Ce guide, qui a été réalisé par l’incubateur «Lab’ess» et la «Heinrich Böll Stiftung», s’appuie sur les échanges et les retours d’expérience de cinq entrepreneurs sociaux qui montrent la voie. Partant de la phase d’idéation, pour atteindre le changement d’échelle, en passant par les étapes du lancement et de recherche du financement, l’ouvrage résume d’une façon claire et pratique les étapes par lesquelles devrait passer un porteur de projet social lors de son aventure entrepreneuriale.
L’entrepreneuriat social est un concept qui a fait son apparition dans les années 90. Il vise à promouvoir un nouveau type d’entrepreneuriat axé sur l’impact social. Etant une partie intégrante de l’Economie sociale et solidaire (ESS), l’entreprise sociale a pour vocation de générer un impact social durable. Répondre à des besoins sociaux est, de ce fait, l’essence même de l’entreprise sociale.
Bien qu’elle puisse réaliser des bénéfices, tout comme l’entreprise conventionnelle, l’objectif de ce type d’entreprise est de générer un impact durable, et ce, en conciliant les volets économique, social et environnemental. En d’autres termes, il ne s’agit ni d’une association à but non lucratif ni d’une activité RSE, mais c’est plutôt une entité économique qui cherche à atteindre les rendements économiques et sociaux tout en priorisant les objectifs environnementaux et en favorisant une gouvernance participative.
Comment peut-on se lancer dans l’entrepreneuriat social ? Comment réussir à monter une entreprise à impact ? Peut-on arriver à garder l’ADN d’une entreprise sociale tout en développant son activité ? Pour répondre à ces questions, l’incubateur «Lab’ess» et «la Heinrich Böll Stiftung» ont réalisé un guide intitulé «Je suis entrepreneur(e) social(e) et vous ?», qui s’appuie sur les échanges et les retours d’expérience de cinq entrepreneurs sociaux dans des domaines diversifiés. L’ouvrage, récemment publié, résume les étapes de l’entrepreneuriat social, à savoir l’idéation, le lancement, la recherche de financement et le changement d’échelle. Il propose, également, des recommandations formulées à partir des expériences de ces entrepreneurs et qui peuvent servir de référence à tous ceux qui souhaitent créer une entreprise à impact.
Phase d’idéation
A l’instar de l’entrepreneuriat classique, l’idéation est la première phase du projet social. C’est l’étape initiale où l’idée germe dans l’esprit du porteur de projet, qui, cependant, ne doit pas perdre de vue la spécificité de l’entreprise à impact. L’ouvrage explique, à cet égard, que cette dernière «vise à résoudre de façon efficace les problèmes sociaux et environnementaux auxquels ni l’Etat, ni le marché ne savent répondre seuls». Ainsi, l’entrepreneur en herbe peut se poser les questions suivantes : qu’est-ce que je veux mettre en place ? Ce projet est-il viable ? Quel modèle, pour quel impact ? Son projet doit être économiquement viable, à lucrativité limitée (les excédents sont mis au service du développement du projet social-environnemental de l’entreprise et des salariés) et dotée d’une gouvernance participative (gouvernance démocratique où la prise de décision n’est pas fondée sur la propriété du capital).
Le guide explique que lors de cette phase, il est important de bien étudier le marché ciblé pour s’assurer de la correspondance entre les besoins du marché et la solution proposée par le projet. Il est également souhaitable, à ce stade, de se connecter aux réseaux, au territoire, etc. L’objectif est de sensibiliser le public sur l’activité de l’entreprise, pour ensuite susciter la demande. Trouver le bon modèle économique est la pierre angulaire de tout projet social, car en veillant à concilier le profit et les objectifs sociaux, l’entrepreneur social s’est livré à un véritable exercice de funambule.
Le démarrage
La deuxième phase de la création d’une entreprise à impact, c’est le lancement. Cette phase permet à l’entrepreneur de tester son produit auprès du public cible. Etant donné que l’hyper-croissance n’est pas une contrainte qui s’impose au porteur du projet social, il peut, à ce stade du démarrage, prendre tout le temps nécessaire pour être à l’écoute de ses bénéficiaires et de prendre le pouls du marché.
Les auteurs de l’ouvrage recommandent, à ce niveau, de se tourner vers les structures d’accompagnement pour trouver l’aide et l’appui nécessaires auprès des experts et spécialistes aguerris en la matière. «L’accompagnement empêche le repli sur soi qui est un haut facteur de risque dans la création d’une entreprise sociale», précise-t-on. Si les incubateurs et les accélérateurs sont les principaux acteurs de l’écosystème, l’entrepreneur social doit savoir choisir convenablement la structure adéquate et engager des spécialistes techniques, pour se faire aider. Le guide explique, par ailleurs, que le lancement effectif du projet doit être réalisé concomitamment, avec le démarrage d’une stratégie de communication axée sur les valeurs de l’entreprise, et ce, dans l’objectif de faire connaître son entreprise. Laquelle stratégie devrait être développée dès la phase d’idéation où il est conseillé d’identifier la cible et les objectifs afin de garantir une campagne réussie. Le chemin vers la création juridique de l’entreprise sociale est souvent semé d’embûches. C’est pourquoi, durant cette phase, il est important d’être accompagné. En l’absence d’un statut dédié à l’entreprise sociale, il est difficile de trouver un statut juridique adéquat. A cet égard, les auteurs du guide recommandent de rechercher, parmi les statuts existants, celui qui se rapproche le plus des besoins de l’entrepreneur.
Les sources de financements possibles
La recherche du financement, troisième phase de création de l’entreprise sociale, peut être considérée comme étant l’étape la plus rébarbative. En effet, pour pouvoir lever les fonds nécessaires, l’entrepreneur social doit convaincre le financeur des valeurs de son entreprise, ce qui va parfois à l’encontre des objectifs de l’emprunteur. A ce stade de création de l’entreprise, l’autofinancement est indispensable pour la pérennité de la structure qu’on est en train de mettre en place. Les fonds propres peuvent être sous forme d’économies personnelles ou de dons provenant de l’entourage. Ensuite, il y a les crédits et les prêts d’honneur. L’ouvrage incite les porteurs de projets à se tourner non seulement vers les banques publiques (telles que la BTS) ou même privées, mais aussi vers l’écosystème entrepreneurial qui offre de nombreuses opportunités de financement sous forme de subventions ou de dons. Par ailleurs, le «crowdfunding», les fonds d’investissement, les microcrédits et les «Business Angel» peuvent être des sources de financement pour l’entrepreneur social. «Il faut faire attention aux valeurs que portent les financeurs avec lesquels on s’associe car cela peut décrédibiliser son activité et faire perdre la confiance de ses bénéficiaires, usagers ou clients», préviennent les auteurs du guide.
Maximiser l’impact social
Une fois l’entreprise mise sur orbite, place alors au changement d’échelle (quatrième et phase ultime de l’entrepreneuriat social). Il s’agit, selon l’ouvrage, d’un concept qui dépasse la simple notion de croissance. C’est un processus qui vise à maximiser l’impact social et environnemental de l’entreprise par le développement de nouvelles activités. L’entrepreneur social devrait mesurer et suivre l’évolution de l’impact social de son entreprise et être à l’écoute de ses bénéficiaires, car la première raison du changement d’échelle est l’augmentation de l’impact social et non la croissance économique de l’entreprise.
Selon le guide, la stratégie de changement d’échelle se déploie en cinq piliers : la diversification (élargissement de l’éventail des activités de l’entreprise avec de nouvelles activités proches du cœur du métier de l’entreprise) ; la duplication (création de nouvelles entités permettant de démultiplier l’impact social) ; la coopération à travers la collaboration avec d’autres organisations; la fusion (mise en commun du patrimoine et des activités respectives de plusieurs organisations, soit pour se transformer en une seule et même nouvelle entité, soit par la prise de contrôle de l’une d’entre elles) et la diffusion (permet de transmettre le savoir-faire et le diffuser pour que le plus grand nombre de personnes se l’approprient). Les auteurs du guide précisent, qu’à ce stade, il est conseillé de solliciter l’expertise des structures d’accompagnement, en cas de difficultés. Ces structures peuvent fournir des financements spécifiques et avantageux permettant de réussir le changement d’échelle.