Accueil Actualités Tribune | Lettre ouverte adressée à Monsieur le Président de la République tunisienne de la part d’un penseur libre de l’éducation : Irrité de voir l’école publique tunisienne ruinée, abîmée et spoliée telle une «forteresse vide» (I)

Tribune | Lettre ouverte adressée à Monsieur le Président de la République tunisienne de la part d’un penseur libre de l’éducation : Irrité de voir l’école publique tunisienne ruinée, abîmée et spoliée telle une «forteresse vide» (I)

tribune la presse

Par Yassine ZOUARI*

Monsieur le Président de la République Tunisienne,

Que l’école tunisienne ait succombé depuis deux décennies à une crise profonde de sens, c’est ce que prouve principalement l’examen des évaluations nationales et internationales ; outre les dérives incessantes observées au niveau de l’éducation scolaire et le nombre grandissant de décrocheurs dépassant depuis 2011 les cent mille par an. A vrai dire, la réforme de 2002 et les politiques éducatives qui lui ont donné naissance furent un échec lamentable. Celles-ci ont induit notre école dans un processus de chute libre aboutissant aux conséquences désastreuses actuelles : malaise identitaire professionnel chez les enseignants, perte du désir d’apprendre chez les élèves, aggravation du décrochage scolaire, pauvreté des apprentissages, dégradation du niveau scolaire, marchandisation sauvage de l’éducation, usage de stupéfiants faute d’usage pédagogique et culturel des TIC, déviance et délinquance scolaires, violence frôlant l’acte meurtrier. Cet échec est de plus en plus insoutenable de nos jours et c’est d’une crise profonde de sens dont il est question dans notre école publique.

Jadis, ayant réussi à préserver l’équilibre entre l’exigence des savoirs scolaires, la mobilisation intense des élèves, l’investissement pédagogique professionnel du corps enseignant et l’intérêt primordial pour l’éducation scolaire comme relevant du service public de l’Etat, l’école tunisienne avait contribué à former les cadres et les compétences tunisiens faisant ainsi preuve d’ascension sociale depuis l’indépendance. Socle primordial du projet moderniste de l’Etat bourguibien de l’indépendance et œuvre enracinée dans l’esprit réformiste progressiste arabe du 19e siècle, l’école publique tunisienne s’est édifiée dans la continuité de ces moments historiques déterminants d’une identité nationale attachée aux valeurs de rationalité, de modération et d’aspiration à l’universalité. Ainsi, furent créés l’école de l’indépendance et, au 19e siècle, en 1838 l’école polytechnique du Bardo par Ahmed Bey, puis en 1875 le collège Sadiki et la réforme de l’enseignement promulgué à la Grande Mosquée de la Zitouna par Kheireddine Tounsi, lequel Premier Vizir de la Tunisie (1873), distingua à juste titre quatre catégories de fonctionnaires d’Etat et préconisa de recruter ces derniers parmi la quatrième catégorie : «Suivant mon idée, les fonctionnaires actuels peuvent se classer en quatre catégories. La première comprendrait tous les hommes honnêtes mais ignorants ou incapables; la 2e les ignorants corrompus : la 3e les instruits corrompus ; la 4e les hommes instruits, capables et intègres. Naturellement, le choix des fonctionnaires devrait être parmi les hommes appartenant à la 4e catégorie».

Tel le phare qui éclairait les nouvelles générations de la haute culture les accompagnant dans leur entrée dans le monde, voire le phare qui illuminait le chemin d’une Nation en quête de transcendance, l’école républicaine tunisienne a su cultiver chez les jeunes tunisiens à travers deux réformes architectoniques, celles de 1958 et de 1991, le désir d’apprendre et de se former, leur faisant savourer les savoirs, et ce, en dépit de son aspect assez sélectif.

Crise de légitimité

Le lendemain de la réforme de 2002, des incertitudes ont jalonné l’esprit et les attitudes tant des enseignants que des élèves portant principalement sur le sens des nouveaux contenus prescrits et de l’approche pédagogique controuvée (la fameuse approche par compétences). Pour la première fois dans l’histoire des réformes éducatives en Tunisie, un tel ressentiment mettait en doute la légitimité des nouveaux choix : les attitudes des enseignants et des élèves convergent autour du constat du désarroi vis-à-vis de la réforme curriculaire et du non-sens de l’approche pédagogique qu’elle a tenté de prescrire. Quant aux enseignants du secondaire, ils ont rejeté l’approche par compétences au nom de leur identité disciplinaire, mais cette dernière fut secouée à force d’avoir multiplié les opérations insignifiantes d’allégements des contenus scolaires. Sans oublier l’insoutenable injustice législative à l’égard des écoles primaires livrées à elles-mêmes en matière de financement nécessaire à l’achat du matériel pédagogique et à l’entretien des infrastructures scolaires, comme l’a promulguée la loi d’orientation n° 2002-80 du 23 juillet 2002 relative à l’éducation et à l’enseignement scolaire, ce qui aurait été des indicateurs d’une mission éducative publique quasi-impossible.

Désengagement du service public de l’Etat tunisien

A examiner les classements et les statistiques variées, notamment ceux de Pisa en 2015 réalisés par l’Ocde, dévoilant le classement de l’école tunisienne en 65e position, sur 70 pays évalués, et le retard qu’accuse l’élève tunisien quant aux apprentissages fondamentaux par rapport à la norme mondiale optimale, et qui atteint 5 ans en mathématiques, 4,3 années d’apprentissage en sciences et en compréhension de l’écrit, on saisit plus clairement l’origine du mal : si l’école tunisienne est gravement malade c’est principalement, mais pas uniquement, en raison des choix politiques et pédagogiques désastreux ayant porté atteinte à « la valeur de la chose enseignée » depuis la réforme de 2002 et ayant provoqué un processus de déshérence scolaire et culturel lourd de conséquences. C’est dire que le rapport au savoir des élèves et le rapport au métier d’enseignant pour les professeurs du primaire et du secondaire tiennent substantiellement à ce critère : les contenus scolaires font-ils sens pour les apprenants et sont-ils légitimes aux yeux des professionnels de l’éducation scolaire qui se chargent de les enseigner et d’accompagner les élèves dans le processus d’apprentissage ? C’est là un critère décisif qui assoit l’autorité de l’enseignant et son image, et ce n’est pas un hasard si ces dernières n’ont cessé de se dégrader également depuis 2002.

Or, une nouvelle variable exogène pouvant être qualifiée de parasite qui interférait à ce niveau faisant éclater l’équilibre et la force cognitive de l’école tunisienne, à cause de la manière dont elle a été mal gérée par des politiciens technocrates : il s’agit de la mondialisation de l’économie de marché qui a envahi l’école et l’a fait plier aux critères de valeurs opportunistes et instrumentales de la marchandisation, au point que de hauts responsables au ministère de l’Education jurent de nos jours sur le marché pour entreprendre l’amélioration ou l’équilibration d’un curriculum boiteux, faute de vouloir bâtir la vraie réforme, celle des programmes scolaires atteints de l’usure, des méthodes d’enseignement et de formation sclérosées, en bonne partie béhavioristes et d’origine pavlovienne, des finalités du système éducatif tunisien, des législations devant agir contre les inégalités de chance flagrantes, des images de l’homme/citoyen à former et de la société tunisienne à promouvoir, de la philosophie et politique de la réforme à expliciter. A vrai dire, la marchandisation a envahi la Tunisie tel un tsunami qui balaie les plus belles œuvres de l’Etat de l’indépendance, l’école publique et l’hôpital publique en même temps, sans oublier les menaces qui pèsent sur les acquis du Code du statut personnel dans un environnement médiatique rivé à l’insignifiance.

Céder à des options néolibérales et succomber à des injonctions rentabilistes impliquant le recul de l’Etat tunisien dans l’investissement dans l’humain, ce qui a ouvert la voie à la marchandisation sauvage de l’éducation scolaire, telle est la cause profonde de la maladie de l’école publique tunisienne dont les symptômes ont été dévoilés avant le coronavirus. La pandémie n’a fait qu’aggraver les injustices scolaires et épistémiques, l’iniquité et les inégalités devant l’école et la culture. Nous assistons à la montée du culte de l’ignorance à l’école transformée en une fabrique de l’inculture.

Ainsi se fabriquaient les «belles éducations» en Tunisie depuis la réforme de 2002 jusqu’à nos jours !

Comment s’étonner alors après une décennie de privatisation sauvage, de destruction orchestrée de l’école tunisienne, au nom de la platitude que semait le régime de Ben Ali durant sa dernière décennie dont les académies politiques de l’ancien RCD constituaient le fer de lance de la manipulation et du modelage, que le lendemain de la Révolution tunisienne, révolution motivée par des valeurs sécularisées (liberté, dignité humaine, employabilité, justice sociale et équité), ce sont plutôt les idéologies de l’islamisme radical et les salafismes de tous bords qui se sont emparés des corps, des esprits et de la politique, telle une société qui marche sur la tête ?

Décoloniser l’école tunisienne

En 1901, le débat fut houleux à la Chambre des députés, en France, au sujet de la possibilité ou non d’instruire les indigènes et de la politique scolaire à adopter en Tunisie après l’installation du régime du protectorat. Cette question fut épineuse car elle touche à d’autres enjeux qui font trembler notamment les députés conservateurs de l’extrême droite, lesquels y étaient totalement hostiles et les colons obstinés à vouloir mettre fin à l’instruction des Arabes. Faut-il instruire les indigènes au même titre, voire selon les mêmes contenus et méthodes que les élèves français et européens qui résidaient jusqu’alors en Tunisie ? Les décisions prises étaient inspirées de la note de Jules Ferry, ministre de l’Instruction publique connu en France par les lois Ferry relatives à l’instruction obligatoire, gratuite et laïque de 6 à 13 ans. Dans cette note (1882) illustrant la politique scolaire à envisager pour la Tunisie, J. Ferry opta pour une instruction moyenne aux indigènes qui consiste à introduire dans les écoles élémentaires du protectorat où on dispensait déjà des contenus religieux, un enseignement de la langue française : «L’œuvre vraiment politique et civilisatrice à poursuivre serait l’école française pour les musulmans, l’école où des instituteurs arabes professeraient le français pour les Arabes».

Dans ce sens, l’examen des rapports officiels d’acteurs républicains français et des séances parlementaires suffit à prouver que les écoles primaires franco-arabes et les écoles professionnelles avaient pour vocation d’éviter de faire des indigènes des exclus et des fonctionnaires : ni des «déclassés», ni des «candidats fonctionnaires», mais un petit cadre d’employés et d’agents administratifs de commerce ou de l’industrie locale et des «agents inférieurs» de travaux publics, voire une classe d’agents d’exécution intermédiaire entre le colon el la population tunisienne, telle était la limite de l’instruction des indigènes. Force est de constater que l’œuvre scolaire française en Tunisie était l’expression d’une politique éducative parcimonieuse quant aux contenus à enseigner et aux finalités éducatives, frôlant l’injustice épistémique et l’inégalité scolaire.

Toujours est-il que la politique scolaire adoptée par le régime du protectorat est significative de l’enjeu primordial du savoir et de la peur des savoirs en ce que ces derniers pourraient asseoir les valeurs d’autonomie, de libération et d’émancipation quand ils relèvent vraiment de savoirs et de pratiques sociales de référence à transposer. L’ironie de l’histoire voulait qu’une bonne partie des leaders de l’indépendance en Tunisie soit formée dans des écoles et universités françaises et occidentales, ayant savouré les savoirs modernes et ayant adhéré volontairement aux valeurs des Lumières et des droits humains fondamentaux après en être brûlés par des politiques coloniales instrumentalisant les Lumières. Mais n’est-ce pas le comble de l’histoire que l’école tunisienne se confrontait de nouveau, et après deux réformes architectoniques, en dépit de leurs limites bien évidemment, au paradoxe du statut du savoir depuis la réforme de 2002, réduit à la minorité, pour ne pas dire à l’enterrement voulu et choisi, puisque le savoir devenait dans nos écoles «le mort» ou, à force d’y être exclu, faisait depuis 2002 «le fou» du système éducatif pour emprunter des termes à Jean Houssaye, l’auteur de la théorie du triangle pédagogique ? Comble de l’histoire, mais aussi «avenir d’une illusion», misère de l’école qui se voue à l’idéologie misérable des compétences dénuées de savoirs, comme si celles-ci étaient séparées de tout savoir, comme si un apprentissage sans savoirs était possible. Les illusions ne manquaient pas quand on entendait pérorer que les savoirs étaient disponibles sur Internet. Or «Internet n’éduque pas», et il convient d’en faire un usage pédagogico-didactique la transformant, selon une logique de transposition didactique, en un outil de médiation cognitive et culturelle, car c’est la culture qui donne forme à l’esprit (J. S. Bruner, 1990), nivelant de la sorte le pauvre petit Tunisien depuis 2002 vers le haut en lui ouvrant des perspectives de découvertes, de connaissance du monde, de développement psychologique global, de compréhension et d’accomplissement de soi par et dans les savoirs/compétences. Ainsi tout se réduit dans notre école publique à l’activisme et au culte des compétences, lequel étant indissocié du «culte de la performance» dominant dans les sociétés contemporaines où «dans le marché des grandes valeurs, la valeur du marché fait l’objet d’un accord croissant» (A. Ehrenburg, 1991, p. 14) et où «la professionnalisation de la vie sous les auspices de l’entreprise serait désormais la seule voie pour conquérir son autonomie, se repérer dans l’existence et définir son identité sociale». (ibid., p. 16), aurait conduit à l’appauvrissement des apprentissages et à la montée des incompétences à l’école tunisienne qui ne peut plus se contenter de pérorer des taux alarmants de classes d’âge entières ne sachant ni lire ni écrire ou de 7.000 élèves candidats au bac ayant obtenu un zéro en français.

Mais quand on sait que le curriculum hérité de 2002 est désertique et ne puisait plus, dans la haute culture et les œuvres réflexives et critiques, ses contenus et ses supports didactiques tant en lecture, langue arabe, langue française, langues étrangères, littérature, philosophie, éducation islamique, éducation civique, histoire, géographie, ni dans la culture et les concepts scientifiques un levier pour l’éveil scientifique qui demeure le parent pauvre de l’école primaire tant au niveau du volume horaire qu’en contenus, privant nos élèves de savourer «la valeur éducative de la science» et de développer «une culture scientifique moderne», voire l’esprit scientifique (G. Bachelard, 1938/1996), mais allant jusqu’à l’interdiction aux professeurs des écoles primaires qui souhaitent à titre d’exemples faire vivre aux jeunes apprenants tunisiens l’éloquence et la force poétique de la langue arabe à travers quelques extraits de Kalila wa Dimna d’Ibn Al-Mokaffa et la beauté/sobriété de la langue de Molière à travers des extraits des Fables de La Fontaine, on comprendrait le pathos de l’école tunisienne qui se résumait dans le culte de l’ignorance dont sont responsables des choix pédagogiques et politiques éducatives des plus désastreux de l’histoire du système éducatif tunisien.

Ainsi se croisaient «l’école française pour les musulmans» et l’école tunisienne issue de la réforme de 2002 au carrefour de la parcimonie à l’égard des savoirs et du culte de l’ignorance.

N’étant guère réduite à une technique, ni à une marchandisation, l’éducation est une activité humaine intentionnelle qui relève d’un agir délibéré conçu en vertu de méthodes, de valeurs et de décisions libres et responsables, voire d’une praxis entendue au sens d’un «faire dans lequel l’autre ou les autres sont visés comme êtres autonomes et considérés comme l’agent essentiel du développement de leur propre autonomie. La vraie politique, la vraie pédagogie, la vraie médecine, pour autant qu’elles ont jamais existé, appartiennent à la praxis… la praxis est ce qui vise le développement de l’autonomie comme fin et utilise à cette fin l’autonomie comme moyen».

Or, en tant que praxis humaine, l’éducation scolaire requiert la phronésis ou la vertu de prudence à laquelle Aristote, qualifié par les Arabes de l’excellence de «Premier Maître», accorde une importance capitale dans les affaires humaines en tant que savoir rationnel tourné vers l’action, savoir pratique qui concerne la raison humaine dans sa confrontation à des réalités complexes dont l’examen suppose la délibération et le choix pour que l’action soit bonne en elle-même. Ainsi, l’éducation relève du bonheur d’enseigner et d’apprendre et s’opère en vertu de valeurs intrinsèques et non exclusivement de valeurs instrumentales du marché ; elle est un agir qui a sa fin en lui-même et non dans le marché. Le marché n’éduque pas et il est temps que les investisseurs du secteur privé se détournent de l’éducation scolaire pour investir dans d’autres domaines : économique, agricole, industriel, numérique, énergétique environnemental, pharmaceutique, touristique culturel, traitement des eaux, traitement des déchets/valorisation matière et valorisation énergétique dont notre pays aurait urgemment besoin pour sa prospérité et sa souveraineté.

Mesdames et messieurs les investisseurs, levez vos mains de l’éducation scolaire, l’Etat tunisien en tant qu’instance suprême de la puissance publique s’en chargera et assumera pleinement sa responsabilité vis-à-vis de la scolarité gratuite et obligatoire, dans une société démocratique post-révolutionnaire : c’est beaucoup mieux pour la justice sociale, l’équité, la démocratie, la paix civile et l’avenir de notre pays que vous en serez des serviteurs conventionnés et loyaux et non un marché indépendant et oppressif.

Une question qui aurait quand même besoin d’être dévoilée à ce propos : qui sont les propriétaires réels et non virtuels des écoles privées en Tunisie et pourquoi le ministère de l’Éducation, mais aussi les syndicats, fermaient les yeux sur les inégalités flagrantes et les injustices qu’elles mystifient en les traitant de partenaires alors qu’il s’agit plutôt d’une soumission du service public de l’éducation scolaire à la marchandisation sauvage ? Comment fermer les yeux sur le fait que durant la crise du coronavirus, les écoles publiques étaient fermées, mais les élèves du privé ont eu l’occasion de poursuivre leurs études à distance, assurées par leurs professeurs dont la majorité sont paradoxalement des professeurs du public ? Pire encore, comment a-t-on osé, durant la crise du coronavirus, priver les élèves des classes terminales littéraires de leur droit à savourer un menu légèrement consistant — aussi rare soit-il depuis 2002 — qu’étaient les deux chapitres réflexifs portant sur «Le rationalisme à l’œuvre dans la littérature arabe classique : Al-Maâri et Al-Jahiz», sacrifiés par des décideurs obsédés par l’allègement des programmes sous prétexte de coronavirus ?

Face à l’ampleur du désastre, nous sommes persuadés qu’il vaut la peine d’une réforme globale et en profondeur rendant possible la reconstruction et le renouveau de l’école publique tunisienne et restaurant son aptitude à former les nouvelles générations depuis l’âge préscolaire et à affronter les défis variés de la société du savoir et des avatars de la postmodernité.

Monsieur le Président de la République Tunisienne,

C’est en qualité d’enseignant-chercheur en sciences de l’éducation à la Fshst (Université de Tunis) et de citoyen tunisien ayant déjà été formé à l’école publique tunisienne puis à l’Université publique tunisienne et ayant déjà enseigné la philosophie à des élèves de classes terminales littéraires et scientifiques tunisiens de 1990 à 1994 — discipline qui faisait la fierté et l’exception de notre système éducatif dans le monde arabe — avant d’entreprendre en France, en tant qu’étudiant boursier du gouvernement français, des études de 3e cycle et un doctorat en sciences de l’éducation, et ce dans le cadre de la mission universitaire orchestrée par l’architecte de la réforme de 1991, feu Mohamed Charfi, en vue de former un cadre universitaire tunisien spécialisé en sciences de l’éducation et en didactique des disciplines, que je m’adresse à vous en tant que la plus haute autorité d’un Etat qui a épousé la cause de l’éducation, de la santé publique et du développement depuis son indépendance pour vous exhorter à piloter l’œuvre de la reconstruction de notre école publique presque ruinée et spoliée, telle une «forteresse vide». Le temps est venu d’entreprendre une réforme globale et en profondeur à laquelle participeront des forces savantes et citoyennes de notre République tunisienne (universitaires, politiciens de l’éducation et concepteurs de programmes, inspecteurs généraux, inspecteurs et conseillers pédagogiques, professeurs des écoles et de lycées, formateurs de formateurs, psychologues scolaires, conseillers d’orientation, médecins scolaires, représentants syndicalistes, chefs d’organisations économiques patriotes, etc.) pour s’entendre sur les valeurs et les finalités à adopter tels des «idéaux régulateurs» qui engagent acteurs et politiciens de l’éducation et à l’aune desquels seront interprétés les résultats des évaluations quantitatives et qualitatives de l’éducation scolaire, et pour débattre des questions aussi tenaces et déterminantes que sont les suivantes :

— Qu’est-ce qui vaut la peine d’être enseigné et appris dans notre école républicaine ?

— Selon quelles méthodes, pédagogies, stratégies et techniques éducatives en vue d’accompagner les apprenants tunisiens dans leur découverte du monde et développement global ?

— Comment favoriser chez les apprenants tunisiens l’appropriation des connaissances et des compétences et leur transfert dans leur expérience scolaire, vie quotidienne et expérience préprofessionnelle ?

  Comment développer chez eux l’esprit critique et la connaissance d’eux-mêmes dans un monde instable et incertain ?

– Comment cultiver chez eux le sentiment d’appartenance à la Tunisie et à la «Terre-Patrie» (E.Morin & A. B. Kern, 1996) ?

  Comment développer chez eux l’autonomie afin qu’ils puissent « se faire œuvre d’eux-mêmes » et de loyauté à la Tunisie ?

  Comment réhabiliter l’amour du travail et l’éducation au travail ?

  Comment révolutionner les pratiques de formation pédagogique initiale et continue des enseignants de façon à promouvoir une révolution pédagogique dans les écoles publiques tunisiennes primaires et secondaires et dans leur environnement culturel ?

  Comment en finir avec le prescriptivisme du « pédagogiquement correcte », attitude dominante dans le contexte scolaire tunisien et qui fait face à la professionnalisation du métier d’enseignant ?

(à suivre)

Y.Z.

*Universitaire

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