Comme dans toutes les sociétés et populations du monde, la réticence chez certains individus persiste. Des questionnements ressurgissent souvent et sont liés aux effets post-vaccins qui restent supportables pour la plupart des personnes vaccinées. Les migrants, comme tous les vaccino-sceptiques en général, s’interrogent sur les effets à court ou à long terme des vaccins. Des théories en tout genre sont énoncées et citées : réactions allergiques, arrêt cardiaque, malaises soudains fatals, coma, ou à plus long terme : cancers, développement de maladies neurologiques, ou pire, devenir déficient mental ou physique… Des hypothèses et des craintes souvent sans fondement et qui restent indissociables à l’Humain.
D’autres raisons qui dissuaderaient les personnes migrantes sont souvent citées d’une manière récurrente, comme la difficulté d’accès à l’information, le manque de vis-à-vis, la crainte des sans-papiers de se faire épingler par les autorités, ne pas posséder de papiers pour s’inscrire ou se heurter à la barrière de la langue. Nous vous faisons part spontanément d’avis divers de personnes migrantes vivant en Tunisie.
Flore*, 35 ans :
«Personnellement, je reste pour la vaccination. Mais mon entourage ne pense pas de la même manière : il reste sceptique et pense aux potentiels effets négatifs à long terme. Et quand il voit des personnes vaccinées souffrantes juste après leur injection, il se méfie encore plus. Mon mari et mon fils se sont fait vacciner. Beaucoup prennent leur temps et trouvent qu’on n’est pas dans l’urgence de le faire tant qu’on est sur place, or, on vit en communauté, et pour le bien de tout le monde, il faut se faire ses doses.
Ça protège, permet les échanges administratifs et facilite les déplacements entre les pays. Vaccinez-vous, c’est tout ce que je peux dire. Ça relève de la responsabilité de tout le monde».
Hervé*, 28 ans
«Je ne me suis pas encore fait vacciner. Je compte le faire d’ici la semaine prochaine. Je vais m’informer sur les démarches à faire : mon centre est celui de La Marsa. Je trouve qu’on n’était pas assez informé sur les démarches à faire. L’accès à l’information était difficile et avec le soutien d’ONG et d’associations, on nous a facilité l’accès et mis davantage dans le cadre. Autour de moi, il y a de tout : il y en a qui restent sceptiques et n’ont pas voulu se faire vacciner et d’autres qui se sont directement fait vacciner sans problème. La difficulté, je l’ai ressentie au niveau de la langue : le site était en arabe, c’est ce qui m’a découragé à y aller à un moment. Pour voyager, si c’est impératif de le faire, nous devons le faire. Mais pour l’instant, les données changent et les restrictions aussi. La page du site est disponible en français et je ferai le nécessaire. Les associations nous assistent et les ambassades aussi font le nécessaire».
Evelyne*, 41 ans :
«A Nabeul, nous ne vivons pas en communauté comme à Tunis ou dans d’autres grandes villes de la Tunisie. Je ne me suis pas fait encore vacciner et d’autres ne l’ont toujours pas fait à cause du manque d’informations sur le vaccin, du processus de vaccination, de la barrière de la langue, d’un scepticisme qui plane sur l’efficacité et les effets secondaires ou à long terme du vaccin, mais aussi à cause du racisme presque quotidien et ordinaire que nous vivons. Je finirai peut-être par le faire, mais pas spontanément. Je prends mon temps. Pour l’instant, j’ai tout mon temps, et beaucoup pensent comme moi».
Koulibaly, 39 ans
«Je ne me suis pas fait vacciner parce que je reste libre de ne pas le faire : ça fait des années que je suis ici, je me protège assez, mais je ne suis pas dans l’urgence de le faire. Je travaille occasionnellement dans des chantiers et je suis basé surtout à Tunis. Ça fait longtemps que je n’ai pas voyagé. Me faire vacciner reste secondaire. Autour de moi, il y en a qui ne l’ont toujours pas fait aussi».
*Ce reportage a été réalisé dans le cadre d’un programme d’appui aux productions journalistiques réalisé par TAT
*Pour des raisons confidentielles, certains noms ont été changés