Et maintenant, si rien n’est fait, l’affaire des cinq fœtus, récemment découverts à Bizerte, finira par être enterrée. Et c’est ainsi qu’on continue à violer tout droit à la santé et porter atteinte au bien-être du patient.
L’affaire des cinq fœtus, trouvés enterrés dans un pot sur le toit d’un cabinet médical privé à Bizerte, a réveillé les vieux démons et fait remonter à la surface la crise éternelle de l’hôpital, les bourdes médicales et les fautes de gestion à outrance. Un système de santé mal en point, dont le citoyen-patient étant le premier à en payer les frais. Un lourd tribut qui lui a parfois coûté sa vie ! Et les victimes en sont légion.
Ça traîne encore !
Inoubliable est le décès suspect des 15 nouveaux- nés, survenu en mars 2019, à la maternité Wassila-Bourguiba à La Rabta à Tunis. Un drame de trop qui n’a cessé de remuer le couteau dans la plaie. Trois ans déjà, leurs parents n’ont pas eu gain de cause. Et l’enquête diligentée à cet effet n’a pas encore révélé tous ses secrets. Bien que des faits d’infection nosocomiale soient avérés, alors que la thèse d’un crime étant aussi confirmée, on ne voit, jusqu’ici, aucun auteur arrêté. Sauf que le juge d’instruction chargé du procès avait émis, en avril 2021, des actes d’accusation pour homicide involontaire contre trois prévenus, à savoir la directrice du Centre de maternité et de néonatologie de La Rabta, le directeur de la maintenance et le chef de service de la pharmacie de l’hôpital.
Et depuis, l’affaire traîne en longueur. Dernièrement, l’avocat du chef de service de la pharmacie, impliqué dans l’affaire, avait déclaré avoir présenté tous les documents dégageant son client de toute responsabilité pénale et morale. C’est que, d’après lui, l’accusé avait, depuis sa prise de fonction, alerté sur les défaillances constatées dans ledit centre de maternité, ainsi que la situation jugée catastrophique des pochettes d’alimentation. Dans une déclaration à la TAP, il a, également, révélé «l’intrusion de tierces personnes sur les périmètres du crime». Et l’hypothèse d’une erreur humaine ne peut être probablement exclue. Cela dit, l’affaire pourrait avoir de nouveaux rebondissements. La démission, à l’époque, du ministre de la Santé, le laxisme de l’Etat et le flou qui avait entouré l’avancement de l’enquête en disent long. C’est que dans nos hôpitaux, on n’a jamais été assez content ou bien servi. Besoins non toujours pas satisfaits. Et ce, pour mille et une raisons ! La justice est à genoux, agissant en colosse aux pieds d’argile.
Qu’en est-il de la responsabilité médicale ?
Entre-temps, l’eau a coulé sous les ponts et l’impunité s’installa, sans coup férir. La grogne des médecins s’apaise si vitement et leur débrayage, maintes fois, décidé n’a rien changé. Et combien de fois que la réforme du secteur a fait grand débat, mettant en avant les mêmes revendications d’ordre moral et professionnel. Mais, le gouvernement étant, plus souvent, aux abonnés absents. Et parfois, l’on renoue avec le classique dialogue de sourds qui a gravement impacté les contours réels du secteur. Aujourd’hui, on n’a pas honte de remâcher le mal-être de notre santé publique. Ses pertes incommensurables ne sont plus à démontrer : la mort suspecte de 15 nourrissons à La Rabta, l’affaire de stents périmés, trafic des médicaments et bien d’autres accidents mortels survenus dans nos hôpitaux. Aussi, souvenons-nous, encore, du décès de Badreddine Aloui, jeune médecin au début de sa carrière, succombé à sa chute dans une cage d’ascenseur à l’hôpital régional de Jendouba. Ainsi, les affres du milieu hospitalier n’en finissent jamais ! Et les lois le régissant continuent à être bafouées. Pourtant constitutionnalisé, le droit à la santé jamais été respecté. Les abus liés à l’éthique médicale demeurent incontrôlés. D’autant plus qu’ils sont même passés inaperçus.
Quid de la responsabilité médicale ? Le projet de loi y afférent traînait, des années, dans les rouages de la défunte ARP. Aussi, le corporatisme l’avait-il bloqué, sans scrupules. Force est de constater qu’une telle initiative visant à préserver les droits des patients n’a pas fait du chemin. Et pour cause, tout acte de soins illégaux ou défaillants devient toléré. Cela étant, toutes les enquêtes judiciaires diligentées n’ont pas été suivies d’effet. De même, les procès intentés à l’encontre des inculpés ont du mal à rendre justice aux plaignants. Certes, une telle vérité dérange, mais l’état des lieux laisse encore à désirer. Et maintenant, si rien n’est fait, l’affaire des cinq fœtus, récemment découverts à Bizerte, finira par être enterrée. Et c’est ainsi qu’on continue à violer tout droit à la santé et porter atteinte au bien-être du patient.