L’étude s’est basée sur les outputs de sept organisations et institutions. L’objectif est «d’élaborer d’une manière scientifique un tableau comparatif de ces différentes propositions, afin de disposer d’un socle commun. Il est important de se focaliser sur les propositions qui constituent des points de divergence entre les différents acteurs pour approfondir la réflexion et les discussions et in fine trouver un consensus à leur sujet», affirme Lobna Jeribi, présidente de «Solidar Tunisie».
A l’heure où le ministère de l’Economie et de la Planification est dans une course contre la montre pour fignoler le plan de développement triennal 2023-2025, les recommandations proposées par les acteurs de la société civile et les diverses parties prenantes continuent à pleuvoir. Et c’est au tour du think tank «Solidar Tunisie» d’agir comme force de proposition et d’apporter sa pierre à l’édifice en présentant l’étude «quel socle commun pour un modèle de développement résilient ?», qu’il a mené en partenariat avec la fondation Heinrich Boll.
Des réformes à mettre en œuvre
Les résultats de l’étude ont été présentés lors d’un atelier qui s’est tenu, récemment à Tunis, et qui a réuni le gratin des économistes tunisiens. La rencontre a été ponctuée par les interventions des divers participants qui ont fait part de leurs recommandations et propositions. Ouvrant le débat, Lobna Jeribi, présidente de «Solidar Tunisie», a présenté l’étude en question. Il s’agit d’un travail qui vise à identifier une vision commune, un socle commun pour le nouveau plan de développement mais aussi pour les réformes à mettre en œuvre, et ce, à partir de mesures qui ont été déjà proposées par des organisations et institutions tunisiennes diverses, y compris le ministère de l’Economie et de la Planification. «Comment est-ce qu’on peut démarrer et mettre en œuvre les réformes, s’il n’y a pas de consensus sur les grands axes stratégiques sur des questions fondamentales tels que le rôle de l’Etat, le rôle du secteur privé, sur ce que nous entendons par économie sociale ou le rôle du partenariat public-privé. La question à laquelle nous souhaitons aujourd’hui répondre, c’est de voir où est-ce qu’il y a un consensus par rapport à ces grandes questions et où est-ce qu’il y a des différences pour que nous puissions approfondir le débat», a-t-elle souligné.
L’étude s’est basée sur les outputs de sept organisations et institutions, à savoir le ministère de l’Economie et de la Planification, l’Institut tunisien des études stratégiques, l’Ugtt, le Ftdes, «Solidar», l’Iace et l’Ordre des experts comptables.
168 propositions
Suite à un travail de recoupement et de filtrage, 168 propositions ont été identifiées et déclinées en 30 axes et 6 domaines d’actions stratégiques. «Notre objectif est d’élaborer d’une manière scientifique un tableau comparatif de ces différentes propositions afin de disposer de ce socle commun. Il est important de se focaliser sur les propositions qui constituent des points de divergence entre les différents acteurs pour approfondir la réflexion et les discussions et, in fine, trouver un consensus à leur sujet», a ajouté Jeribi.
Elle a indiqué que l’étude a révélé, entre autres, que les transferts sociaux et les subventions, l’appréhension du rôle de la société civile ainsi que l’endettement figurent parmi les propositions qui font l’objet d’un important désaccord entre les institutions concernées. «Il ne servirait à rien d’aller dans la mise en œuvre des réformes si on n’est pas d’accord sur le principe. Peut-être serait-il pertinent d’engager une réflexion approfondie sur les mécanismes des transferts sociaux et des subventions», a-t-elle fait remarquer.
S’agissant des éléments de consensus, l’étude a montré que la transition énergétique et numérique, le rôle des IDE, mais aussi le PPP font l’unanimité des diverses organisations et institutions.
De son côté, l’économiste Moez Soussi est revenu sur la méthodologie suivie dans la réalisation de l’étude. Il a affirmé, en ce sens, que l’élaboration d’un nouveau modèle de développement ne doit pas être limitée à la simple préparation d’un document technique, qu’on présente après pour application. «La preuve, en Tunisie, nous n’avons pas réussi depuis un certain temps à asseoir et élaborer un modèle que tout le monde s’approprie», a-t-il précisé. Ainsi, pour rendre les 168 mesures proposées par les sept institutions, mesurables, il a été question de faire un «scoring» où on a attribué une note de «+1» à toute mesure faisant l’objet d’un accord, «0» si elle n’a pas été citée et «-1» si l’institution s’oppose à cette proposition. En résumé, l’ensemble des recommandations ont été évaluées sur une échelle de 7. Les résultats ont montré que sur les 30 axes identifiés, 22 font désormais l’objet d’un accord commun entre les institutions et organisations en question.
Il s’agit, entre autres (en ordre décroissant selon le score obtenu), du PPP, la cohabitation entre le secteur public et privé, le climat des affaires et l’informalité, le rôle de l’économie sociale et solidaire et enfin le rôle de l’Etat. D’autres axes relatifs à la politique monétaire et le rôle de la BCT, l’endettement extérieur ou la politique fiscale font l’objet d’un moindre accord et donc devraient susciter plus de dialogue et un débat encore approfondi.
Samir Lazaar, représentant du ministère de l’Economie et de la Planification, a, pour sa part, fait savoir que le plan de développement triennal 2023-2025 est dans sa dernière ligne droite et qu’il devrait être fin prêt avant mi-décembre. Il a rappelé que la préparation du document s’est basée sur la vision Tunisie 2035. Selon Lazaar, une grande partie des axes du socle commun ressorti par l’étude se recoupent avec ceux du plan triennal (en l’occurrence le capital humain, l’économie du savoir et la transition numérique, la diversification de l’économie, l’économie verte, la justice sociale et le développement régional et enfin l’aménagement du territoire). Affirmant que le nouveau plan, qui est en cours de préparation, s’aligne sur les priorités régionales et sectorielles, le représentant du ministère de l’Economie a fait savoir que des réunions avec le secteur privé se tiennent parallèlement afin d’intégrer et prendre en compte ses attentes.
L’atelier a été, par ailleurs, ponctué d’interventions de nombreux économistes qui ont fait part de leurs réflexions autour des priorités en matière de développement. Nous y reviendrons avec plus de détails.