L’ancien ministre de l’Agriculture Samir Taïeb est en prison depuis le 30 octobre 2021. Cependant, malgré une décision du juge d’instruction du pôle judiciaire de le mettre en liberté après avoir reçu un rapport de la commission supérieure de contrôle et d’audit des marchés publics qui affirme l’absence de preuves démontrant une quelconque violation, le parquet a interjeté appel et il est resté derrière les barreaux.
Quand on voit comment on traite les anciens ministres et avec quelle légèreté on décide de les mettre en prison, alors qu’ils ne représentent nullement un danger public et ne risquent pas de mettre les voiles, l’on est en droit de se demander sur l’abus de pouvoir des juges en matière d’incarcération sans raison objective et sans preuves tangibles. En effet, la présomption d’innocence devrait être la règle jusqu’à l’accomplissement de l’enquête et non le contraire. Samir Taïeb est non seulement un ex-ministre mais aussi un militant des droits de l’homme et un homme politique. Il est aussi un citoyen tunisien dont les droits ont été bafoués dans cette affaire. L’écrouer sans raison c’est tenter de briser sa vie politique, familiale et sociale.
Mais en Tunisie, la justice et la vengeance se mêlent. Et un Etat de droit doit aussi protéger les accusés et faire prévaloir leur droit à la liberté quand rien ne prouve les forfaits qui leur sont reprochés. Prolonger la détention d’un individu n’est pas un acte sans conséquence. Surtout que les conditions de détention en Tunisie sont terribles et les anciens hauts responsables risquent d’être agressés physiquement en prison. De plus, prononcer un non-lieu après un séjour en prison n’est pas une décision de grâce suite à laquelle l’ancien détenu rentre chez lui heureux d’avoir été libéré. Non. Le juge qui, abusivement, ordonne la mise en dépôt devrait être à son tour interrogé sur son acte.
Combien de citoyens, de hauts responsables ou d’anciens ministres se sont trouvés comme Samir Taïeb dans une situation d’injustice pour être ensuite innocentés et relaxés ? Mais le mal est fait et ils porteront les traces de cette injustice pour le restant de leurs jours. Certains se battront pour laver leur honneur alors que d’autres ne se relèveront jamais de cette épreuve. Ils se mureront dans un silence sans fin, craignant la vindicte des juges. Car la justice est sévère plus qu’il n’en faut, elle fait peur et elle est injuste et cruelle.