Flux financiers illicites: 3.4 milliards de dinars de pertes annuelles

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L’Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice (Unicri) et l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ) ont publié, récemment, une étude sur les flux financiers illicites (FFI) et la récupération des actifs en Tunisie.

D’après l’enquête publiée récemment par l’Institut interrégional de recherche des Nations unies sur la criminalité et la justice (Unicri) et l’Agence de coopération internationale allemande pour le développement (GIZ), le montant total des sorties de capitaux illicites, en 2013, a atteint près de deux milliards de dollars (5,6 milliards de dinars, à prix constants), ce qui s’élève à environ 181 dollars (507 dinars) par habitant, indique la même source. L’Unicri et la GIZ classent la Tunisie comme le huitième pays le plus corrompu de la région de l’Afrique du Nord et du Moyen-Orient (Mena). D’après « Global Financial Integrity »,  l’économie tunisienne est entièrement rongée par les FFI. Elle subit une perte de plus de 1,2 milliard de dollars (3.4 milliards de dinars) par an. Ces pertes ont un impact considérable sur l’économie tunisienne et la vie quotidienne des Tunisiens moyens, précise l’étude de l’Unicri et la GIZ.

Afin de bien comprendre le phénomène des flux financiers illicites, il est important d’en connaîre la définition exacte. Ainsi, les FFI correspondent à tous les fonds obtenus, transférés ou utilisés de façon illicite au-delà des frontières d’un pays. C’est l’illégalité qui est la principale caractéristique, s’agissant de la façon dont les fonds ont été acquis, transférés et utilisés. Ainsi, les activités criminelles en Tunisie se présentent sous différentes formes et menacent la stabilité économique et sociale du pays de différentes manières. Selon le Gafi, le terrorisme et son financement représentent l’activité criminelle la plus répandue, suivis de la corruption et des abus de marchés ou de réglementation. Le trafic de drogues (en particulier de cannabis) et des ressources non renouvelables, telles que le pétrole, crée également de grandes quantités d’activités illégales qui nuisent à l’ensemble de l’économie tunisienne.

Selon les experts, la récupération de seulement 10% de ce que la Tunisie perd à cause des FFI permettrait au gouvernement de subventionner entièrement les coûts du salaire minimum pour 40.000 jeunes pendant un an, ou de subventionner 50% des coûts du salaire minimum pour 80.000 jeunes pendant un an.

Tout le continent africain serait affecté

L’étude réalisée par l’Unicri et la GIZ recommande aux autorités nationales d’envisager la création et le renforcement de mécanismes non pénaux pour la saisie et la confiscation des avoirs mal acquis dans un contexte de crimes liés aux FFI. Il serait aussi judicieux d’adopter et de mettre en œuvre des mécanismes centralisés de recouvrement à travers la coordination des différents intervenants concernés.

D’après les statistiques publiées par  l’Observatoire tunisien de l’économie, en partenariat avec le Réseau africain pour la justice fiscale, quand l’Afrique réussit à faire entrer 1 milliard de dollars d’investissement étranger, le continent en perd en réalité 2 milliards. C’est le constat fait par des experts qui se sont penchés sur la question des flux financiers illicites en Afrique.

Toujours d’après les analystes, sur le continent africain, il y a plusieurs manières d’avoir recours à des financements illicites. Dans la plupart des cas, les FFI sont découverts dans des cas de corruption commis bien souvent par des fonctionnaires travaillant pour l’Etat en question (5%), dans des activités criminelles, telles que le trafic de drogue, la traite humaine ou encore le commerce des armes (30%), le reste émanant de transactions commerciales comme l’évasion fiscale. Les experts expliquent également que les flux financiers illicites sont générés par la volonté de dissimuler des biens illicites. « Une volonté qui est provoquée par une mauvaise gouvernance de la part des Etats africains. Même s’il existe dans la plupart des pays des organismes de réglementation censés contrôler ces flux, le manque de moyens financiers, humains et techniques ne leur permet pas de travailler suffisamment à la détection des FFI », soulignent-ils. Il a été également noté que les incitations financières délivrées par les Etats sont l’un des plus grands facteurs de ce fléau qui ronge le continent. La non-évaluation de leur impact sur les recettes nationales ne peut que conduire vers une fuite en avant.

Le montant moyen de FFI perdus annuellement par l’Afrique se chiffre entre 50 et 148 milliards de dollars. Une hémorragie dans laquelle les Etats ont leur part de responsabilité. En effet, cette perte de revenus est due essentiellement aux nombreuses incitations financières octroyées par les gouvernements en vue d’attirer les multinationales.

Les pays d’Afrique les plus touchés par les flux financiers illicites sont le Nigéria et l’Afrique du Sud, qui sont en somme les plus gros pourvoyeurs d’avantages fiscaux en faveur des multinationales. Les secteurs qui sont essentiellement visés par les FFI sont le pétrole et les industries minières, les fruits et le secteur halieutique.

Les pays africains continuent de plus en plus à octroyer des incitations financières dans le but d’augmenter les fameux IDE pour un meilleur développement économique. Mais le revers de la médaille s’avère risqué. En effet, les incitations fiscales correspondent généralement à une exonération partielle, voire  totale des impôts pour ces grandes firmes et donc à une baisse des revenus fiscaux. Ainsi, l’implantation de multinationales en Afrique crée, certes, des emplois, mais ne traduit pas forcément une prospérité économique.

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