On ne parle plus d’une violence maîtrisée ou «limitée», cette finale de hand interrompue a montré des scènes hypergraves où la haine, l’impunité et la décadence morale des dirigeants ont marqué les esprits. Où va-t-on vraiment ?
Fallait-il que le supporter clubiste périsse pour mesurer la gravité des incidents ayant émaillé la finale de handball CA-EST arrêtée après 10’ de jeu ? Et comme d’habitude, on va dire que l’on a frôlé le pire et que fort heureusement il n’y a pas eu de victimes. Cette fois, ce discours ne doit pas tenir, on a dépassé toutes les limites du tolérable, on est passé à un stade confirmé de violence dans les scènes sportives. Ce ne sont plus des incidents «contrôlables», voire compris qui peuvent surgir n’importe où dans le monde. Là, c’est un stade de violence bien avancé, bien enraciné qui ne peut plus être ignoré. Ce qui s’est passé à la salle de Radès relève du monstrueux : des jets de flammes type «parachute» entre les supporters du CA et de l’EST dans un espace fermé, des jets de projectiles, une invasion partielle du terrain, des batailles rangées entre les dirigeants du CA et de l’EST (un spectacle dégoûtant de la part de pseudo-dirigeants récidivistes qui ont enflammé les supporters déjà aux nerfs excités), et finalement une salle évacuée et une finale arrêtée. Où allons-nous avec cette violence répugnante et avec cette haine qui se nourrit de ce qui se dit et s’écrit sur facebook? On pressentait une atmosphère tendue entre les supporters du CA et l’EST avant cette finale.
Et les raisons sont diverses : de la rivalité traditionnelle entre les deux clubs (parfois excessive mais qui fait partie du décor) à l’échange d’insultes et de rumeurs sur les réseaux sociaux, en passant bien sûr par la dégradation morale d’une grande partie des supporters du CA et de l’EST. A l’image d’une société tunisienne en perdition de valeurs morales, maintenant le discours tombe de plus en plus vers le bas. Pour taquiner un club concurrent, on se permet de tout dire, de l’afficher même sur des banderoles et dans une chorégraphie (franchement ces chorégraphies à chaque derby sont insolentes et immorales comme celle produite par le public clubiste au derby du football avec comme idée géniale (un chimpanzé!)). Passons maintenant aux dirigeants, les images sont choquantes pour ce qui s’est passé entre les deux bancs et à la main courante. Le président de section de l’EST Kaïs Attia était un mauvais héros avec ce qu’il a fait devant la table et bien sûr de l’autre côté clubiste, on n’a pas été exemplaire. Comment ces dirigeants peuvent-ils encadrer et donner l’exemple devant leurs joueurs ?
C’est quelque chose de fou, d’incroyable. C’est même une crise profonde de dirigeants. Aujourd’hui, n’importe qui peut enfiler la casquette de dirigeant. Et vous pouvez comprendre pourquoi nous en sommes là !
Défaillance sécuritaire et impunité
Comment les supporters du CA et de l’EST ont-ils pu faire entrer tout ce stock de flammes dangereuses dans la salle de Radès ? Quelque chose nous dit que pour faire entrer tous ces fumigènes et flammes dites «parachute», il doit y avoir une grande défaillance sécuritaire ou une complicité de la part de certains agents aux portes.
C’est l’explication logique pour comprendre en toute rationalité le film des incidents. Avec les moyens et le matériel à la disposition des forces de sécurité, contrôler une salle comme Radès est une opération simple. Si l’on voulait que tout le monde soit filtré, on le ferait facilement. On a vu qu’autour de la salle de Radès, les échauffourées ont commencé tôt entre la police et le public. La présence des forces de l’ordre au moment des incidents n’était pas également si forte et si consistante pour empêcher quelques supporters de quitter le virage et d’envahir le parquet. En tout cas, la défaillance sécuritaire semble évidente au vu des images. N’oublions pas également la Fthb, première responsable de l’organisation d’une finale. Une petite question aux membres de la Fthb : qui a donné ces nombreux badges à des intrus venus pour agresser et pour harceler les officiels de cette finale? S’il y a un échec, ce sera également de la part de la Fthb qui a raté son contrat. Et maintenant? C’est l’impunité qui l’emporterait. La gravité des événements, le risque que l’on aurait pris, tout cela demande des décisions courageuses et sérieuses. Le huis clos semble s’approcher, ou, au meilleur des cas, une présence réduite pour éviter d’autres incidents. Mais disons aussi que cette haine prend une ampleur et une tournure beaucoup plus compliquées qu’un simple match. Cette violence est également extra-sportive et n’a pas que des fondements liés à la compétition sportive. C’est une spirale déjà déclenchée et dont on ignore la suite et surtout la fin !
crédit photos : © Mokhtar HMIMA