De par sa forte technicité, le travail qu’accomplit le Haut comité de contrôle administratif et financier (HCCAF) est essentiellement un travail à vocation corrective et préventive. Il assure le suivi des rapports de contrôle et d’audit élaborés par les diverses structures de contrôle de la gestion publique — à l’instar de la Cour des comptes et le Contrôle Général des Finances (CGF) — en vue d’émettre les recommandations correctives nécessaires. L’objectif étant d’améliorer la gouvernance et la gestion publiques.
Quelles sont les défaillances les plus récurrentes ?
Comptant seulement quelques centaines de cadres (le nombre exact étant 460), le système de contrôle de la gouvernance et la gestion publiques doit se résigner aux faibles ressources humaines dont il dispose et réussir la mission qui lui échoit, à savoir la détection de toutes les fautes et défaillances de gouvernance commises dans les divers structures, administrations et établissements publics. Ensuite, c’est au tour du Hccaf d’assurer le suivi des rapports d’audit qui lui parviennent afin d’appliquer les corrections nécessaires et remédier aux manquements. Pour l’année 2018, le Hccaf a recensé 4102 fautes détectées dans les diverses structures publiques. Les défaillances phares concernent la gestion dans six principaux domaines, à savoir la structuration des organismes et les systèmes d’information ; les achats et les appels d’offres ; les ressources humaines ; les propriétés et l’archivage ; les dettes et enfin, la récupération des dus et les comptabilités.
Concernant la structuration des organismes publics et la gestion des systèmes d’information, le Hccaf a mis l’accent sur des défaillances majeures dont l’impact peut affecter la bonne marche de l’organisme, comme par exemple l’obsolescence voire parfois l’absence d’un organigramme qui structure l’organisme en question. Plusieurs faiblesses au niveau des systèmes d’information implémentés ont été également dévoilées. On cite principalement l’utilisation d’applications informatiques non intégrées, l’absence des outils de gestion moderne et de sites web interactifs permettant d’offrir des services en ligne et répondre aux besoins des internautes.
Au volet des marchés publics et la gestion des achats, le rapport mentionne trois principaux manquements engendrant des pertes colossales, à savoir des inconformités par rapport aux réglementations régissant l’achat public, mais également par rapport à la gouvernance de la gestion des achats publics outre le recensement de cas de conflits d’intérêts. Le rapport mentionne que certaines fautes sont désormais classées comme fautes sanctionnables.
Des fautes pesantes dans des secteurs sensibles
Le rapport d’activité a également cité les résultats obtenus en 2018 suite à l’application de la nouvelle approche de suivi que le Hccaf a adoptée depuis 2017, appelée « le suivi de proximité ». Elle consiste à réaliser des suivis en se déplaçant sur les lieux et en s’entretenant avec les gestionnaires et les administrateurs. L’objectif étant d’assurer une meilleure efficacité des missions de suivi. Cette nouvelle approche a été appliquée, durant 2018, auprès de 37 structures publiques opérant dans les domaines suivants : la gestion du parc automobile ; l’équipement, l’habitat et l’aménagement du territoire ; l’environnement et le développement durable ; et le transport.
S’agissant du secteur de l’équipement, le comité a effectué un suivi de proximité auprès de quatre établissements sous tutelle, à savoir l’Agence de Réhabilitation et de Rénovation Urbaine (Arru), le centre régional de l’équipement de Béja, la gestion des bâtiments et la société Tunisie Autoroutes.
Compte tenu de l’importance de l’enveloppe dont dispose l’Arru, qui s’élève d’ailleurs à 772 millions de dinars allouée à l’intégration des habitats anarchiques et la rénovation des quartiers populaires, l’on peut déduire l’ampleur des répercussions des éventuelles défaillances commises. Ainsi le Hccaf s’est attelé à appliquer les corrections de 43 défaillances qui y ont été détectées, soit 65% de l’ensemble des manquements. Le rapport a, en outre cité, un des cafouillages les plus pesants, à savoir une intervention du Fonds National pour l’Amélioration de l’Habitat au profit des quartiers et des habitations n’ayant pas les critères d’éligibilité. Quant à la direction régionale de l’équipement de Béja, le comité a rapporté un cas de conflit d’intérêts dont le dossier a été transmis à la justice.
Pour le secteur de l’environnement et du développement durable, le Hccaf a assuré le suivi des rapports de contrôle concernant les structures et domaines suivants : l’Office National de l’Assainissement, le Centre International des Technologies de l’Environnement de Tunis (Citet), la gestion des déchets dangereux, l’Agence Nationale de Gestion des Déchets, l’Agence Nationale pour la protection de l’Environnement, l’Agence Nationale pour la protection du littoral et le ministère de l’Environnement et du Développement durable. Des trangressions franches des réglementations régissant la comptabilité publique outre le repérage des dépenses illégales y ont été rapportés.
Par ailleurs, il est à rappeler qu’une conférence de presse a été tenue la semaine dernière afin de présenter l’intégralité du rapport 2018 qui est le 25ème rapport du Hccaf. Le président du comité Kamel Ayadi a été interpellé sur les causes de la mauvaise gestion, en l’occurrence si elle est potentiellement due à l’incompétence des gestionnaires publics. A cet égard, il a affirmé qu’outre le manque de compétence avéré chez certains décideurs et gestionnaires publics, l’environnement du travail qui se caractérise souvent par une forte tension affecte significativement la bonne marche de la structure et la prise de décisions, accusant de facto des pertes colossales aux établissements concernés.