Agressions contre les journalistes : Le Snjt tire la sonnette d’alarme

«Les policiers et les syndicats sécuritaires sont responsables de 44 agressions, suivis de la présidence du gouvernement sous Hichem Mechichi et la coalition Al Karama», révèle le rapport annuel sur l’état de la liberté de la presse en Tunisie et présenté par les membres du bureau exécutif du Snjt.

Le Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt) a classé le ministère de l’Intérieur, la présidence du gouvernement et la coalition Al-Karama parmi les premiers responsables d’agressions ciblant les journalistes et d’atteinte à la liberté de la presse pendant la période entre le 1er mai 2020 et le 30 avril 2021.

S’exprimant lors d’une conférence de presse organisée pour présenter le rapport annuel sur l’état de la liberté de la presse en Tunisie, les membres du bureau exécutif du syndicat ont déclaré que 206 agressions ont été recensées durant la période couverte par l’étude, soit le plus lourd bilan enregistré au cours des trois dernières années.

Les policiers et les syndicats sécuritaires sont responsables de 44 agressions, suivis de la présidence du gouvernement sous Hichem Mechichi. Selon les membres du bureau exécutif du Snjt, ce dernier a, dès le début, manifesté de l’hostilité envers les médias. Ils ont rappelé, dans ce sens, le retrait du projet de loi consensuel relatif à l’instance de régulation de l’audiovisuel pour faire passer celui proposé par la coalition Al-Karama.

Al-Karama se situe en troisième position dans le classement. A l’intérieur de l’hémicycle, entre 15 et 23 agressions ont été commises par ce groupe parlementaire.

La vice-présidente du syndicat, Amira Mohamed, a évoqué les nominations «politiques» à la tête de radio Shems FM et l’agence TAP, rappelant l’incursion des forces de l’ordre dans le siège de l’agence pour imposer l’installation de Kamel Ben Younès, nouveau P.-d.g. de l’établissement, un précédent dans l’histoire de la Tunisie, a-t-elle regretté.

Elle a, également, critiqué le non-respect, par le gouvernement, de la décision de justice qui l’oblige à publier la convention collective sectorielle.

Amira Mohamed a expliqué que plusieurs critères ont été retenus dans l’élaboration de cette liste, à savoir le nombre d’agressions, leur gravité, leur fréquence et l’absence d’excuses de la part de l’agresseur.

Sur un autre plan, les membres du Bureau exécutif du syndicat estiment que la situation grave et exceptionnelle que connaît la liberté de presse en cette période et qui est à l’origine de la régression du classement mondial de la Tunisie au 73e rang, a poussé les professionnels et la société civile à qualifier l’année en cours d’année noire pour la transition démocratique. Une année qui a vu la liberté de la presse et de droit de manifester bafoués.

Les violences contre les journalistes (206) ont ciblé 197 professionnels hommes et femmes. Le syndicat note que 37 % des agressions recensées entre le 1er mai 2020 et le 30 avril 2021 ont été enregistrées au cours des premiers mois de 2021.

D’autres agressions en rapport avec l’accès à l’information ont été également enregistrées, selon le même rapport. Elles sont réparties entre 41 cas d’interdiction de travail, de harcèlement, de détention abusive et de poursuite judiciaire en dehors des dispositions du décret-loi 155.

«L’impunité ouvre la voie à la violence et à l’anarchie»

Le président du Syndicat national des journalistes tunisiens (Snjt), Yassine Jelassi, a, pour sa part, déclaré que «l’impunité en ce qui concerne les agressions sur les journalistes ouvre la voie à la violence et à l’anarchie en général».

Dans une déclaration à l’agence TAP, à l’occasion de la remise du rapport annuel sur l’état de la liberté de la presse en Tunisie (1er mai 2020-30 avril 2021), Jelassi a appelé toutes les institutions de l’Etat, dont en premier lieu les trois présidences, à mettre fin aux agressions commises sur les journalistes et à poursuivre leurs auteurs en justice.

«L’image de la Tunisie est désormais en jeu après la chute de son classement dans le domaine de la liberté de la presse à la 73e position», a-t-il regretté.

Jelassi a souligné la nécessité pour les journalistes et les défenseurs des droits de l’Homme de «continuer de militer, avec tous les moyens légitimes, pour préserver la liberté de la presse, au vu de la gravité des agissements contre les journalistes et pour faire prévaloir le droit des Tunisiens à une information libre, indépendante et impartiale».

Le Snjt a formulé une série de recommandations dont pour l’essentiel : réclamer à la présidence du gouvernement la condamnation publique des agressions ciblant les journalistes en Tunisie, la lutte contre l’impunité et la publication des résultats des enquêtes administratives avec les fonctionnaires de l’Etat sur ces abus.

Le syndicat a, également, appelé la présidence de la République à garantir les droits et les libertés prévus par la Constitution, notamment la liberté d’opinion, d’expression et de la presse et à revoir sa politique de communication, en s’ouvrant aux journalistes pour leur permettre d’obtenir l’information.

Disparition de Sofien Chourabi et Nedhir Ktari en Libye : divulguer toute la vérité

Le syndicat a aussi réclamé de divulguer toute la vérité au sujet de la disparition des journalistes Sofien Chourabi et Nedhir Ktari en Libye.

De son côté, Mouaouia Chourabi (père de Sofien Chourabi) a réclamé aux autorités tunisiennes de faire part de toutes les données confirmées en leur possession, mettant en garde certaines parties politiques et certains médias contre toute tentative de manipulation dans ce dossier.

Le Snjt a, en outre, appelé l’Assemblée des représentants du peuple (ARP) à «mettre fin aux agressions à répétition commises par certains députés sur les journalistes et à cesser les discours de violence à leur encontre».

Le syndicat recommande de prendre des mesures législatives plus ciblées en matière de protection des journalistes.

Le ministère de l’Intérieur est aussi appelé à diffuser les enquêtes administratives sur les agressions commises par ses fonctionnaires à l’encontre des journalistes et émettre une circulaire ministérielle interdisant de nuire aux journalistes pendant l’accomplissement de leur travail.

Sur un autre plan, le Snjt préconise au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) de joindre les affaires des journalistes dans un dossier spécifique et de ne plus les traduire en justice en dehors du décret-loi n°2011-115 du 2 novembre 2011 relatif à la liberté de la presse, de l’imprimerie et de l’édition.

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