Ramadan artistique sous la Covid-19 : Cette lutte qui s’improvise

Dans les communiqués qui se suivent et ne se ressemblent pas, les décisions du conseil scientifique, soutenues par la classe politique actuelle, dictent aux citoyens tunisiens leur quotidien sous la Covid-19. Le virus bat son plein depuis quelques semaines en entamant sa 3e vague. Toutes les décisions énumérées ne mentionnent nullement le sort de la culture, des arts, qui, habituellement, rythment le mois saint.

Trêves d’activités culturelles et artistiques en fixant le couvre-feu à 22h00. Le rythme de vie ramadanesque ne peut permettre aux férus des arts, en général, et de la musique, en particulier, de se déplacer, et encore moins d’assister à une manifestation musicale même en respectant le protocole sanitaire. Le maintien ou l’annulation des festivités se fait par adresse, ou endroits dont les responsables tiennent à maintenir leur programmation en dépit des conditions difficiles, ou de fermer par précaution.

Ces mêmes propriétaires ou responsables peuvent ouvrir dans la journée en programmant deux séances de cinéma dans les salles obscures, en maintenant une exposition, en organisant une séance de dédicace de livres, ou en convertissant tout un événement en ligne, accessible sur les réseaux sociaux. Les concerts musicaux, tels qu’on les a connus avant la Covid-19, se font  rares ou en présence d’une poignée d’invités en plein air. 

Couleurs d’avril, festival Lgbtqi++ de cinq jours, organisés par l’Institut Français de Tunisie du 5 au 10 avril et contenant expo- photos, panels, débats avec des spécialistes et projections de films ont eu lieu en présentiel en respectant les gestes barrières. Parallèlement, les débats étaient aussi accessibles en ligne. L’auditorium de l’IFT a réduit sa capacité d’accueil et le port de la bavette est resté de mise. Par ailleurs, la plupart des salles de cinéma restent ouvertes pendant la journée pour au moins deux séances de films. La salle de l’Opéra, à la Cité de la culture, a fermé ses portes, et l’inauguration de « La boite, lieu d’art contemporain», prévue initialement pour le 8 avril 2021, et situé à la Charguia, a été finalement reportée. Quelques expositions, vernissages, débats, présentations de livres se font, pour la plupart dans la journée, dans différents endroits. Le couvre-feu étant finalement (re)fixé à 22h00 laisse peu de temps aux déplacements.

La diffusion en ligne demeure la meilleure alternative actuellement pour le théâtre, comme ce qu’organise l’Art Rue à travers ses résidences artistiques : l’association invite des professionnels des arts, toutes disciplines confondues, à créer dans le cadre d’une résidence à Dar Bach Hamba et à présenter leur création en format vidéo en ligne. Cette conversion est actuellement universelle et dans l’air du temps : elle questionne son impact sur l’existence et l’essence même de nombreux arts, le devenir de la consommation, l’émergence de la création 2.0, le rapport désormais virtuel des artistes aux publics, l’exportation rapide et instantanée, sans frontières dans le monde entier d’un spectacle précis. «Saha Chribtek», la série de concerts ramadanesques conçue et organisée par le Goethe Institut Tunis, en partenariat avec l’association des Amis du Belvédère, Akacia production et Make Music, est maintenue ce mois-ci et pour la 2e année consécutive en ligne : chaque semaine, un artiste ou un groupe local tunisien sera filmé pour les internautes au parc du Belvédère. 4 clips vidéos, 4 univers musicaux éclectiques, seront accessibles sur la chaîne Youtube du Goethe Institut Tunis. Au programme le duo Ahmed Litaiem et Selim Arjoun, Ines Affes, Mariem Azizi et Gorbi.

Parallèlement, les restaurateurs et les propriétaires des cafés font, eux aussi, de la résistance et se sont lancés dans un bras de fer avec le gouvernement afin de maintenir leurs commerces ouverts en dépit de ce couvre-feu jugé « castrateur ». Beaucoup vont devoir ouvrir dans la journée et d’autres sont déterminés à ouvrir le soir, au-delà du couvre-feu. La situation économique précaire pèse dans ce cas de figure : pour beaucoup, elle reste étouffante et même fatale bien plus que la situation sanitaire, tout aussi critique. Des Tunisiens en difficulté pris entre l’enclume et le marteau face à une classe politique qui fait l’autruche et qui opte, sans cesse, pour des décisions jugées souvent «caduques» voire «erronées» et «insensées».   

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