• Le président d’Ennahdha est toujours attaché au retour du parlement dissous et à la Constitution de 2014
• «Les déclarations de Ghannouchi constituent une incitation à la guerre civile», assure Imed Hammami, ancien S.G. d’Ennahdha
• Le président d’Ennahdha considère le faible taux de participation aux législatives du 17 décembre comme une victoire pour son parti
Les déclarations du président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, à la chaîne TV Ezzitouna ont suscité une nouvelle polémique au sein du paysage politique et civil national et ont provoqué plusieurs réactions qui les condamnent et les considèrent comme «une incitation à la guerre civile».
Ainsi, l’ancien ministre nahdhaoui de la Santé et aussi de la Formation professionnelle et de l’Emploi ainsi qu’ancien secrétaire général d’Ennahdha, aujourd’hui activiste politique se présentant en tant qu’indépendant mais fervent soutien du processus du 25 juillet 2022 Imed Hammami assure-t-il: «Rached Ghannouchi est dans une dénégation perpétuelle et maladive depuis le 25 juillet».
Il ajoute dans une intervention sur la radio privée Diwan FM: «Le pays se porterait mieux si Rached Ghannouchi se retirait de la vie politique et quittait le pays».
Et pour appuyer son appel à ce que le président d’Ennahdha annonce sa retraite politique et décide de quitter la Tunisie, il soutient : «Ce que Ghannouchi a avancé dans son interview à la chaîne Ezzitouna constitue un plan de guerre, ce qui en fait un danger».
Mais peut-on attendre que le président nahdhaoui écoute les analyses de l’ancien secrétaire général de son parti, prend en considération les conseils qu’il lui prodigue et consente à comprendre, enfin, que le salut de la Tunisie et aussi d’Ennahdha ainsi que son salut personnel dépendent aujourd’hui de sa décision à passer la relève au sein du parti nahdhaoui, à faire réussir l’émergence d’une nouvelle génération de responsables nahdhaouis qui saisiront les nouvelles réalités prédominant la vie politique nationale post-25 juillet et qui prennent, enfin, conscience que le déni, l’entêtement et la persistance dans les rêves fous de retourner à la situation prévalant avant la dynamique du 25 juillet 2021 ne peuvent que faire perdurer la crise interne au sein d’Ennahdha, lui faire perdre davantage le crédit qu’elle peut revendiquer encore et lui faire éloigner les sympathisants, de plus en plus rares, encore fidèles à ses approches et à ses choix.
Malheureusement, il semble que Rached Ghannouchi n’a pas encore compris que la situation actuelle lui impose de changer de discours et de s’adapter à ce que les Tunisiens exigent, désormais, des hommes politiques au pouvoir ou dans l’opposition. Il a montré clairement, lors de son interview à la TV Ezzitouna, qu’il reste attaché au passé, ce qui veut dire qu’il veut retourner à la présidence du parlement et à la Constitution de 2014.
Pire encore, il refuse de reconnaître les erreurs d’Ennahdha, les dépassements commis par les responsables nahdhaouis quand ils étaient au pouvoir et continue à tenir «les autres» pour responsables des échecs essuyés par son parti.
Encore entouré de faucons qui sont, de l’avis même de plusieurs adhérents au parti, responsables de la crise installée à Montplaisir, Rached Ghannouchi clame: «Ennahdha est victime des pouvoirs contre-révolutionnaires».
Il va encore plus loin pour transformer les échecs et les difficultés que rencontre actuellement le gouvernement Bouden en victoires à attribuer à son parti. Pour lui, le faible taux de participation au premier tour des législatives anticipées tenues le 17 décembre dernier et le boycott par les Tunisiens de ces mêmes élections constituent «un acte révolutionnaire visant le coup d’Etat».
Rached Ghannouchi évoque pêle-mêle l’affaire des magistrats révoqués, parle de la situation économique difficile et s’obstine à penser que la solution à la crise actuelle est dans le retour à la situation précédant la dynamique du 25 juillet 2021 et le rétablissement de la Constitution de 2014.
En conclusion, les analystes qui ont disséqué les déclarations de Ghannouchi s’accordent à relever que le leader nahdhaoui a prouvé, encore une fois, qu’il est déconnecté de la réalité, que ses approches et les solutions qu’il propose ne trouvent plus une oreille attentive même auprès de ses sympathisants et qu’il n’a pas encore compris qu’il a fait — comme ledit Imed Hammami — «des années de trop», c’est-à-dire qu’il n’a pas su se retirer au moment qu’il faut.