Kaïs Saïed est parvenu au pouvoir de façon démocratique incontestable. Il puise sa légalité dans le processus électoral transparent et sans faille et sa légitimité populaire du score très élevé qu’il a enregistré. Que des voix qui contestent les mesures exceptionnelles s’élèvent aujourd’hui, c’est une position ou une attitude qui, en elle-même, est aussi légitime.
Car la démocratie repose sur le principe de l’équilibre des pouvoirs, et le gel des activités du Parlement, bien que réclamé partout par la rue tunisienne, étant donné sa mauvaise prestation lors de cette législature, est de nature à faire émaner des opposants qui réclament le retour au processus constitutionnel qui, pourtant, boite depuis plus de dix ans. Mais le fait de faire appel à la rue et de s’enorgueillir de voir grossir les rangs des opposants ne fait pas partie de la solution mais complique davantage la crise politique. En effet, non seulement cette opposition appelle à la désobéissance civile, mais elle a aussi tout mis en œuvre pour couper court à toute forme de dialogue, provoquant parfois des escarmouches entre les manifestants. Pour sa part, le Chef de l’État réplique en durcissant le ton et en pointant du doigt ses détracteurs. De ce fait, la tension est loin de tomber.
Ainsi, aucun scénario ne semble se dessiner pour faire tomber la tension et tourner définitivement cette page. Toutes les tentatives pour briser la glace et rétablir le dialogue sur la base d’une nouvelle confiance sont loin d’aboutir. Il y a trop de haine et de rancune entre les protagonistes. Même si Ennahdha, habitué à des fourberies sans fin, reste le seul parti à faire semblant de tendre toujours la main. Face à cette situation, personne ne discutera de rien tant que ses adversaires ne reconnaîtront pas leurs erreurs. Or, on peine à imaginer comment ces derniers, qui ont franchi le Rubicon, pourraient faire machine arrière sans donner à leurs bases respectives l’impression de se déjuger. De plus, les échanges, s’il y en a, ne seront guère faciles avec une opposition à l’attelage hétéroclite. Donc incontrôlable. Cette posture, qui, in fine, ne sera que néfaste, ne semble pas de nature à favoriser l’émergence d’un dialogue fécond, et surtout consensuel. Que même la fin des mesures exceptionnelles ne parviendra plus à résoudre la crise.