Par M’rad Ben Hassine *
C’est au cours de la cérémonie de présentation de mon livre Ali Turki, Père du Fondateur de la dynastie Husseinite, organisée par l’Institut des hautes études, auquel s’est adjoint l’Association des anciens élèves du Collège Sadiki, tenue le 28 mai 2022 au Pôle culturel Fadhel-Ben Achour à La Marsa, que j’ai promis de revisiter Le Kef le 12 juin 2022. Je tenais à me rendre compte du résultat de mes différentes interventions résultant de l’abandon et l’agression du mausolée de Sidi Ali Mlayhi et Ali Turki au Kef, un sanctuaire d’éthique historico-religieuse et ce auprès du gouverneur, du président de la municipalité du Kef, des ministres des Affaires culturelles, des Affaires religieuses, des Domaines de l’Etat et de l’Institut national du patrimoine ; départements concernés par le sujet.
Le mausolée a été, depuis les événements de 2011, occupé et squatté par des individus qui y ont semé trouble et désordre et dont certains ont même tenté de s’en approprier, malgré de brefs aménagements en 2008 dans le cadre d’un projet présidentiel en faveur de la région. Notre intervention semble avoir contribué à mettre fin à leurs agissements et à sensibiliser les responsables qui ont agi et stoppé cette anarchie dévastatrice de ce monument historique.
En compagnie de trois de mes enfants et mon petit-fils Hussein Bey, des cousins Farouk Bey et sa sœur Dorra Bey Belkhodja, nous nous rendîmes au Kef où nous fûmes bien accueillis par M. Abdelkrim Oubiri, délégué de l’INP,
M. Mohamed Tlili, ancien de l’INP, archéologue, historien et conseiller municipal de la ville du Kef, chargé des affaires culturelles, et M. Hatem Drissi, chef du projet Museum Lab, partenaire associatif de la municipalité du Kef.
Accompagnés de nos hôtes, nous avons remarqué avec satisfaction que l’édifice a été récupéré et que l’autorité de l’Etat a été rétablie et confirmée. C’est grâce à ma lettre du 10 juin 2021, affirme M. Abdelkrim de l’INP, qu’une commission interdépartementale s’était constituée pour résoudre le problème du sanctuaire. Une fois la clé récupérée, les travaux, après contact pris avec les Domaines de l’Etat et sous le contrôle technique de l’INP et supervisés par M.Tlili, ont commencé par le nettoyage des lieux et la restauration du monument. M. Tlili nous a confié avoir été impressionné par la présence en ce lieu de trois générations descendantes directes de Ali Turki se recueillir dans son mausolée (l’auteur, son fils et le petit-fils), mettant l’accent sur l’absolue nécessité de protéger le mausolée, en assurant que la municipalité de la ville du Kef est le meilleur garant de cette mesure en sa qualité de veilleur de mémoire et protecteur du patrimoine local.
Au cours de nos discussions, M. Tlili a cité les démarches que son département envisageait de prendre en ce lieu, tout en restant fidèle à sa vocation initiale:
– Confirmer l’appartenance du mausolée Ali Mlayhi et Ali Turki à l’Etat tunisien. Preuve à l’appui que ces lieux ont fait l’objet d’actes habous constitués par décret du Bey Hussein 1er, fils de Ali Turki.
– Protection, consolidation et restauration du monument menées par les services de la municipalité, sous le contrôle technique de l’Institut national du patrimoine vont se poursuivre jusqu’à la fin de l’année, dans le but de mettre en exergue la valeur historique de ces lieux.
– Représentant un intérêt public, ce monument historique doit être protégé et sauvegardé. M. Tlili a assuré qu’il s’engagera au nom de la municipalité à activer la procédure de son classement et de sa bonne gestion future.
Dans le souci de contribuer à l’aspect archéologique et historique du monument, je suggère que :
– Le caisson (cénotaphe) d’Ali Turki, déplacé au cours des brefs aménagements de 2008, pour une vérité historique, soit remis à sa place initiale. M. Tlili a promis d’y remédier.
L’auge de la pierre tombale cimentée en 2008, le creux, le cippe et son turban, soient rétablis. M. Tliti pense qu’ils ont été déplacés aux dépôts de la basilique pour mieux les protéger.
– Des épitaphes sur les deux tombes de Sidi Ali Mlayhi et Ali Turki, ainsi que des plaques signalétiques de la zaouia des deux saints hommes, tels qu’ils sont considérés par les habitants. M. Tlili a promis de faire le nécessaire en assurant que pour lui, Ali Turki était le « fédérateur » de la région du Kef et qu’il est de son devoir de prévaloir la grande valeur historique de ce personnage.
– Une partie du mur du sanctuaire soit simplement enduite à la chaux afin de garder l’aspect austère et sobre porte-voix de la sérénité de l’endroit.
Des réunions sporadiques, pour ne pas dire périodiques, des responsables locaux chargés de la sauvegarde et la mise en valeur des monuments de la région du Kef sous la supervision de l’INP, en vue de suivre de près la situation du patrimoine historique, culturel, archéologique et religieux, afin que dorénavant rien ne se perde et impliquer dans la région le tourisme culturel.
Je saisis l’occasion pour revenir sur les paroles tenues par Monsieur Tlili, un universitaire de valeur, qui considère que ce lieu de sépulture au centre de la ville du Kef représente plus qu’un symbole régional ; il fait partie du patrimoine immatériel et de la mémoire collective. Il insiste : « Trop de cafouillages dans ce dossier ! », puisque les historiens n’ont pas saisi, pour des raisons diverses, le message concernant ce chef de guerre à qui a été confiée l’autorité de gouverneur. Il avait agi en « fin politique », fusionnant la mer Méditerranée d’où il était venu et le continent africain, sa terre d’asile, « équation impossible ! », dit-il.
Ali Turki, pour M. Tlili restera :
• Un stratège et un visionnaire qui a compris l’importance des spécificités régionales pour consacrer une réconciliation et une paix sociale dans une région sensible compte tenu de sa situation géostratégique. Il a été le centre d’intérêt des tribus influentes de la région du Kef (principalement les Beni Chanouf et les Beni Charen).
• Géniteur du lignage d’un Etat national qui ne tardera pas à voir le jour. M. Tlili est convaincu que la dynastie husseinite est de sang tunisien, ancrée indubitablement dans sa région natale, Le Kef.
Il a insisté que Ali Turki restera un « cas de réussite » et une fierté pour lui en tant que Tunisien et originaire du Kef.
Dans l’espoir de voir ce monument historique dans ses plus beaux jours, veuillez agréer, Madame la Ministre, l’expression mes sentiments respectueux.
M.B.H.
(*) Auteur du livre Ali Turki, Père du fondateur de la dynastie husseinite