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Enseignement: Où veut-on mener l’école publique ?

Il est difficile, aujourd’hui, de parler de la gratuité de l’école. Jusqu’à une certaine période, c’était une évidence. Mais, depuis au moins une trentaine d’années, cette réalité a été battue en brèche. Le côté commercial a envahi le paysage éducatif et a fait basculer tout le processus dans une logique purement spéculative.


On en veut pour preuve les dépenses colossales engagées par les familles tunisiennes lors de chaque rentrée scolaire ou universitaire. En effet et selon l’Institut national de la consommation, ces familles déboursent au moins 500 milliards de nos millimes pour affronter les demandes en fournitures scolaires et autres. Ce chiffre ne cesse de grimper au fur et à mesure que les années passent et que les spectateurs affinent leurs moyens de plumer encore plus le consommateur. Le secteur de l’éducation représente, actuellement, l’un des moteurs de la croissance économique, puisqu’il mobilise tous les domaines de production. En plus du nécessaire pour l’enseignement (cahiers, stylos, manuels, etc.), il faudrait y ajouter les autres achats en vêtements, en chaussures, en cartables, etc.

Pourquoi y a-t-il tant d’abus ?

Pour beaucoup d’activités commerciales, il s’agit d’une véritable aubaine. Et c’est pourquoi certains tablent sur ce secteur pour gagner le plus d’argent. Donc, la portée proprement éducative ou culturelle est reléguée au dernier plan laissant la place au côté commercial. Aucune considération sociale n’entre en jeu. Les divers acteurs n’ont d’autres buts que de générer le maximum de profits et  faire rentrer le plus d’argent possible dans leurs caisses. L’Etat, pour sa part, ne joue plus son rôle de modérateur. Lorsqu’on voit que de simples cahiers coûtent 20 ou 25 dinars, on ne peut que s‘étonner et se poser des questions légitimes. 

Malheureusement, ce climat malsain a empiré au cours de la décennie en cours où tous les spéculateurs ont trouvé la voie libre pour s’adonner à leurs activités. Alors que les manuels scolaires sont vendus (jusque-là) à des prix quasiment symboliques, on voit que les cahiers et toutes les autres fournitures connaissent une flambée incessante des prix, à l’exception des cahiers subventionnés (qui sont, par ailleurs, introuvables). La dérive est telle que l’on se demande pourquoi l’Etat n’intervient plus dans ce secteur. Cet État était, jusqu’à présent, entre les mains d’un réseau mafieux qui  faisait la pluie et le beau temps et qui essaye de se raccrocher pour préserver ses privilèges.

D’un autre côté, on peut penser que toutes les politiques menées durant (au moins) les deux dernières décennies n’avaient pas favorisé la dimension sociale. Aussi assiste-t-on, tous les jours, à une descente aux enfers du secteur de l’éducation. Des établissements scolaires tombent en ruine, d’autres représentent une menace permanente pour tout le monde. Il existerait, pour l’heure, près de 450 établissements qu’on pourrait considérer hors d’usage sur les 6.130 existants. 

Or, le diagnostic est clair. Il a été fait depuis très longtemps. Mais la réaction a trop tardé. En cause, l’entretien et la maintenance. C’est le talon d’Achille. Car on ne peut pas préserver un bien si on ne lui accorde pas un suivi continu. Celui-ci n’existe pas parce qu’il n’y a pas d’organigramme fixant les fonctions des différents acteurs. Dans le temps, il y avait des volontaires qui prenaient en charge tous les travaux sans attendre une lourde procédure administrative. Les blocages viennent, surtout, de ce côté. De plus, l’action des syndicats a ajouté aux problèmes existants d’autres difficultés insurmontables. Au point que le ministère ne peut plus prendre de décision sans rencontrer une opposition totale de ces organisations professionnelles.

Ce processus de dégradation de l’infrastructure va se poursuivre tant que l’Etat ne s’est pas engagé fermement sur les voies de la réforme globale. Cette réforme devrait s’appuyer, avant tout, sur une approche plus sociale en insistant sur les rôles de chaque intervenant dans le processus. Il n’est plus question de permettre aux syndicats d’outrepasser leur rôle et de s’ingérer dans les moindres détails de la gestion du secteur.

Vision pessimiste ?

Mais, aussi décevant que cela puisse paraître, on n’est guère optimiste sur ce point. Car tant que ces syndicats n’auront pas encore compris que la Tunisie est en train de changer on n’aboutira à rien.

Le bilan de l’ingérence outrageante des syndicats est catastrophique. Le niveau de nos élèves se dégrade de façon inouïe, les parents désertent vers le privé par crainte des grèves continues qui ont perlé tous les cursus scolaires, le niveau des formations des cadres enseignants se détériore avec le recrutement massif d’intérimaires et de contractuels sous la pression étouffante des syndicats…

Tous ces maux risquent de se poursuivre et de s’aggraver s’il n’y a pas une prise de conscience sociétale quant aux dangers que représentent les actions de certains syndicats de l’éducation. On pense, surtout, à celui de l’enseignement primaire et celui du secondaire. Ils n’ont pas, encore, compris que la récréation est terminée et que, désormais, la Tunisie est entrée dans une nouvelle phase où tout le monde doit obéir à la loi. De gré ou de force. La force de la loi, bien sûr !

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