L’Ugtt oppose son refus à une éventuelle levée des subventions, au gel des salaires et des recrutements. Un refus qui laisse toutefois une porte de sortie en cas de concertations et de négociations avec la partie syndicale dans le cadre d’un nouveau contrat social qui rassemble et ne divise pas.
La centrale syndicale a entamé, ce mercredi 16 février, les travaux de son 25e congrès qui se déroulent sur trois jours à Sfax. La grand-messe syndicale tient en haleine les différents acteurs du pays en raison de ce qui en pourra découler, des circonstances exceptionnelles marquées notamment par de grandes difficultés économiques, des clivages politiques, des tensions sociales, sans oublier les pourparlers de l’Etat tunisien avec le Fonds monétaire international.
D’emblée, le ton est donné par le patron de l’Ugtt, avec des messages précis à l’adresse des partis politiques et bien d’autres parties, ne souffrant d’aucune interprétation. La centrale syndicale s’attache à l’indépendance de ses décisions, la liberté, la démocratie et la paix sociale. «L’avenir du pays ne se fera pas sans l’Ugtt», résumera Taboubi, secrétaire général sortant et candidat à sa propre succession pour un nouveau quinquennat.
Plus de 600 participants ont pris part à la séance inaugurale en présence d’invités et représentants d’organisations syndicales arabes, africaines et européennes, ainsi que des organisations nationales dont l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, l’Ordre national des avocats , la Ligue tunisienne des droits de l’Homme, le Syndicat des journalistes tunisiens.
Taboubi plaide pour un nouveau contrat social
Le secrétaire général sortant de l’Ugtt, Noureddine Taboubi a indiqué dans sa déclaration aux médias que le congrès se tient dans des circonstances exceptionnelles. Il est ainsi organisé sous le signe de la volonté nationale et contribuera pleinement à dessiner les contours de l’avenir du pays. La centrale syndicale assumera pleinement son rôle en vue de sauver le pays de la grave crise économique.
Taboubi a évoqué les conflits entre différentes parties du pays sans oublier la situation économique très difficile qui a conduit à la dégradation du pouvoir d’achat, rappelant au passage que l’Ugtt a toujours été une force de proposition sur laquelle toutes les parties pouvaient compter. Il a toutefois considéré que les gouvernements qui se sont succédé après la révolution n’avaient pas de l’étoffe en matière de négociations avec les instances internationales de financement et n’ont pas tenu compte des choix économiques propres à la Tunisie.
Quant aux négociations avec le FMI, le SG de l’Ugtt a apposé son refus à une éventuelle levée des subventions, le gel de l’augmentation des salaires et des recrutements. Un refus qui laisse toutefois une porte de sortie en cas de concertations et de négociations avec la partie syndicale dans le cadre d’un nouveau contrat social qui rassemble et ne divise pas.
«Les entreprises publiques dans une situation catastrophique»
Pour sa part, le président de l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat (Utica), Samir Majoul, a déclaré en marge du congrès qu’aussi bien son organisation que la centrale syndicale sont appelées à mettre en place un plan de relance économique afin de le présenter, dans les plus brefs délais, à la Banque mondiale et au Fonds monétaire international (FMI). Selon lui, la Tunisie fait face à une crise économique difficile qui nécessite des solutions de toute urgence, mais aussi l’implication de toutes les parties prenantes sans conditions.
Majoul a évoqué la nécessité de rester à l’écart des considérations politiques dans le domaine économique, afin de relever les défis, estimant que les entreprises publiques sont dans une «situation catastrophique» et ont besoin de solutions urgentes.
Quant à la privatisation des entreprises publiques, qui a constitué un point de discorde avec l’organisation syndicale, il a souligné que cette décision est devenue une nécessité, rappelant dans ce contexte les expériences de plusieurs pays, dont la Chine et la Russie, qui ont opté pour ce choix.
Notons que la secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale, Sharon Burrow, a participé à la séance d’ouverture du congrès par visioconférence. Dans son allocution, elle a mis en exergue le militantisme de l’Ugtt et sa lutte pour la démocratie, le travail décent et en faveur des droits, d’une protection sociale universelle, l’égalité des revenus, l’égalité des genres et des races et, bien sûr, la société inclusive. «Nous soutiendrons toujours l’Ugtt dans le cadre de sa lutte pour la démocratie en Tunisie, pour les travailleurs et les travailleuses de la Tunisie. Nous savons, en outre, que le chemin que vous devrez parcourir est ardu et nous vous exprimons toute notre solidarité. L’unité au sein du mouvement syndical est le seul moyen de pouvoir combattre les tendances à la dictature, à l’exclusion et, bien sûr, au déclin des libertés et des droits fondamentaux. Votre lutte est la nôtre».
Protestataire en brassard noir
Au programme de ce congrès, l’élection d’un nouveau bureau exécutif du syndicat avec plus d’une trentaine de candidats en lice dont l’actuel secrétaire général, Noureddine Taboubi. L’amendement de l’article 20 du statut de l’organisation syndicale, en vertu duquel les membres de ce bureau peuvent se porter candidats et briguer plus de deux mandats, avait poussé d’autres syndicalistes à porter plainte auprès du tribunal pour annuler la tenue du 25e congrès de l’Ugtt, mais le tribunal l’a rejetée. En réaction à cette plainte, le secrétaire général adjoint sortant de l’Ugtt, Samir Cheffi, a répliqué dans des déclarations médiatiques que «si les divergences sont permises au sein de la centrale syndicale, le recours à la justice est synonyme de crime au regard du règlement intérieur de l’Ugtt», ajoutant au passage que de tels agissements ne pourraient aucunement perturber les travaux de ce congrès.
En guise de protestation, le secrétaire général adjoint de l’Ugtt chargé du secteur privé, Mohamed Ali Boughdiri, s’est présenté aux travaux du congrès en portant un brassard noir. Il a estimé que la centrale syndicale «perdra son rayonnement prochainement à cause des derniers actes perpétrés par un groupe de dirigeants syndicaux qui ont enfreint les normes de la démocratie et le statut de l’Union», selon sa déclaration rapportée par la TAP. Et d’ajouter que «ces dirigeants se sont autorisés d’assumer la responsabilité au sein du bureau exécutif en se portant à nouveau candidat en infraction au régime interne».