Ce décret-loi souffre de failles organisationnelles, procédurales mais aussi d’un certain vide juridique à combler. D’autant plus qu’il n’est pas aussi constitutionnel, au sens de l’article 65 de la Constitution. On pèse, ici, le pour et le contre.
On avait assisté, il y a quatre ans, au lancement d’une première consultation nationale sur l’élaboration d’un nouveau cadre juridique régissant les associations. Soit une loi organique remplaçant l’actuel décret-loi 88-2011 qui semble, à vrai dire, moins rigide et juridiquement restreint pour mieux réorganiser le tissu associatif, devenu, en quelque sorte, débordant, et dont le nombre s’accroît à profusion. On en compte, à ce jour, plus de 22 mille, sans qu’on ne sache ni la vocation ni les intentions pour lesquelles elles sont créées. L’œuvre du jour n’en est, alors, que la partie émergée de l’iceberg.
Associations écrans ?!
Leurs activités, faut-il le dire, ne sont pas, pour partie, en règle, et encore moins conformes à la loi en vigueur. D’où, des soupçons de corruption ont été signalés à leur encontre, sur fond d’affaires qui sentent le soufre. A l’époque du gouvernement Youssef Chahed en 2017, on n’en a évoqué qu’une centaine, déjà, identifiées auprès du ministère de l’Intérieur. Et depuis, rien n’a été fait. D’où, l’impératif de changer la loi et son mode d’emploi. Pourquoi ? Maître d’œuvre de cette initiative législative, Mehdi Ben Gharbia, alors ministre de la Relation avec les Instances constitutionnelles, la Société civile et des Droits de l’homme, a avoué que le décret-loi 88-2011 régissant les associations n’a pas la force de caractère pour assurer tout contrôle administratif et financier. Leur mode de gestion, la nature d’activités exercées et même les fonds ou les donations qu’elles reçoivent régulièrement, rien n’est transparent. Certaines sont reconnues comme associations écrans.
Un cadre juridique plus adapté
Par ailleurs, ce décret-loi souffre de pas mal de failles organisationnelles, procédurales mais aussi d’un certain vide juridique à combler. D’autant plus qu’il n’est pas aussi constitutionnel, au sens de l’article 65 de la Constitution. Ce dernier stipule ce qui suit : « Sont pris sous forme des lois organiques les textes relatifs, entre autres, à l’organisation des partis politiques, des syndicats, des associations, des organisations et des ordres professionnels et leur financement.. ». D’où, il importe, ici, de rendre un tel cadre juridique plus adapté, en harmonie tant avec l’esprit de la Constitution qu’aux standards internationaux. Et pour cause ! Une plateforme électronique servant de base de données propre au tissu associatif, dans tous ses états, fut, encore, proposée. Sans que cela puisse avoir une forme d’ingérence ou toucher au droit associatif et sa liberté d’expression. L’amendement de la loi ne vise absolument pas des fins répressives. Aucune menace ou pression ne s’opère sur leur existence, à condition que tout se fasse dans la dentelle. Dans la transparence requise.
Autre son de cloche !
Toutefois, un tel argumentaire ne semble guère convaincre la majorité des associations. Le texte de loi proposé n’a pas été à leur goût. Il n’était pas si convaincant pour les rassurer et dissiper leurs craintes. Autre son de cloche. « Pourquoi doit-on changer un décret-loi bien soutenu et qui fournit autant des garanties aussi bien juridiques qu’organisationnelles ? Se demandait, ainsi, l’association « Bayti » (Ma maison), laquelle œuvre souvent dans l’accueil des femmes sans soutien. Pour d’autres, franchement dit, la rectification des lois régissant les libertés présente un risque sérieux. D’autant que la mise hors usage d’un décret-loi en vigueur donne une image d’instabilité. Et les langues se sont déliées, qualifiant de mauvaise intention la création envisagée d’une nouvelle loi organique portant sur les associations. A leurs yeux, elle ne serait qu’une manœuvre juridique qui ne dit pas son nom, visant à mettre le tissu associatif au pas. Réformer une loi, c’est, tout d’abord, cerner ses défaillances et puis mettre les points sur les i pour savoir où nous allons. Sinon, parler d’un nouveau cadre organisant les associations, alors qu’il existe déjà un décret-loi, fait planer beaucoup de doute et nourrir de la mauvaise foi. Du reste, la lutte contre la corruption ne doit se faire que par la loi.