C’était à l’occasion de la publication de son tout nouveau rapport intitulé « Les performances et perspectives macroéconomiques de l’Afrique » que les économistes de la Banque africaine de développement (BAD) ont annoncé leur verdict : « la croissance moyenne estimée du produit intérieur brut (PIB) réel a ralenti, passant de 4,8 % en 2021 à 3,8 % en 2022, et devrait se stabiliser à 4 % en 2023-2024 ». De quoi saluer « la résilience économique des pays africains et cela malgré les incertitudes mondiales ».
Selon les prévisions de la Banque africaine de développement, « les économies africaines sont résilientes malgré les multiples chocs qu’elles ont subis ». D’après les spécialistes de l’institution financière, « 53 des 54 pays africains devraient maintenir une croissance positive et des perspectives stables pour la période 2023/2024 ».
Pourtant, il y a quelques mois, tous les rapports économiques évoquaient les « gros nuages » qui menaçaient le continent. La persistance du choc économique dû à la pandémie du Covid-19, le ralentissement de la croissance, les impacts du changement climatique, l’inflation au plus haut depuis plus d’une décennie, et finalement la guerre en Ukraine étaient à l’origine de ce pessimisme.
Mais, contre toute attente, les grandes institutions rectifient leurs prédictions de croissance en ce début d’année. Le Fonds monétaire international et la Banque mondiale ont annoncé que « l’Afrique devrait globalement échapper à la récession mondiale avec une croissance du PIB, certes, en baisse, mais non loin des 4 % (3,7 %) ». Aussi, les économistes de la Banque africaine de développement estiment que même si le produit intérieur brut réel a ralenti, passant de 4,8 % en 2021 à 3,8 % en 2022, ce dernier « devrait se stabiliser à 4 % en 2023-2024 ».
Des risques mondiaux et régionaux
Toujours selon les dernières analyses de la BAD, « l’inflation moyenne des prix à la consommation a augmenté de 0,9% pour atteindre 13,8 % en 2022, contre 12,9 % en 2021. 15 millions de personnes supplémentaires sont tombées dans l’extrême pauvreté en Afrique à cause de la hausse des prix mondiaux de l’énergie et des produits alimentaires en 2022 ».
Dans le rapport « Les performances et perspectives macroéconomiques de l’Afrique », publié récemment par la BAD, « toutes les régions africaines ont connu une croissance en 2022 : l’Afrique centrale en tête, grâce aux cours favorables des matières premières (+ 4,7 %), devant l’Afrique du Nord (+ 4,3 %), l’Afrique de l’Est (+ 4,2 %), l’Afrique de l’Ouest (+ 3,8 %). L’Afrique australe est légèrement décrochée avec une croissance de 2,5 % ».
Akinwumi Adesina, le président de la BAD, a annoncé qu’« avec 54 pays à différents stades de croissance, différentes structures économiques et diverses dotations en ressources, les effets des chocs mondiaux varient toujours en fonction de la région et du pays ». Il a poursuivi : «Le ralentissement de la demande mondiale, le durcissement des conditions financières et la perturbation des chaînes d’approvisionnement ont donc eu des répercussions différentes sur les économies africaines ».
D’autre part, le rapport émet une réserve sur les perspectives, compte tenu des risques mondiaux et régionaux actuels. Ces risques tournent essentiellement autour de la flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, le durcissement des conditions financières mondiales et l’augmentation connexe des coûts du service de la dette intérieure. Les changements climatiques représentent des menaces tout aussi redoutables. Le rapport de la BAD pointe, principalement, l’urgence de la dette. Selon l’institution financière panafricaine, « le niveau d’endettement des Etats africains est toujours plus alarmant. Vingt-trois pays africains étaient soit en situation de surendettement, soit à haut risque de l’être en septembre 2022 ». D’après les prévisions de la banque, «le resserrement des conditions financières mondiales pourrait accroître les vulnérabilités de plusieurs pays africains ».
Il est important de souligner qu’avant même l’apparition de la crise sanitaire mondiale, les Etats africains étaient déjà accablés par des déficits budgétaires et un endettement inquiétants.
Réduire les déficits budgétaires structurels
Le rapport préconise une série de mesures pour réduire les déficits budgétaires structurels et l’accumulation de la dette publique, assurer une coordination efficace des actions budgétaires et monétaires et stimuler le commerce intra-africain. Du côté de la dette, la BAD souhaiterait « un appui des pays riches, à ceux à faibles revenus, qui pourrait se matérialiser par des délais supplémentaires accordés pour rembourser les dettes ou la réaffectation des réserves du FMI, les fameux Droits de tirage spéciaux (DTS), aux pays qui en ont le plus besoin ». Des demandes qui, selon les experts de la banque, restent légitimes pour l’institution, « car le resserrement des conditions financières mondiales exerce une pression sur les monnaies nationales africaines ». Selon Kevin Urama, économiste en chef et vice-président par intérim chargé de la gouvernance économique et de la gestion des connaissances à la BAD, « avec l’abondant capital naturel de l’Afrique, sa très large population de jeunes et son économie en croissance, les économies à faibles revenus ont de grandes chances de rebondir après des chocs, tels que celui de la pandémie du Covid-19 ». « La bonne nouvelle, c’est que les cinq économies africaines qui connaissent la croissance la plus rapide devraient retrouver leur place dans le classement des dix économies les plus dynamiques du monde au cours des prochaines années », a-t-il enchaîné.