillusion réveilla les violences et les haines accumulées pendant des années, et vient replacer la part d’humanité en nous. La violence s’en prend à tout, même à nous-mêmes : destruction, viols, automutilations, suicides, fratricides, parricides, matricides et criminalité de toutes sortes.

La liberté chèrement acquise de vivre, de respirer un air pur, de créer des rapports basés sur l’amour et l’entraide s’est transformée en chimère face à une violence se profilant par l’éclat luisant des casques qui s’avancent en rangs serrés  et par le bruit assourdissant des bottes martelant l’asphalte.

«Shayatine» se construit par la dramaturgie et se présente comme un exercice de style croisant les deux univers et les deux techniques du théâtre et de la danse, montrant, une fois de plus, qu’il n’est plus possible de concevoir l’un sans l’autre, l’un face à l’autre et l’un avec l’autre. Deux processus de création qui se confrontent, se complètent et se rejoignent, un chemin de longue haleine à entreprendre au-delà des cloisonnements et des partis pris.

Même si la collaboration des professionnels de la danse ne manquait pas dans moult productions précédentes (Najib Ben Khalfallah et Imed Jemaâ avec le Théâtre Phou, ou Malek Sebaï et Imène Smaoui avec El Teatro…), c’est une première qu’un tel travail se fasse entièrement à quatre mains. Entre Amel El Fargi et Wael Merghni, deux chemins qui se croisent dans l’exploration l’un de l’autre et dans la découverte d’un territoire commun.

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