Accueil Actualités Pages éclairées de l’histoire du mouvement national(7) : Heurs et malheurs du constitutionnalisme tunisien

Pages éclairées de l’histoire du mouvement national(7) : Heurs et malheurs du constitutionnalisme tunisien

Histoire d’une hétéronomie élitiste (1860-2022)

Pr. Mohamed Lotfi Chaibi*

« D’abord, c’est une évidence de déclarer que le monde islamo-méditerranéen moderne contemporain se définit par rapport à l’Occident, que ce soit pour ou contre, mais jamais sans l’Occident, et cela particulièrement à partir du début du XIXe siècle… »
Tlili (Bechir) : Problématique des processus de formation des faits nationaux et des idéologies nationalistes dans le monde islamo-méditerranéen de l’entre-deux-guerres (1919-1930). L’exemple de la Tunisie In Les Cahiers de Tunisie, n° 81-82, 1972, page 19.

Plus d’un siècle et demi nous sépare de la première Constitution tunisienne proclamée durant la période précoloniale (avril 1861) (1). D’aucuns la considèrent comme un signe marquant  l’entrée de la Régence de Tunis dans les temps modernes (2). On a de cesse de rappeler  que la contribution et la présence bien ancienne de la Tunisie dans l’histoire universelle sont intimement liées à son double rôle de verrou dans le bassin méditerranéen et de terre d’asile aux populations  en errance pour faits de guerre politiques, religieux ou économiques. Fort bien ouverte aux influences de l’Occident et de l’Orient, la Tunisie logea un essaim de civilisations où se brassaient  races et communautés diverses. Tunisie carrefour, Tunisie  mosaïque, la terre du blé et de l’olivier attira à travers les interstices de sa géographie franchement accueillante une multitude d’apports historiques, certes féconds mais inégaux et pas toujours homogènes. Les quatre constitutions ayant balisé la vie politique de la Tunisie contemporaine, en l’occurrence celles de 1861, 1959, 2014 et la toute récente du 25 juillet 2022, se définissaient  par rapport à l’Occident « que ce soit pour ou contre mais jamais sans lui ». Elles étaient le produit, la résultante d’un contexte marqué différemment et respectivement par l’expansion coloniale française en Afrique (3), la crise des leaderships nationalistes  rivaux (Bourguibisme/Youssefisme) en interaction avec la politique française de décolonisation du Maghreb sous la double pression envahissante de «l’ami américain », d’un côté, et de l’affirmation du tiers-monde et du non-alignement de l’autre (4), la globalisation et le grand jeu judéo-chrétien dans le monde arabo-musulman avec la montée du parti chrétien sioniste américain (5) et les prémices d’un nouvel ordre mondial qui ne finit pas de se remuer en Tunisie rimant avec une dialectique conservatisme américain / conservatisme tunisien révélée par les débuts de l’implosion du capitalisme historique (6).

Les différentes élites engagées tout au long de ses quatre proclamations constitutionnelles portent la marque, le point de fixation de la situation  politico-culturelle du pays ainsi que ses caractéristiques socioéconomiques. Si la première constitution se plaçait dans la période précoloniale, la seconde inaugura la République de Bourguiba tel deus ex machina (7) alors que les troisième et quatrième bien que survenues dans l’orbite de la globalisation, elles portent les deux facettes, les deux grands courants politico-culturels du mouvement de l’émancipation tunisienne : le libéralisme et le conservatisme, respectivement en interaction avecl’Occident modernité et l’Orient identité (8).

Le contexte précolonial de la Constitution de 1861

Déjà, les préconditions de la Constitution de 1861 n’avaient pas l’assentiment de Mohammed Bey (1855 – 1859) « imbu d’idées profondément traditionalistes » et le nouveau consul Léon Roches, nommé en 1855 comprit « que la réalité profonde de la politique impériale à Tunis différait parfois des apparences ou de l’expression qu’on lui donnait occasionnellement, que Paris jugeait la réforme chimérique à Tunis sinon dangereuse, cette réforme à « l’ottomane », en l’occurrence le Khatti Houmayoum de 1856. L’intérêt de la France étant d’avoir à la frontière de l’Algérie un Etat faible, presque indépendant, mais pas tout à fait, et dépendant entièrement  d’elle pour sa survie » (9).Parallèlement, l’idée de réforme gagna les lettrés Mahmoud Kabadou, Ahmed Ibn Abi Dhiaf, Général Hussein, Bayram V et notamment le ministre Khaireddine. Le Khatti Houmayoum de 1856 qui portait essentiellement sur les garanties accordées aux minorités chrétiennes de l’empire ottoman n’était pas adapté à la situation tunisienne et les deux consuls français Léon Roches et anglais Richard Wood devaient attendre les retombées d’«un incident fortuit, celui de l’affaire Batto Sfez, israélite tunisien, accusé d’avoir, étant ivre, insulté un musulman et blasphémé la religion musulmane (19 juin 1857), condamné à mort par le tribunal du Char’ et exécuté (26 juin)» pour relancer le problème de la réforme (10). Le 9 août 1857, des incidents graves se produisirent à Tunis entre musulmans et israélites. Et la pression s’accentua sur le Bey s’il tentait de résister aux réformes demandées : la Grande-Bretagne menaçait d’interrompre ses relations avec le bey et éventuellement de faire le blocus des ports tunisiens. Léon Roches se rendit auprès du Bey et obtint de lui, le 3 septembre 1857 des engagements précis : 1- Admission des Israélites dans les tribunaux criminels ; 2- Egalité civile et religieuse entre tous les Tunisiens ; 3- Droits municipaux pour la communauté israélite ; 4- Institution de la conscription et du service militaire limité ; 5- Liberté absolue du commerce (abolition des fermes) ; 6 et 7 Droit pour les Européens « d’exercer toute espèce d’industrie » et de « posséder des immeubles en toute propriété ». Toutefois, concluait Roches, « au-dessus de toutes ces concessions doivent se placer des réformes qui en sont la garantie ; je veux parler d’une Constitution qui assure désormais aux sujets tunisiens… des droits et une liberté inconnus jusqu’ici… C’est là ce que je compte demander au bey » (11). Le mot est lâché et le processus de réforme du Pacte fondamental à la Constitution de 1861 ne fut pas moins imposé. Point de revendication d’ordre interne. Dès lors, il n’est plus admis au nom de la vérité historique de vanter outre mesure cette Constitution que ni le bey, ni le chef de file de l’opposition aux réformes, le cheikh Mohammed Bayram, et encore moins le pays réel, la Tunisie profonde (la révolte de Ali Ben Ghedhahem 1864 contre la Mejba et la Constitution) par rapport au pays légal (makhzen) nela désiraient (12). La participation tunisienne, quel qu’ait été le rôle de certains ministres réformateurs, fut réduite et la réglementation nouvelle sortit toute prête des dossiers de Roches et Wood (13). Pis, le soutien affiché de Roches au Pacte fondamental devient réticent suite à la place accordée au Foreign Office dans les réformes. « C’est la ruine de nos privilèges, la fin de notre prépondérance », devait remarquer plus tard d’Estournelles de Constant, à propos de la Constitution de 1861.

Il est symptomatique de noter que l’élite tunisienne occidentalisée continue d’analyser sans mesure ni proportion,  contre vents et marées « les soubresauts constitutionnels consécutifs à des conflits de prérogatives de pouvoir entre l’exécutif, le législatif et le judiciaire »  de 1861 à 2022 en omettant de les insérer et peser dans  le processus d’ « universalisme impérialiste » enclenché par la révolution de 1789 (14).

Le contexte de la tourmente identitaire de la Constitution de 1959

Aux antipodes de la Constitution précoloniale de 1861, celle proclamée en 1959 et élaborée au lendemain de l’indépendance porte la marque de la tourmente identitaire ayant couvert les débats de l’assemblée constituante (1956 – 1959) (15). Elle est la consécration d’une revendication politique bien ancienne  prenant ses racines dans la fondation même du Destour : le parti libéral constitutionnaliste tunisien (14 mars 1920), ce parti qui connaîtra une scission opposant une aile libérale petite bourgeoisie à soutien populaire (artisans et commerçants / le sous-prolétariat : les « Zoufris », « zouvriers ») menée par le Bureau politique ( Néo-Destour) et une aile conservatrice bourgeoise à soutien aussi populaire   ( propriétaires fonciers, une grande partie des lettrés de la Zitouna et le prolétariat agricole)  animée par la Commission exécutive (Vieux Destour) (1934 – 1938). Ces deux ailes ne cesseront de réclamer une Constitution pour le pays. Les mutations tant politiques, sociales qu’économiques aussi bien au triple niveau local, métropolitain qu’international  firent émerger au lendemain de la Seconde Guerre mondiale deux forces majeures : l’une politique (Un Néo-Destour reconstitué et rénové sous la direction de Me Salah Ben Youssef : Congrès de la nuit du Destin, 22 août 1946 et Congrès Dar Slim 17 octobre 1948) et l’autre sociale (L’Ugtt sous la direction de Farhat Hached et la présidence honorifique du Cheikh Mohamed El Fadhel Ben Achour , 20 janvier 1946). Le Néo-Destour parvint à constituer un front national  rassemblant les organisations nationales : l’Ugtt, l’Utica et la Fédération générale de l’agriculture sous son orbite, lequel front emportera  haut la main les élections de l’Assemblée constituante du 8 avril 1956.

Bien qu’elle soit le corollaire de la politique de décolonisation française au Maghreb, aiguisant pour le cas tunisien la crise des leaderships nationalistes entre les deux leaders rivaux, le Sahélien Habib Bourguiba et le Sudiste Salah Ben Youssef,  la solution de la tourmente identitaire s’est effectuée dans un contexte troublant et violent (16). Elle met en ligne de partage culturel  deux élites disproportionnées  en nombre et effet et diamétralement opposées  quant aux choix géopolitiques : une élite revendiquant une tunisianité à forte connotation identitaire berbérophone optant pour la France et la francophonie dont l’Occident constitue le paradigme et le modèle ; l’autre faisant de sa personnalitéarabo-musulmane le ciment de sa référence identitaire, tout en considérant l’aire du Maghreb, comme étant l’aile occidentale du monde arabe, en phase de décolonisation, elle en fait son cheval de bataille dans le mouvement d’émancipation nationale et celui de l’instauration de l’Etat indépendant (17).

Cette composante conservatrice de l’élite fut déconsidérée avec dédain par l’aile moderniste occidentalisée du Néo-Destour fort soutenue par l’allié du jour : l’Ugtt.Réprimée, traquée à cause de son positionnement idéologique et identitaire arabo-musulman fort acquis à la thèse de Ben Youssef, elle ne put coexister longtemps et défendre son projet au sein de la république bourguibienne.  Il est vrai que le leader Bourguiba passait maître en l’art de la manœuvre et de la diplomatie, alliant le bâton à la carotte, il parvint à venir à bout de cette composante de l’âme tunisienne braquée sur l’Orient arabe en mouvement depuis que l’Etat d’Israël s’y est implanté au détriment du peuple palestinien. L’Assemblée constituante élue en avril 1956 a bien consolidé le jeune Etat indépendant en lui élaborant une Constitution, proclamée en 1959, après avoir instauré la République en 1957 et put contenir l’opposition yousséfiste et le mécontentement zitounien et au besoin les neutraliser.

Bien des amendements ont marqué cette Constitution nationaliste de 1959, effectués sous le gouvernement Hedi Nouira (1970 – 1980) et le règne du Président Ben Ali (1987 – 2010). Ils ont concouru à la mise à jour des desiderata des deux premiers présidents de la République à se faire réélire en tant que «monarques présidentiels», une trentaine d’années pour Habib Bourguiba (1957 – 1987) interrompue par un coup d’Etat médical et 23 ans pour Zine Abidine Ben Ali (1987 – 2010) expirés par une fuite « théâtrale » menant à un exil bien protégé en Arabie Saoudite (18). En somme, la Constitution fut et le demeure une pâte à modeler à confectionner des lois au service du victorieux du jour, chef de l’exécutif dont les représentants de son parti dominant au sein du Parlement veillent au grain et usent et abusent de la protection de la loi démocratique. Dans l’ensemble, l’élite tunisienne a bien collaboré avec le régime politique fort régi par le Président Ben Ali. Toutefois, il faut bien préciser que toutes les oppositions déclarées ou secrètes au régime de Ben Ali (Ennahdha, Parti républicain, Mouwatinoun, Hizb Al Oummal, Watad, Hizb Al Baath…) n’ont pu renverser la vapeur qu’après les révélations de Wikileaks  (décembre 2010) sur « l’état mafieux du Président Ben Ali, de sa famille et de sa belle- famille الطرابلسية », la révolte du pays profond (Sidi Bouzid, Kasserine…) et le feu vert américain annoncé pour que sa feuille de route redessine  la carte du monde arabe sous le sobriquet  de « Printemps arabe » fort bien déclenché en Tunisie.

Le contexte de la globalisation et du grand jeu judéo-chrétien de la Constitution de 2014

La genèse et la longue et pénible gestation de la Constitution de 2014  renvoient  à coup sûr aux déterminants du contexte interne et extérieur de la Tunisie de Ben Ali « atteinte de l’incurable maladie de la succession », celle-là même qui surgit concomitamment avec l’échec de la politique de coopérativisation en 1969 et rongea l’élite politique ameutée autour du Président Bourguiba désarçonné par une psychose maniaco-dépressive (19) n’eut de cesse de marmonner : « C’est difficile de succéder à Bourguiba ».

Le Président Ben Ali fut aussi taraudé « par la maladie de la succession » depuis la naissance de son fils et ne put s’échapper à la tentation d’instaurer un régime politique successoral familial encouragé et soutenu il est vrai par le chef libyen Mouammar Gueddafi, sur la défensive depuis l’invasion de l’Irak et la chute du régime de Saddam Hussein.

Entamant la liquidation de la chose publique globalisation aidant, le Président Ben Ali devait une fois la besogne achevée laisser la magistrature suprême à qui de droit : vox populi (révolution) ou bien l’opposition démocratique. Washington et Paris surveillant de près l’évolution des évènements, entrèrent en jeu et imposèrent la seconde option. L’élection d’une Assemblée constituante dans une ambiance « révolutionnaire bon enfant » révèle la naissance d’un parti à connotation religieuse bien structuré et essaimé dans tout le territoire du pays : Ennahdha. Son corollaire nationaliste Nida Tounès, en dépit de la classe de grand manœuvrier de son fondateur, le Président Béji Caid Essebsi, donna lieu à un conglomérat d’« anciens syndicalistes, destouriens, militants démocrates et zélateurs aux couleurs diverses » qui s’effritera praxis durant. En face d’eux, une gauche désunie qui a cru un temps à son providentiel rassembleur, le charismatique, le martyr Chokry Belaid tombé sous les balles adverses « anonymes » qu’on ne finit pas d’examiner et l’origine et le commanditaire. Le parti « le Cœur de la Tunisie » (Qalb Tounès) des frères Karoui nanti d’argent blanchi recrute par voie de bienfaisance les laissés pour compte sociaux de la Tunisie «malmenée et traversée par les vents enivrants de la consommation tous azimuts » du libéralisme, ceux-là qu’on quantifie de « pauvres non intégrés » et s’allie à Ennahdha par voie d’ «entente parlementaire » suggérée par les puissances étrangères .Seul, téméraire, jouant le héros, le parti destourien libre, enfant césarien du RCDtient la barre de l’opposition très haute : il est contre tous et rien. Les Tunisiens et Tunisiennes en ont souffert de ce simulacre de Constitution parlementaire توافقية de lobbies et d’intérêts sordides.

La Constitution de 2022 rime avec « les prémices d’un nouvel ordre mondial qui n’en finit pas de se remuer »

Tour à tour gelée, étouffée et balayée par le processus libératoire du 25 juillet 2021, la Constitution de 2014  est diamétralement remplacée par une autre adoptée par voie de référendum et approuvée par 2.600.000 électeurs (20). Force est de constater que cette nouvelle Constitution proposée par le Président Kais Saïd est venue corriger la dérive « de la République des partis », genre cercles  fermés aux soucis des citoyens et pleinement ouverts au « tourisme parlementaire ». Autant les constitutions de 1861, de 1959 et 2014 ont été respectivement la résultante des contextes précolonial  de 1881, de la décolonisation de 1954 – 1956 et de la globalisation de 2010 – 2014, celle de 2022, bien perçue et gérée, semble-t-il par le Président  Kais Saïd, rimait avec « les prémices d’un nouvel ordre mondial qui ne finit pas de se remuer ». Tout semble indiquer qu’elle vient réhabiliter, réanimer l’autre composante de la conscience politique tunisienne chassée par le « modernisme » outrancier du Président Bourguiba, en l’occurrence le courant conservateur. Et la transitologie n’est pas le passage obligé pour le présent et l’avenir politique de la Tunisie. Il est bien établi que le mal dont souffre le pays est profondément d’ordre sociétal et nécessite l’assainissement et la restructuration des rouages de l’Etat, de l’économie, un appel aux leviers culturels fort bien ancrés dans le terroir historique riche du pays et le renforcement des prérogatives du chef de l’exécutif pour que sa prescription politique devienne exécutoire au risque de circonscrire la marge des libertés. On a trop fait reculer l’échéance du programme des réformes impérieuses à effectuer.  Demain, il sera tard et pénible à supporter /.

Notes

(1) Cf. débat entre Me Charles Saumagne, directeur honoraire de l’administration française en Tunisie, historien éminent de l’antiquité en Tunisie qui dénie le terme Régence et défend que la France a fait de la régence un royaume d’un côté et Me Salah Farhat, secrétaire général de la Commission exécutive du Parti destouriendéfendant de l’autre que « le royaume de Tunis se trouvait historiquement et dans son essence, un vilayet, une régence turque, administrée par un Pacha…» (Cf. leurs thèses parues dans La Presse :

– 8 août 1954. Dernières chances, Charles Saumagne.

– 25 août 1954. Dernières chances ?…, Me Salah Farhat.

– 28, 29 et 31 août 1954. Documents : ‘ Protection’ turque ou ‘ protection’ française ?

Transcrites et analysées dans le 4e tome de ma quadrilogie :
الحركة الوطنية التونسية والمسألة العمالية النقابية معاً لافتكاك الاستقلال المجلد الثاني 1952-1956. تونس مركز الرصد الجامعي، 2016, ص 239-245

(2) Cf. Bombardement de Lord Exmouth en 1816 In Henri Klein : Feuillets d’El – Djezair. Année 1937, Hors-Série, pp. 286 – 290.

(3) L’expédition « européenne » d’Exmouth (1816) et la prise d’Alger (1830) prédéterminent l’occupation française progressive de l’Afrique du Nord et ce dans un contexte des plus troublants de rivalités et de crises déclenchant la période faste de l’impérialisme occidental. Paul d’Estournelles De Constant, envoyé du républicain franc-maçon Jules Ferry, président du Conseil des ministres français, auprès de Paul Cambon, premier résident général de Tunisie (1882 – 1886) note à propos du contexte de la proclamation de la Constitution de 1860:

« …Les Consuls (européens principalement le Français Léon Roches et le Britannique Richard Wood) firent rougir le Bey Mohammed de sa barbarie, et l’obligèrent à donner à tous les habitants de la Régence, sans distinction de nationalité ni de religion, des garanties pour l’avenir. Mohammed fit mieux que promettre : il signa une déclaration des droits de l’homme, une sorte de Constitution fut octroyée à la Tunisie. Cet acte intitulé le Pacte fondamental, analogue au Hatti-chérif turc de Gulkané, proclame l’égalité de tous les habitants de la Régence devant la loi…L’empereur (Napoléon III) envoie à Mohamed le grand cordon de la Légion d’honneur…De son côté le Bey reconnaît tout l’intérêt dont on l’entoure. Léon Roches obtient de lui des avantages sérieux pour nos nationaux…La France, et la France seule, pouvait un jour, bon gré mal gré, intervenir en Tunisie… ».

In La Conquête de la Tunisie. Récit contemporain. Paris, Les Editions Sfar, 2002, pp. 55 – 56 (Titre de la première édition : La politique française en Tunisie : le protectorat et ses origines. Paris, Plon, 1891).

(4) Cf. Salah Ben Youssef contre Bourguiba In Esprit, décembre 1955, pp.1897 – 1900.

  Conord (Fabien) : Chapitre 16. Les décolonisations et l’émergence du Tiers-monde dans Histoire du monde de 1870 à nos jours. Sous la direction de BERNARD Mathias, Dubois Jean-Étienne, Gibert Pascal. Paris, Armand Colin, 2017, p. 268-283.

– Feugas (Françoise) : De la conférence de Bandoeng au mouvement des non-alignés In Manuel d’histoire critique. 2014 (VII De la décolonisation à la fracture du Nord-Sud 1945 – 1970), pp. 126 – 127.

– Lacroix-Riz (Annie) : Les protectorats de l’Afrique du Nord entre la France et Washington du débarquement à l’indépendance, Maroc et Tunisie 1942 – 1956. Paris, l’Harmattan,1988.

(5) Cf.: -Alstyne (Richard W. Van): The rising American empire. London / New York, Norton and Company edition, 1974.

– Demeri (M.Y.): The rise and the decline of American empire. Revealing the truth. London / New York, Archway publishing, 2015.

-Clinton (Hillary Rodham): Le temps des decisions 2008 – 2013 (Hard Choices). Paris, Fayard, 2014

(6) La résistance de l’Iran, de la Russie et de la Chine face à l’intrusion américaine et de ses alliés européens et asiatiques (Japon, Corée du Sud et Australie) renvoie respectivement au débat sur la perspective d’acquisition de l’Iran de l’arme nucléaire, les retombées mondiales de la crise ukrainienne et de l’appartenance de l’Ile de Taiwan quid des deux Chines. Concomitamment, l’Afrique est en proie à de tensions ouvertes et larvées annonçant des positionnements nouveaux, entrevoyant des pertes pour les uns et des gains pour les autres, tout en instrumentalisant l’étendard de la civilisation contre le terrorisme barbare identifié, propagande aidant, à l’Islam ».

(7) Cf.  « Le Maghreb », n°110, vendredi 22 juillet 1988. Que la monarchie est belle sous la République, Hassine Rouf Hamza.

(8) Cf. Abdel Malek (Anouar) : La pensée politique arabe contemporaine. Paris, Seuil, 1975, pp.85 – 135 (la lutte de libération nationale).

(9) Raymond (André) : La France, la Grande-Bretagne et le problème de la réforme à Tunis (1855 – 1857) In Etudes maghrébines. «Mélanges», Charles André Julien. Paris, PUF, 1964, pp. 137-164 :

« Lorsque le Khatti Chérif de Gulkhaneh fut notifié à Tunis en mars 1840, le bey se contenta d’une réponse courtoise, mais évasive qui devait apaiser la Porte sans l’engager véritablement : «  Le but poursuivi était louable, mais il faudrait du temps pour que ces réformes deviennent réalité, en raison des différences de nature  et du lieu ».

(10) Idem., pp. 148 – 149.

(11) Ibidem. Page 157 : « Roches donne un tour plus précis dans son compte rendu pour le ministère des Affaires étrangères de l’entrevue du  5 septembre 1857 entre l’amiral Walewski et le bey :’D’après Ibn Abi Dhiaf qui assistait à l’entrevue, il fut plus énergique encore : ‘Sur l’ordre de mon sultan, aurait dit Roches au nom de l’amiral, je suis venu avec cette force pour vous aider contre ceux qui s’opposent à vos ordres tendant à donner la liberté à vos sujets et la sûreté pour leurs personnes, leurs biens, leur honneur et leur religion…Vous savez qu’il est nécessaire que vous soyez comme les puissances. Le sultan ottoman marche dans la même direction que les puissances organisées. Je vous demande une prompte réponse…».

(12) Ibidem, page 159 : « Le bey réunit son conseil. Les adversaires les plus déterminés des réformes…durent admettre qu’il était impossible de résister à la condition des deux consuls appuyés sur la présence de la flotte française. Ibn Abi Dhiaf fut chargé de rédiger l’Ahd al aman (Pacte fondamental) à partir des éléments proposés par Wood et Roches : son travail, rédigé en une nuit, fut discuté et amendé par le Conseil, puis approuvé par les consuls et, enfin, solennellement proclamé le 10 septembre. Le ministre tunisien s’était contenté de mettre bout à bout les onze articles — les cinq articles d’intérêt général étant placés en tête — et il avait simplement ajouté un long préambule qui rappelait les réformes accomplies par Mohammad Bey durant la première année de son règne, les mesures similaires édictées en Turquie par le Sultan et enfin la création récente des cours de justice et la rédaction projetée des codes… ».

(13) Ibidem, page 163.

(14) Cf. :

– Ben Achour (Rafaa) : Tunisie : De l’enterrement de la Cour constitutionnelle à l’enterrement de la Constitution du 27 janvier 2014 In Revue Française de Droit Constitutionnel. 2022/2, n°130, pp. 497 à 517.

– Reverchon (Antoine) : Napoléon. L’universalisme en étendard In Le Monde, Hors-Série, Empires, octobre-décembre 2015, pp.34-35.

لوبون (غوستاف) : الثورة الفرنسية و روح الثورات. ترجمة عادل زعيتر. بيروت، القاهرة، تونس، دار التنوير، 2013

– Le Bon (Gustave) : La révolution française et la psychologie des révolutions.

فارح (مجدي) : العرب و الغرب في مراة الاخر. الحوار المأزوم. تونس، دار الفكر العربي، 2014.

مناقشات المجلس التأسيسي (8 آفريل 1956 – 01 جوان 1959) مجلدان مركز. (15) البحوث و الدراسات البرلمانية، باردو، 2009

(16) Cf. Salah Ben Youssef contre Bourguiba…Op.Cit.

(17)Cf. Pour le différend Bourguiba – Ben Youssef :

– Julien (Charles-André) : Un épisode de la lutte pour l’indépendance tunisienne : l’affrontement de Bourguiba et de Salah Ben Youssef, pp. 1502-1511.

– Bessis (Juliette) : Une diatribe qui éclaire l’histoire, pp.1512-1515.

– Saumagne (Charles) : Une interview inédite de Salah Ben Youssef, pp. 1516-1525  In

Les Temps Modernes, mars 1976, n° 356.

(18) Le Monde Diplomatique, mai 1969. Entretien avec la Président Bourguiba conduit par Jean Lacouture, pages 21 et 26 :

« Voilà, assis derrière un grand bureau empire, l’homme qui règne — positivement — sur la Tunisie depuis treize ans aujourd’hui, celui que le sociologue américain Clement Moore a qualifié de « monarque présidentiel » et qui, parlant au même auteur du régime politique tunisien, lui disait « Le système ? C’est moi, le système… ».

(19) Accoce (Pierre), Rentchnick (Pierre) : Ces nouveaux malades qui nous gouvernent. Paris, Stock, 1976, pp. 128 – 144 (Bourguiba).

(20) Le Monde, 26 juillet 2021. Le président gèle les activités du Parlement et démet le Premier ministre.

 

M.L.C.

(*) Historien contemporanéiste aux prises avec la Mémoire des Vain

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