La Fédération générale de l’enseignement de base (fgeb) a, finalement, donné le feu vert aux enseignants grévistes de reprendre « normalement » les cours à partir d’hier, mercredi. C’est après près de deux mois de boycott et la privation de centaines de milliers d’élèves qu’une telle décision a pu être prise. Toutefois, il ne faut pas que cela se passe comme si de rien n’était. Les parents et l’opinion publique ont le droit de demander des comptes aux responsables syndicaux à l’origine de ce conflit qui a causé de graves préjudices aux apprenants et au système éducatif dans son ensemble.
Lors de la signature de l’accord entre la Fédération générale de l’enseignement de base et le ministère de l’Education, hier matin (mercredi 16 novembre) le ministre a souligné la difficulté rencontrée pour parvenir à cette issue. C’est le meilleur résultat auquel on puisse arriver dans le contexte actuel a-t-il encore précisé.
S’agissant des grands retards accusés dans les apprentissages des élèves, le ministre a précisé que son département disposait d’un programme préparé à cet effet pour y remédier.
Il faut rappeler, sur ce point, que la Fgeb avait promis qu’en cas d’accord avec le ministère, les enseignants se porteraient volontaires pour aider à rattraper les cours perdus. C’est ce que nous allons voir et vérifier dans les jours à venir.
Toutefois, il faut noter que cette issue n’aurait pas pu avoir lieu sans la conjugaison de plusieurs facteurs.
D’abord, c’est à la suite d’une vague d’indignation sans précédent des familles tunisiennes appuyées par des organisations et des associations civiles contre les responsables de la crise déclenchée dès le premier jour de la rentrée scolaire par la fgeb,que toutes les parties impliquées dans le conflit ont été contraintes d’adopter un compromis. Mais il ne faut pas minimiser l’application stricte de la loi par le ministère lorsqu’il a émis des convocations aux enseignants leur demandant de reprendre leurs postes sous peine de recourir aux dispositions légales régissant la Fonction publique
Est-ce vraiment la fin du calvaire ?
Le « jeu » tragique n’a, enfin, que trop duré. La réunion de la dernière chance qui s’est déroulée lundi dernier entre le ministère de l’Education et la Fgeb a abouti à l’élaboration d’un P.V. Une autre réunion de la commission administrative sectorielle de l’enseignement organisée par la fgeb à Hammamet, le lendemain, a avalisé, à l’unanimité les termes de l’accord. Ce dernier devant être signé hier, mercredi 16 novembre entre les deux parties.
En vérité, ce dénouement de la plus longue grève jamais menée dans notre pays ne signifie pas, pour autant, la fin définitive du conflit. D’autres revendications sont encore en instance selon les responsables des syndicats. Selon eux, il reste à « poursuivre la discussion de la motion professionnelle relative au secteur ».
En outre, il ne faut pas oublier qu’il y a une partie des enseignants protestataires qui rejettent les résultats auxquels ont abouti les parties officielles (ministère et Fgeb). Ils déplorent la précipitation de la part des responsables syndicaux et menacent de poursuivre leurs actions. A cet effet, le coordinateur national des enseignants suppléants a affirmé à une chaîne radio que l’accord entre le ministère de l’Education et la Fgeb ne satisfaisait pas les enseignants suppléants et qu’il n’était pas au niveau de leurs attentes
D’autre part, il y a la Fédération générale de l’enseignement secondaire (fges) qui est en embuscade et qui est montée, avant-hier, au créneau pour signaler sa présence. Elle est prête à prendre la relève pour déclencher d’autres mouvements de nature à perturber le déroulement de l’enseignement secondaire et de l’année scolaire en cours. Déjà, cette fédération annonce par la voix de son S.G qu’elle confirme sa décision de ne pas rendre les notes à l’administration. En d’autres termes, elle se livre à un boycott administratif dont les conséquences sont connues d’avance. Les collèges et les lycées ne pourront pas organiser les conseils de classe ni envoyer les bulletins de notes trimestriels.
Et ce n’est qu’un avant-goût comme on en a, déjà, connu.
Somme toute, il n’y a rien de rassurant. De nombreux parents sont dubitatifs et craignent un retour à la tension qui a prévalu depuis la rentrée. Ils pensent que la décision de la Fgeb de faire machine arrière n’est qu’une manœuvre pour desserrer la forte pression exercée sur elle par l’opinion publique et la centrale syndicale. Elle cache son jeu en vue d’une deuxième épreuve de force avec comme prétextes les revendications en suspens, l’intervention des forces de l’ordre contre des enseignants qui manifestaient devant certains commissariats de l’éducation (selon un responsable, la Fgeb est déterminée à poursuivre les auteurs des “violences”) et la question des enseignants qui ne sont pas concernés par l’accord de 2018.
Un autre conflit se profile
D’ailleurs, la fragilité du dernier accord est renforcée par la présence de plusieurs enseignants à proximité de l’hôtel où se tenait la réunion de la commission administrative sectorielle de l’enseignement. But de ce rassemblement: faire pression pour que la Fgeb n’accepte pas les récentes propositions du ministère.
Ces propositions formulées en cinq points stipulent, entre autres, de signer un contrat de deux ans maximum pour intégrer les enseignants suppléants de la promotion 2022, au grade d’enseignant stagiaire des écoles primaires.
De son côté, la Fges est prompte à envisager toutes les formes de “luttes” pour satisfaire les exigences de ses troupes et en premier son appel au ministère de l’éducation pour qu’il engage des négociations “sérieuses” et mette sur la table tous les dossiers pour les discuter de façon profonde.
Au passage, le S.G de la Fédération générale de l’enseignement secondaire n’oublie pas de mettre en garde les autorités. Selon lui, toutes les formes de “lutte” seront discutées si cette demande de négociations est rejetée.
Il rappelle que les revendications de son syndicat consistent en l’application des clauses de l’accord conclu avec le ministère en 2019 en plus de nouvelles revendications relatives au relèvement de la prime spécifique eu égard à la détérioration du pouvoir d’achat des enseignants.
Notons, avant de terminer, qu’il y a un certain égoïsme, voire un égoïsme certain de la part des syndicats de l’enseignement. En effet, on ne voit qu’eux et on n’entend parler que d’eux durant plusieurs années. Leurs nombreuses demandes ne finissent pas. Pourtant, d’autres salariés, dans d’autres secteurs connaissent des conditions de loin plus difficiles mais qui ne débrayent pas pour un “oui” ou pour un “non”. Leurs revendications ne sont pas des feuilletons interminables. Au pire, elles sont raisonnables.
C’est pourquoi, on demanderait aux responsables de ce secteur de ne pas user de la force que leur procure le bouclier humain derrière lequel ils se mettent (à savoir, nos enfants) pour formuler toutes ces demandes et ces exigences. Il faut savoir raison garder et se prévaloir d’un sens aigu de responsabilité, particulièrement dans une conjoncture économique particulière.
Dans le même ordre d’idées, il serait louable de ne plus considérer l’autorité officielle comme un ennemi et de prôner contre elle un combat sans merci. De tels comportements sont à bannir de notre société et ces mentalités d’un autre temps n’ont pas leur place parmi nous.