La 33e édition des Journées Cinématographiques de Carthage met différents cinémas à travers le monde en lumière: Le saoudien, l’espagnol, l’italien, le palestinien. «L’esclave» d’Abdelilah Eljaouhary, retenu en compétition officielle, ajoute de l’éclat à la programmation des films marocains, en partie présents cette année.
«L’esclave» ou «The Slave» d’Abdelilah Eljaouary, bien avant sa projection, laisse présager aux spectateurs une découverte : celle d’un conte contemporain sur grand écran. Le long métrage du réalisateur marocain Abdelilah El Jaouhary traite du rapport au travail, de la place dominante qu’il prend dans l’existence individuelle et collective de personnes, et des sociétés. Sans oublier la hiérarchie, le capitalisme, la lutte des classes, la déshumanisation, l’asservissement au travail : autant d’axes racontés autour d’une histoire non moins intrigante à propos de «l’esclavagisme» moderne.
Le film de 100 min s’ouvre sur l’arrivée d’un jeune homme prénommé Brahim dans un village au Maroc : il se présente dans «un café de la Place» et déclare, sans gêne à la foule, qu’il désire être «l’esclave» d’un acheteur, de préférence riche, et ajoute que c’est dans cette condition qu’il aimerait subvenir à ses besoins… Au grand étonnement des villageois qui ont trouvé sa proposition aberrante. Qu’un homme se mette ainsi «en vente» est contraire à la religion musulmane, aux us et coutumes… L’esclavagisme étant aboli, officiellement, mais qui est reste perpétré sous d’autres formes. L’homme persiste, et revient souvent dans ce même café, sans cesse à la recherche «d’un maître», en affirmant haut et fort que «Je suis un villageois à vendre!». Criait-il.
Agression, rejet, et effarement rythmeront le film… Point de départ de cette histoire contemporaine, qui déteindra au fur à mesure sur d’autres intrigues, autour de nombreux personnages. «L’esclave», au titre intriguant, raconte un Maroc, asservi au travail, mais met en lumière des classes et des protagonistes broyés, soumis au poids des traditions et du relationnel : unions, désunions, rapports houleux entre classes appauvries : celles prolétaires face aux hautes sphères du pouvoir. Le conte se laisse raconter de bout en bout, et est enrichi d’une esthétique attrayante. Mi- moderne, mi- authentique, mi- traditionnelle, propre au Maghreb.
Le scénario est coécrit par Abdelilah Eljaouhary et Kamél ben Ouanes, produit par «Dark Prod Ciné». Abdelilah est journaliste de profession, critique de cinéma, réalisateur, scénariste et universitaire, connu pour «Raja Bent El Mellah», «Cri de l’âme», «Clics et déclics», «La danseuse», «De l’eau et du sang». Une filmographie enrichie par cette dernière réalisation en date et par son casting composé de Saad Mouaffak, Ismail Abu Kanater, Hajar Chergui et une pléiade d’acteurs. Le film concoure, afin de rafler le «Tanit d’or», dans la catégorie «compétition officielle – Long métrage». Une catégorie qui laisse prévoir diverses découvertes au fil des JCC.