Textile-habillement : Contre vents et marées

87 % du secteur textile-habillement tunisien ont réussi à se maintenir en activité et 60 % des entreprises se sont converties à la production d’équipements de protection individuelle.

Les programmes Global textiles et habillement (Gtex) et textiles pour la région du Moyen-Orient et l’Afrique du Nord (Menatex) du Centre du commerce international (ITC) viennent de dévoiler les résultats de leur enquête sur l’impact de la pandémie Covid-19 sur le secteur textile-habillement tunisien. D’après l’enquête, le secteur a montré une résilience face à la crise sanitaire. Un rapport qui met également en lumière les opportunités post-pandémie et le plan de relance pour ce secteur. Le travail a été coordonné par l’ITC en collaboration avec le ministère de l’Industrie et des Petites et Moyennes entreprises, la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (Ftth) et le Centre technique du textile. Il se fonde sur une enquête menée par des experts nationaux et internationaux auprès de 248 entreprises, réparties sur 9 régions et 7 filières de production, entre avril et septembre 2020. L’échantillon couvre les différentes tailles des entreprises (TPE, PME ainsi que les grandes entreprises) réparties selon trois régimes, à savoir celui de la vente sur le marché local, celui partiellement exportateur et enfin le régime totalement exportateur.

Solidité du secteur du textile-habillement

Ce diagnostic a été effectué sur deux périodes, d’abord entre mars et juin, ensuite entre juillet et septembre 2020. Les enquêtes en ligne, des meetings avec les représentants des entreprises et les visites individuelles ont été la base de ce travail. Et tous les résultats dégagés par l’enquête montrent la bonne solidité du secteur du textile-habillement face à la crise sanitaire mondiale. Malgré la pandémie du coronavirus, 87 % du secteur ont réussi à se maintenir en activité, et ce, grâce au soutien technique du programme global pour le textile et l’habillement (Gtex-Tunisie) et Menatex de l’ITC. Ainsi, 60 % des entreprises se sont converties à la production d’équipements de protection individuelle. Entre mars à juin 2020, uniquement 2% des firmes ont fermé leurs portes momentanément et 1% d’entre elles ont arrêté leur activité. Il est important de rappeler que pendant le premier semestre 2020 la Tunisie a été le premier pays à avoir répondu à la demande européenne de masques de protection et cette approche proactive de gestion de crise a été saluée à l’échelle régionale et internationale. Ainsi, la Tunisie a été classée 4e fournisseur de l’Union européenne en masques lavables. Matthias Knappe, responsable du programme Getex-Menatex, explique que la production de textiles médicaux représente une réelle opportunité pour le textile-habillement tunisien. Il déclare que « dans le cadre du plan d’action « Smart post-Covid », la Tunisie a proposé des solutions en faveur du textile d’hygiène et d’aide à la personne. Cela permettra au secteur de servir le marché local tunisien et d’explorer les exportations vers les pays de l’UE ; comme la France, l’Italie, l’Allemagne et les Pays-Bas, et d’encourager l’investissement dans le textile médical ». Knappe insiste sur le fait que les équipements de protection individuelle apparaissent comme un domaine viable de diversification alors que la mode reste le pilier de l’industrie. M. Knappe souligne l’engagement et le leadership de la Ftth et de ses membres dans la réalisation de l’étude et leurs volontés de relancer le secteur.

Une reprise lente

Si le secteur a pu rester aussi solide, c’est parce que les professionnels ont démontré une volonté à garantir la pérennité des entreprises et à préserver les emplois. Les industriels ont maintenu le cap avec beaucoup d’abnégation et la ferme volonté de poursuivre l’élan réformateur de l’un des secteurs clés de l’économie tunisienne. Ce dernier reste le premier employeur et oscille entre la première et la deuxième place au niveau des exportations.

Selon les résultats de l’enquête, et étant donné les difficultés auxquelles font face la plupart des grandes économies mondiales, une bonne reprise du secteur sera lente. D’après Nafaâ Ennaïfer, vice-président de la Fédération tunisienne du textile et de l’habillement (Ftth), « il faut être patient et faire preuve de persévérance. Il faut également savoir s’adapter à la nouvelle réalité du monde et du secteur ». Peu de mesures proposées par le gouvernement tunisien ont réellement profité aux entreprises, c’est ce que fait également ressortir l’étude. D’après cette dernière, « seule une minorité d’entreprises a eu accès aux crédits garanties par l’Etat à un taux du marché monétaire de +1.75 % et les entreprises en difficultés ont subi une forte pression de l’administration fiscale et de la Caisse nationale de sécurité sociale (Cnss) ». Par rapport aux mesures d’urgence prises par le gouvernement entre mars-juin 2020, près de 58% des entreprises ont confirmé que ces mesures ont été insuffisantes et sont en deçà des attentes de toutes les parties prenantes du secteur textile-habillement.

Nouveaux besoins en équipements

Toutes les entreprises du secteur se plaignent de la faible réactivité du gouvernement face aux défis du secteur, ainsi que son incompréhension de la dynamique du textile et habillement, qui n’a cessé de prouver son intarissable potentiel concurrentiel sur le marché local et international. Il faut insister sur le fait que les impacts de la crise sanitaire auraient pu être plus sévères si les entreprises du secteur n’avaient pas adapté leurs appareils de production en fonction des nouveaux besoins en équipements de protection individuelle et en dispositifs médicaux.  Même après cette reconvention, les trois quarts des entreprises déclarent avoir enregistré une baisse de leur activité. L’étude dévoile que 50% des entreprises ont perdu plus de 70% de leur activité et les filières les plus impactées sont les chaînes et trames, les vêtements professionnels et les mailles tricotées. Les exportations ont également été ralenties, surtout pour les PME qui emploient entre 6 et 100 personnes. Leurs pertes sur les marchés internationaux sont estimées à 50% et les filiales les plus touchées sont la lingerie et maillot de bain, les jeans et la maille tricotée. D’après l’enquête, 59% des entreprises n’ont pas de visibilité pour l’avenir.

Pour ce qui est des importations européennes en habillement, elles ont connu une baisse de 25% durant les six premiers mois de 2020. Aussi, pour les importations européennes de textile elles ont affiché une réduction de 35% pendant la même période. Le marché européen a également connu une baisse de 22,4% au niveau des ventes dans les magasins spécialisés.

Il faut rappeler qu’un plan de relance (2019-2023) pour le secteur du textile et de l’habillement a été déjà mis en place, avant même la crise sanitaire. Ce dernier se base sur six leviers stratégiques et vise une série d’objectifs en termes d’exportations (une hausse de 68% de parts de marché en Europe, une hausse de 60% en terme de création annuelle d’emplois ainsi qu’un taux de couverture en hausse de 16% au terme du plan). Le plan s’inscrit également dans le cadre d’un pacte sectoriel de partenariat public privé. Ces deux parties s’engagent ensemble à respecter un certain nombre d’impératifs et de mesures à chaque niveau de levier.

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