Accueil A la une Projet de Banque postale : Y a-t-il un blocage ?

Projet de Banque postale : Y a-t-il un blocage ?

 

L’idée de lancer une banque postale traîne depuis longtemps. Le simple citoyen ne comprend pas pourquoi le projet rencontre autant d’entraves. Il ne comprend pas, non plus, qui est derrière ce blocage. Annoncée pour 2021, la concrétisation de ce rêve est reportée aux calendes grecques.

Rappelons que la création de la banque postale n’est pas qu’un simple projet ou une élucubration. Les Tunisiens l’attendent avec impatience. Les postiers et les professionnels en sont, déjà, fiers. Les petites entreprises et les clients de la Poste ne cachent pas leur inquiétude de voir ce projet tomber à l’eau comme d’autres projets.

A franchement parler, le dossier de lancement de cette nouvelle institution financière est bien ficelé. Par conséquent, tout milite dans le sens de son approbation par l’autorité qui a le pouvoir de décision. Mais c’est là que tout réside.

Qui a ce pouvoir ?   

Apparemment, on nous dit que c’est la Banque centrale. Dans la réalité, on a cette impression que ce n’est pas le cas. Alors, on peut se demander s’il n’y a pas un vrai lobby bancaire devant cette farouche opposition au lancement de la Banque postale. Le citoyen ordinaire penche très favorablement pour cette hypothèse.

Il y a trop d’empêchements pour que ce soit innocent. C’est là, du moins, le ressenti que tout un chacun peut avoir. En effet, tout prête à croire que les avantages dont dispose la Poste font  peur à plus d’un. Pourtant, cette peur est-elle justifiée ? Doit-on avoir peur d’une entreprise qui ne cesse d’accumuler les performances les unes après les autres ? Peut-on avoir peur d’une institution publique qui, malgré les difficultés innombrables que connaît le pays, parvient à émerger du lot et à s’imposer sur la place financière ?

Bien au contraire, une telle entreprise devrait être encouragée et soutenue. Ou, à tout le moins, lui épargner les coups bas et les combines consistant à lui mettre des bâtons dans les roues. Car, vraiment, c’est ce que nous voyons ou ce que nous déduisons au vu des nombreux freins qui surgissent par-ci, par-là.

Depuis 2019, la Poste tunisienne a annoncé, officiellement, son ambition de se transformer en banque. A cet effet, elle a déposé la demande en ce sens auprès de la Banque centrale le 31.12.2019. Jusqu’à ce jour, aucune autorisation n’a été accordée. C’est une habitude de notre administration qui laisse toujours, des dossiers sommeiller durant des années sans donner le moindre signal. On se contente de déclarations rassurantes qui ne sont suivies d’aucun effet. Et cela risque de durer encore des années. Jusqu’à ce que l’idée du projet s’estompe et tombe dans l’oubli.

Le Tunisien est en droit de se demander si ce sont les atouts dont dispose la Poste qui suscitent autant de craintes auprès des autres opérateurs. Et, là, on pense, bien sûr, au secteur bancaire. Ce dernier a-t-il raison de craindre la naissance d’un organisme public ayant les mêmes prérogatives ou presque au point qu’il le pousse à le rejeter ?

La stratégie de la « future » banque

A priori, les activités de la Poste ne peuvent que s’intégrer dans une véritable dynamique dont le principal objectif serait de promouvoir le développement économique et social.

A travers le réseau fortement implanté dans le pays, la Poste est capable de contribuer, efficacement, à l’inclusion financière de la plupart des catégories sociales non bancarisées. Selon le dernier rapport annuel, la Poste tunisienne “poursuit son programme de développement de nouveaux services bancaires en complément des offres actuelles similaires aux prêts destinés à cette catégorie de population”.

Dans le cadre de sa stratégie, la Poste a fixé plusieurs objectifs à réaliser grâce à la Banque postale. En premier, elle vise à améliorer le taux de bancarisation et accélérer l’inclusion financière. En deuxième lieu, elle cherche à favoriser l’accès aux services financiers grâce à l’innovation et aux capacités dont dispose la Poste. D’autre part, elle projette d’offrir des services financiers complets en direct ou en intermédiation.

C’est, justement, dans ce cadre qu’elle aura à développer des relations de partenariats et de synergie dont un partenariat capitalistique afin de renforcer sa solidité financière autour des axes stratégiques, un partenariat-métier avec la Poste, avec les institutions de microfinance, avec les établissements de paiement, avec les assurances, etc. D’autres partenariats avec des intervenants locaux ou étrangers sont envisagés dans le cadre des programmes stratégiques en prévision du lancement de la nouvelle institution financière.

Tous les indices vont dans le sens de l’approbation de ce projet, notamment quand on lit le rapport d’expertise élaboré par le bureau choisi par la Poste tunisienne. Selon ce rapport, le développement de nouveaux services bancaires en complément des offres actuelles … permettra à la Poste tunisienne d’améliorer le nombre de comptes courants actifs et d’éviter la migration des clients des chèques postaux vers les banques qui offrent des possibilités de crédits.

Une bonne couverture territoriale

Devant ce large éventail  d’opportunités qu’offre la future institution financière, on ne voit pas ce qui pourrait en retarder encore la concrétisation. Déjà les prestations offertes par la Poste tunisienne militent dans le bon sens. Les réalisations accomplies sont à la mesure des espoirs qu’on devrait en attendre d’autant que les chiffres enregistrés parlent d’eux-mêmes.

Aujourd’hui, la Poste tunisienne c’est plus de 6 millions de comptes courants et comptes épargne, près de 2.5 millions de détenteurs de cartes électroniques, plus de 81 millions de courrier ordinaire sans parler de plus de 1.043 bureaux de poste à travers tout le territoire. Ce qui assure une couverture de 1 bureau de poste pour plus de 10.000 habitants.

Ce réseau est capable d’assurer une pénétration des activités bancaires dans des zones qui,  jusque-là, ne bénéficiaient pas de ces prestations.

On table d’ailleurs beaucoup sur le facteur de proximité. Les différentes catégories sociales ont un accès très facile à la poste contrairement aux banques. Elles sont familiarisées avec cet environnement.

L’autre avantage consiste dans la proximité avec les catégories socioprofessionnelles, les petites et très petites entreprises et divers artisans ou petits métiers. La future banque postale ouvrirait de nouveaux horizons de financement devant ces entreprises qui ne sont pas possibles, actuellement, auprès des organismes bancaires classiques.

C’est ce créneau des crédits qui manque à la Poste. De plus, les demandeurs de prêts n’auront pas à accomplir les multiples démarches exigées par les banques ou à entasser les nombreux documents. Aux dires des responsables qui se sont exprimés sur la question, les procédures d’octroi de crédits pour les PME-TRE seront des plus souples et des plus adaptées à la conjoncture économique ambiante.

Concernant la dynamisation du secteur commercial, on s’attend à l’intégration d’un plus grand nombre d’acteurs dans les opérations de paiement électronique et la réduction du paiement cash. D’ailleurs, plus de 3.000 commerçants sont inscrits dans l’application utilisant la technologie QR Code avec près de 600 sites commerciaux liés à la plateforme e-dinar.

A travers tous ces atouts, on espère qu’un jour on verra la naissance de la première Banque postale en Tunisie. Nos amis algériens et marocains ont déjà franchi le pas. Faut-il continuer à créer des obstacles devant une telle aventure sous divers prétextes alors que le monde avance à grands pas vers la modernisation et l’innovation ?

La Poste tunisienne doit, par la force des choses, évoluer et passer aux paliers supérieurs grâce au rôle qu’elle est appelée à  jouer dans la microfinance ou l’inclusion des couches sociales à faibles revenus dans la dynamique financière grâce au capital confiance qu’elle a réussi à forger à travers les nombreuses années. En effet, les premiers services postaux remonteraient à la deuxième moitié du XIXe siècle !

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