La crise des déchets à Sfax n’a toujours pas pris fin et il n’y a que des regards pessimistes sur l’avenir de la plus grande ville économique du sud du pays.
A Sfax, tout va mal. Le constat n’est pas nouveau mais il est nécessaire de redire l’urgence de la situation environnementale de la région qui risque d’empirer si rien n’est fait. Aujourd’hui, la ville croule sous ses déchets avec environ 69 mille tonnes qui sont déversés dans la nature depuis le déclenchement de cette crise sans précédent. Un chiffre qui fait froid dans le dos, certes !
Un échec cinglant…
Malgré que la situation s’annonce catastrophique dans la région, le dossier des déchets n’a pas été traité sérieusement par les autorités concernées qui adoptent toujours une gouvernance et une gestion ordinaires alors que nous sommes dans une crise aiguë qui risque de perdurer et qui aura des répercussions sur la situation économique, environnementale et sanitaire de la ville.
Au lieu d’étudier son évolution dans le temps, les sources des pressions générées, les enjeux environnementaux majeurs…, les autorités concernées se sont alignées sur une seule alternative après la fermeture de la décharge d’El Gonna et le déclenchement de cette crise : la seule proposition était l’aménagement d’une décharge à Limaya, à Menzel Chaker, loin de Sfax de 62 km. Mais cette idée n’a pas été la bienvenue chez les habitants de Limaya, qui ont protesté contre cette décision et annoncé leur refus total d’être ‘’un site de décharge’’. Face à ce refus social, la crise se poursuit toujours et les autorités peinent à trouver une solution depuis plusieurs mois. Du coup, on se retrouve toujours dans un cercle vicieux qui ne fera qu’accentuer les problèmes et nous tirer vers le bas. C’est avec ces mots de désespoir extrême que Hafedh Hentati, président de la Fédération tunisienne de l’environnement et du développement (Fted), résume la situation à Sfax, après avoir tenu mardi dernier un point de presse sur la situation environnementale de la ville, organisé par la coordination de l’Environnement et de développement et la branche régionale des avocats.
« Malheureusement, aujourd’hui, ce refus social est devenu un facteur majeur dans l’échec de la gestion de cette crise, étant donné que toutes les localités et toutes les régions refusent l’implantation d’une décharge malgré les négociations menées par les différentes parties. Actuellement, on ne parle plus de l’installation de la décharge, mais on parle de l’industrie de la transformation et des techniques de traitement des déchets. Mais ces techniques industrielles sont aussi refusées.
De l’autre coté, les responsables au ministère ont travaillé sur une seule alternative depuis le début de la crise et avant même la fermeture de la décharge d’El Gonna. Pour eux, El Gonna est fermée définitivement et malheureusement, ils ont choisi un seul terrain à Limaya pour remplacer l’ancien… C’était un choix comme d’autres mais il fallait avoir d’autres alternatives car toute situation de crise nécessite un diagnostic précis de l’ensemble des difficultés, de leurs causes, une rectification de trajectoire… Elle nécessite aussi et surtout que plusieurs décisions importantes soient prises dans un court laps de temps et dans un contexte où la pression est forte. Mais avec une gestion opaque et calamiteuse, nous sommes aujourd’hui dans une situation de blocage, où on ne voit pas le bout du tunnel ; à chaque fois, la centrale envoie la balle vers les régions, qui, à leur tour, n’arrivent pas à choisir le terrain ni à trouver la solution…et cette situation va perdurer parce qu’il n’y a pas une vision réelle et profonde de la crise», regrette-t-il.
Poursuivre le combat civil
Revenant sur les actions en justice qui ont été déposées par les associations contre les municipalités et tous les autres responsables de cette situation, M.Hentati n’a pas manqué de rappeler que la société civile a gagné son procès contre l’Agence nationale de gestion des déchets (Anged) et certaines municipalités de la région, à l’issue de l’audience du 24 janvier dernier. En outre, vu le caractère exécutoire et urgent du jugement, les parties concernées sont dans l’obligation de l’exécuter et de procéder à la levée immédiate des déchets existants sur chaque territoire. Le même jugement ordonne à l’Anged de procéder au transport desdits déchets des centres de collecte vers un dépotoir provisoire, en attendant l’aménagement d’une décharge qui répond aux normes.
« Ce combat judiciaire va se poursuivre…Et on va utiliser tous les moyens civils disponibles pour lutter contre toutes les décisions qui mettent en danger notre droit à une vie saine et à un environnement propre… On croit énormément à ce combat civil. Et malgré la complexité de la situation, on est heureux de ce parcours juridique qui nous donne un autre moyen de pression pour trouver une solution définitive à ce problème. Mais il ne faut pas crier victoire trop vite, la crise persiste encore et on craint le pire surtout avec l’approche de la chaleur et de l’été d’où l’urgence de trouver une solution radicale à cette crise environnementale sinon nous risquons de revenir à la case départ », souligne-t-il.