Destruction de tonnes d’abricots au marché de gros de Kairouan : Faut-il craindre la surproduction ?

C’est toujours la même solution pour les agriculteurs tunisiens : quand la campagne d’un produit enregistre une surproduction, on a toujours recours à la destruction des quantités en surplus. C’est le cas des dattes, du lait et plus récemment des abricots qui sont vendus pourtant sur le marché à 3d,400 le kg, c’est-à-dire un prix inabordable pour les consommateurs à revenu moyen ou limité

Un membre du bureau exécutif de l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche (Utap), Koraych Belghith, a confirmé, jeudi 23 mai 2019, la destruction de tonnes d’abricots au marché de gros de Kairouan. L’élimination de ces quantités est nécessaire selon les professionnels car le marché se caractérise par une abondance du produit cette année. Pourtant, tous les efforts des pouvoirs publics dans le domaine de l’agriculture visent à améliorer la productivité en vue d’offrir des quantités importantes de produits et permettre ainsi de maîtriser les prix. Les quantités détruites auraient pu être offertes aux maisons de retraite, aux clubs d’enfants et autres structures de solidarité. Cela aurait été plus profitable que de les jeter dans les poubelles.

Pas de retrait du produit !

Par ailleurs, il semble qu’un grand nombre de consommateurs ne s’intéressent pas beaucoup à ce fruit aux multiples vertus sur la santé, sans doute à cause de son prix. De plus, les étals des marchés sont garnis de plusieurs autres fruits — vendus presque au même prix — comme les pommes, les bananes, les pêches, les nèfles. On commence à écouler également de la pastèque et des melons qui sont des fruits d’été très prisés par les Tunisiens. Si le prix des abricots était moins cher, les consommateurs auraient sans doute afflué pour l’achat de ce fruit qui peut être mangé cru ou cuit pour en faire de la confiture. Il peut être utilisé en tant qu’ornement des gâteaux.

Les professionnels déplorent aussi le blocage des possibilités d’exportation, ce que dément le ministère du Commerce, estimant que les producteurs ont la possibilité d’exporter leurs produits. La Libye et l’Algérie peuvent constituer des débouchés pour les abricots qui se caractérisent par leur texture, leur goût et leur qualité. La demande aussi bien locale qu’étrangère est, en tout cas, importante à condition de revoir les prix pour les rendre abordables.

Le membre du bureau exécutif de l’Utap a également souligné que la loi n’autorisait pas l’agriculteur à retirer le produit du marché. Celui-ci est tenu de vendre son produit ou bien de le détruire si les prix pratiqués ne lui conviennent pas.  A noter que le coût de production ne cesse d’évoluer vu la révision à la hausse des prix des intrants. Les conditions climatiques jouent un rôle décisif dans la réussite de la campagne. Cette année, les pluies se sont abattues sur les zones productrices en temps opportun, ce qui a favorisé une bonne production.

Contrats-programmes

A noter que sur le marché de gros, les prix des abricots sont assez bas, allant de 400 à 500 millimes le kg. Mais comment se fait-il alors que le prix soit gonflé pour atteindre les… 3D, 400 le kg. Certaines personnes mettent en cause les mandataires alors que d’autres soupçonnent les spéculateurs. En tout cas, c’est le consommateur qui paye le prix fort. Pour résoudre ce problème d’une façon radicale, certains évoquent les contrats-programmes pour produire en fonction des besoins exprimés. Mais ces contrats-programmes, s’ils sont valables, notamment pour les tomates, il n’en est pas de même pour les arbres fruitiers comme les abricotiers. La production se fait d’une façon non programmée mais elle est impactée par les effets des conditions climatiques et de l’environnement. Le traitement des fruits permet d’avoir une bonne production au double niveau qualitatif et quantitatif.

Un appel a été lancé au ministère du Commerce par l’Utap en vue d’autoriser les agriculteurs à exporter leurs produits en Libye et en Algérie. Ces pays disposent d’une population nombreuse à pouvoir d’achat relativement élevé et peut se permettre d’acheter les abricots provenant de la Tunisie. Ainsi, les agriculteurs pourraient améliorer leur chiffre d’affaires à l’export et assurer un meilleur revenu durant cette période de l’année.

Pourtant, ces fruits étaient destinés à l’exportation vers la Libye et l’Algérie avant que l’autorisation ne soit suspendue par ministère du Commerce. Le manque d’espace de stockage au marché de gros et l’offre qui dépasse de loin la demande ont incité les agriculteurs à jeter une partie de leur production.

Mouvement de protestation

A noter que les agriculteurs se sont regroupés le mardi 28 mai pour protester près du ministère du Commerce contre la situation du secteur agricole qui s’est dégradée. Selon l’Utap, les agriculteurs supportent des pertes sèches suite aux choix irréfléchis et irresponsables du ministère du Commerce. Dans ce cadre, les agriculteurs expriment le maintien de leur droit de militer pacifiquement en vue de défendre leur secteur et satisfaire leurs demandes légales, et ce, sous l’égide de leur organisation professionnelle, l’Utap.

Par ailleurs, les agriculteurs dénoncent la politique du ministère visant à leur imposer à l’agriculteur tunisien l’importation et compenser, de ce fait, l’agriculteur étranger tout en empêchant l’exportation du produit tunisien. Les protestataires appellent le ministère à retirer immédiatement du marché les quantités de pommes de terre importées et d’annuler la circulaire n’autorisant pas l’exportation. Un appel est lancé également aux autorités publiques en vue de tenir dans les meilleurs délais la réunion du Conseil national de l’exportation avec la participation de l’Utap. Il est nécessaire, de même, d’éloigner les préoccupations du secteur de tout calcul électoral. Les agriculteurs se disent en droit d’intensifier leur mouvement en vue de satisfaire leurs demandes légales.

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