L’Institut tunisien de la compétitivité et des études quantitatives (Itceq) vient de publier les résultats de son enquête sur « l’impact des investissements dans l’économie de la connaissance sur l’innovation et la productivité des entreprises manufacturières tunisiennes ».
Une étude intitulée « Investissement dans l’économie de la connaissance, innovation et productivité : cas des entreprises manufacturières tunisiennes », réalisée par l’Itceq et qui vient d’être publiée récemment, montre que pour profiter pleinement de l’économie de l’innovation, les entreprises tunisiennes doivent revoir leur manière d’innover. Les données utilisées pour estimer ce modèle sont issues de la 8e enquête de mise à niveau de 2016. Les résultats économétriques montrent que les investissements dans la recherche et développement, les TIC et le changement organisationnel ont un impact positif et significatif sur les performances innovatrices (innovation de produit et/ou de procédé) des entreprises. En revanche, il ressort de ce travail que le capital humain apparaît comme négativement associé à la plupart des mesures d’innovation envisagées.
Cette même enquête montre, par ailleurs, que les entreprises manufacturières tunisiennes devraient quitter le modèle d’innovation actuel basé sur l’imitation des produits à faible valeur ajoutée et la production d’éléments standards au profit des donneurs d’ordre internationaux. Elles doivent aller davantage vers un modèle de développement de nouveaux produits, tant pour le marché national qu’international, portant leurs propres marques. Quel état des lieux de l’investissement dans l’économie de la connaissance et de l’innovation en Tunisie ? D’après les résultats de l’étude, 61% des entreprises interrogées ont introduit, durant la période 2013-2015, des innovations technologiques et 53% des entreprises ont introduit des innovations de produit. Les innovations de procédé sont, toutefois, moins répandues, soit 34% seulement. 39% des entreprises interrogées ont des activités liées à la recherche et au développement, et seulement la moitié de ces entreprises sont engagées dans le monde de la recherche d’une manière occasionnelle et non permanente. Seules 11% des entreprises engagées dans des activités de (R-D) déclarent avoir bénéficié des incitations financières, principalement les primes d’investissement dans des activités de R-D. Selon l’enquête, seules 17% des entreprises innovantes ont investi dans l’acquisition des connaissances externes et des brevets, chose qui semble assez inquiétante, « car l’achat des brevets est indispensable pour qu’une entreprise, et plus généralement un pays, se rapproche de la frontière technologique et remonte les chaînes de valeur globales », mentionne le document.
Transition vers une économie innovante
78% des entreprises innovantes ont eu recours à des sources d’informations et à des partenaires externes. Les fournisseurs (29%) et les consultants externes (28%) sont les principaux acteurs du processus d’innovation, suivis par les clients (17%) et les entreprises de même groupe (16%). Aussi, 61% des entreprises interrogées ont au moins une technologie manufacturière de pointe de type logiciel. 87% des entreprises sont équipées d’au moins une technologie de communication. Près des 3/4 des entreprises ont introduit au moins une nouvelle méthode organisationnelle dans les pratiques de l’entreprise. Plus des deux tiers des entreprises ont introduit au moins une nouvelle méthode organisationnelle dans le lieu du travail.
D’après l’Itceq, les entreprises doivent quitter le modèle d’innovation actuel basé sur l’exploitation des ressources internes, par nature rares et insuffisantes, et les interactions limitées aux acteurs du marché (clients et fournisseurs). Elles doivent adopter un nouveau modèle d’innovation en faisant appel à des ressources de connaissance tant internes qu’externes.
Réussir cette transition vers une économie innovante requiert, selon cette étude, une série de préalables impliquant les différents acteurs concernés. Il s’agit,en premier lieu, de mettre en œuvre une politique d’accompagnement de proximité au profit des entreprises pour promouvoir leur transition vers l’économie de la connaissance.
Du côté des subventions, l’enquête montre que l’Etat a beaucoup compté sur les politiques de subvention dans le cadre du Programme de mise à niveau (PMN) et d’autres programmes de modernisation pour encourager les entreprises à investir dans les quatre piliers de l’économie de la connaissance (R-D, TIC, changement organisationnel et capital humain). Ces politiques ignorent les spécificités structurelles des entreprises et supposent que toutes les entreprises ont les mêmes capacités à investir dans l’économie de la connaissance et à rentabiliser leur investissement, surtout pour le cas des TIC. Ainsi, l’Etat est appelé à compléter ses politiques de subvention par une autre d’accompagnement.
Il est aussi essentiel de réhabiliter les systèmes d’éducation et de formation professionnelle afin de surmonter le manque de compétences qui empêchent les entreprises d’innover et de répondre aux besoins actuels et potentiels en compétences-clés indispensables à la transition vers l’économie de la connaissance. L’Etat tunisien est, par ailleurs, appelé à faire face à l’immigration des compétences pour remédier au manque des compétences mentionnées par les entreprises. Il faut autant encourager les entreprises ayant des activités de R-D occasionnelles à maintenir ces activités d’une manière permanente.
Selon cette étude, la transition vers une économie innovante nécessite le développement d’un système de propriété intellectuelle efficace de manière à encourager l’innovation, à promouvoir l’investissement dans la science et la technologie et à mettre la technologie au service du public. Il est également recommandé de développer un dispositif d’intelligence économique au service de la région afin d’alimenter les différents acteurs locaux par les informations et les connaissances nécessaires à leur développement.