C’est pas mal l’idée de réaliser une fresque sur une école juive à l’occasion du Sommet de la francophonie. Cela fait le clou du spectacle dans la rubrique «vivons ensemble». Oui, mais le problème, c’est qu’il y avait une fresque de déjà réalisée… Certains ont pris l’initiative de l’effacer sans en informer l’artiste… Les autorités sont sans réponses… Quelqu’un s’est vraiment emmêlé les pinceaux.
Les habitants de Djerba et précisément ceux du village d’Erriadh se sont réveillés sur une mauvaise nouvelle. Une fresque peinte sur les murs de l’ancienne école juive par l’artiste Abbès Boukhobza a été effacée. Rappelons que ce coquet village djerbien, ancienne hara des juifs, a fait l’objet d’un «Djerbahood» en 2014. Une action de «street art» qui a rendu l’espace célèbre pour des fresques extraordinaires à l’initiative du galeriste Mehdi Ben Cheikh. Une centaine d’artistes, de trente nationalités différentes, ont transformé la ville d’Erriadh en un musée à ciel ouvert. Une attraction culturelle incontournable que les organisateurs du prochain Sommet de la francophonie comptent intégrer dans leur programme. En 2020, l’artiste peintre, Abbès Boukhobza, lance une initiative conjointe avec l’artiste française Annie Levy pour réaliser un projet entre Djerba et Marseille. Ce projet est celui de peindre des fresques sur les murs de toutes les écoles de Djerba (voir notre entretien avec l’artiste publié le 17/08/2020 https://lapresse.tn/70815/abbes-boukhobza-artiste-peintre-a-la-presse-les-ecoles-de-djerba-aux-couleurs-de-la-grande-bleue/ ).Le village d’Erriadh ayant une école dans son sein, Abbès Boukhobza réalisera donc, six ans plus tard, sa fresque sur les murs de l’école en question entre celles de Djerbahood mais pas dans le cadre de la manifestation citée. Notons qu’il s’agit d’un travail de volontariat que l’artiste a exécuté à travers plus d’une trentaine d’écoles. Un travail qui, selon les paroles de l’artiste, a rencontré quelques résistances de la part de certains directeurs d’écoles à l’époque et même de certains artistes. Selon Abbès Boukhobza joint par téléphone, il s’agit d’un acte à «visée personnelle et politique visant la République tunisienne et portant préjudice à l’image de Djerba à quelques mois du Sommet de la francophonie. C’est un acte de vandalisme qui touche une fresque représentant la paix». On se pose également la question si cette fresque n’a pas été effacée pour que l’école juive puisse servir de support pour une nouvelle fresque lors du prochain Djerbahood. Ce qui pourrait être possible mais ceci nécessiterait au moins l’aval de l’artiste qui ajoute : «Je passais par le village lorsque j’ai vu un ouvrier recouvrir ma fresque de peinture blanche. Lorsque je lui ai demandé pourquoi, il m’a répondu qu’il a reçu l’ordre de Mehdi Ben Cheikh», soit l’initiateur de Djerbahood. Toujours selon Abbès Boukhobza, Mehdi Ben Cheikh aurait contacté l’artiste via Facebook pour lui dire qu’il croyait que l’œuvre était dans le cadre de Djerbahood, il pouvait donc en disposer. Mais alors pourquoi donc n’enlever que cette fresque et particulièrement dans cette école. Pas de déclaration officielle de la part des autorités, soit la commune de Houmt-souk que l’artiste affirme avoir contactée. Pas de déclaration non plus de la part de Mehdi Ben Cheikh. Pas d’enquête ouverte jusque-là à notre connaissance. L’artiste parle de porter l’affaire devant la justice. Affaire à suivre.