Au cours du 13e Congrès de l’Atfd, un webinaire a été organisé le vendredi sur le thème: « Les féminicides ou quand les femmes sont condamnées à mort ! ». Modéré par Nabila Hamza, ancienne membre du bureau exécutif de l’ONG, il a vu la participation de trois intervenantes.
Avec une critique féministe de la règle de droit, la juriste Sana Ben Achour, ancienne présidente de l’Atfd, a ouvert le webinaire en présentant une lecture brillante de tous les archaïsmes que continuent à charrier les juridictions tunisiennes, notamment pour désigner un crime innommable et encore non explicitement défini. Car le droit continue à employer le mot « homicide » pour pointer le féminicide. Or elles sont tuées du fait de leur genre. Du fait qu’elles veulent notamment s’autonomiser par rapport à un mari ou à un fiancé jaloux ou encore se libérer de la haine d’un frère ou d’un père. Les féminicides s’exerçant essentiellement au cœur de la famille.
« Nommer, c’est reconnaître », explique Sana Ben Achour.
Elle ajoute : « La question se pose de savoir comment faire évoluer le droit pénal en intégrant le « féminicide » ou les circonstances aggravantes sexistes afin de permettre de qualifier de manière spécifique les violences commises sur les femmes parce qu’elles sont des femmes ».
En introduisant la thématique du webinaire, Nabila Hamza a égrené des noms de victimes : Rahma, Refka… « De par l’ampleur des exactions contre toutes ces femmes, il s’agit là d’un crime d’Etat ! », s’est-elle exclamée.
Sana Ben Achour revient sur cette assertion et l’approuve en épinglant l’impunité, qui caractérise ce crime, sa banalisation ambiante et le refus d’écouter la souffrance des femmes : « Pour qu’un féminicide ait lieu, convergent de manière criminelle, le silence, l’omission, la négligence et la collusion partielle ou totale des autorités chargées de prévenir et d’éradiquer ces crimes, leur cécité de genre ou leurs préjugés sexistes et misogynes sur les femmes ».
Mais comment trouver une traduction arabe à féminicide ? La juriste propose l’expression « Ightiyal annissa », qui porte en elle cette rage machiste et destructrice.
Espagne : 20 % des femmes portent plainte
Experte en violence de genre et droits humains, Barbara Tardon est conseillère auprès de la ministre de l’Egalité du gouvernement espagnol. Elle a évoqué dans son intervention le féminicide sur l’autre rive de la Méditerranée. Paradoxalement, là aussi et malgré un dispositif législatif important mis en place pour protéger les femmes contre les violences, les Espagnoles continuent à ne porter plainte que dans 20 % des cas.
Pour Barbara Tardon, l’approche, dans ce cas-là, ne doit pas être uniquement sécuritaire et judiciaire mais plutôt multidisciplinaire et globale.
« En évaluant nos politiques, nous nous sommes rendu compte que notre stratégie de lutte contre les violences machistes doit émaner d’une vision transversale et holistique, qui mobilise un budget conséquent ainsi que différentes institutions publiques espagnoles », a fait remarquer l’experte.
La séance a été clôturée avec les propos d’Amel Hadjaj, féministe algérienne et membre fondatrice du Journal Féministe, qui est revenue sur un moment crucial de l’histoire des Algériennes, à savoir le « Hirak » de 2019. Or cette mobilisation a laissé un goût d’inachevé chez les femmes, leur nouvelle constitution a été rédigée sans consulter la société civile et aucune loi-cadre criminalisant les violences à leur égard n’a été mise en place. « Ce n’est pas le moment ! », leur rétorque-t-on. Une législation contre les violences dans le couple a vu toutefois le jour, mais cette loi n’a pas éliminé le principe du désistement. Une disposition à laquelle recourt la famille pour pousser la femme à retirer sa plainte.