«Sisters in film», tel est l’intitulé de ces rencontres de réalisatrices arabes qui ont eu lieu dans le cadre du festival «Manarat» du 3 au 6 juillet avec pour objectif le partage des expériences dans le cinéma.
Dix réalisatrices à leur premier film sont sélectionnées à travers le monde arabe pour partager leurs expériences diverses et différentes en tant que femmes qui ont pratiqué le métier de cinéaste et qui ont vécu l’expérience d’un terrain souvent dominé par les hommes. Elles ont parlé de leur parcours qui les a mené à la camera, du processus de création de leur premier film et des erreurs qu’elles ne commettront plus.
«Ce projet répondait à un appel de l’Unesco qui visait à promouvoir le rôle des femmes dans l’industrie du cinéma dans la région Mena, dit Hichem Fellah, coordinateur général de «Sisters in film ». Cela concerne 7 pays : Maroc, Algérie, Tunisie, Egypte, Liban, Jordanie et Lybie. C’est ce qu’on appelle «empowerment » c’est-à-dire augmentation des capacités de ces femmes professionnelles de la région. J’ai voulu me concentrer sur des réalisatrices de ces pays-là avec une réflexion qui vient de mon expérience de programmateur de festival. En fait il y a beaucoup de premiers films qui se font mais souvent le deuxième film est quelque chose de beaucoup plus difficile à réaliser. L’idée était de réunir des réalisatrices qui ont déjà fait un premier long métrage pour qu’elles puissent se réunir avec des experts et qu’elles partagent leurs expériences. Au fait, la réalité de nos pays est très différente : les films en Jordanie au Maroc ou en Tunisie ne se font pas de la même manière et c’est très important de connaître ces difficulté pour les participantes».
Les thématiques englobent des questions sur le développement des coopérations et la visibilité de nos films dans le monde arabe entre autres. Toutes ces questions sont abordées à travers le prisme des difficultés rencontrées par des réalisatrices femmes dans le monde arabe. C’est aussi un moment de partage où elles peuvent parler franchement des obstacles qu’elles rencontrent.
«L’objectif est également de créer un réseau de femmes réalisatrices dans ces pays, poursuit Hicham Fellah, avec l’idée de pérenniser l’initiative et de leur permettre de choisir elles-mêmes des priorités afin de mettre en place des actions comme la diffusion, la formation de femmes réalisatrices qui n’ont pas forcément accès à des écoles de cinéma. Il y aura un deuxième atelier pour mettre en place des projets concrets. C’est aux femmes de décider la forme qu’elles veulent donner à ce réseau. Pour ma part, quand je l’ai pensé, je le compare à des réseaux de femmes professionnelles du cinéma principalement en Amérique du Nord et en Europe, mais la réalité de nos pays est différente, il faut donc qu’on trouve une manière de faire ce réseau qui corresponde à la réalité économique et sociale de nos pays. Une sorte de club de réalisatrices peut être fait pour partager des connaissances et des informations pratiques. Mais ce sont elles qui décideront de la forme et de la manière de développer ce réseau au final».
Selma Bargech réalisatrice Maroc a déclaré «Cette rencontre a été une occasion d’entendre le parcours de la plupart des réalisatrices présentes. Il y a un vrai échange entre professionnelles où chacune a parlé des difficultés et des obstacles qu’elle a pu rencontrer. Avant d’être réalisatrice j’ai fait beaucoup d’assistanat. C’est un milieu que je connais très bien c’est pour cela que je n’ai pas rencontré de difficulté lorsque j’ai fait mon premier film. Au Maroc les hommes respectent les femmes dans ce métier et on se soutient et je trouve que j’ai eu plus de rivalité avec les femmes qu’avec les hommes. Maintenant ce qui reste à faire c’est un travail sur la visibilité de nos films, nous, les femmes. Parce que le spectateur ne demande qu’a voir des films d’où une réelle urgence de réfléchir sur la manière de communiquer sur nos productions».
Dina Naceur est une réalisatrice jordanienne qui nous a déclaré «le cinéma en Jordanie est une industrie naissante très encouragée par le comité royal jordanien pour les films qui offrent des subventions des workshops et des plateformes qui nous permettent de communiquer avec le monde. C’est une industrie qui pousse petit à petit et qui a de l’avenir à mon sens. Je rencontre les difficultés de toutes les femmes dans le monde arabe, et cela fait partie de notre réalité mais je pense que les cinéastes femmes même dans le pays européens rencontrent des difficultés dans ce sens».
La réalisatrice algérienne Hbiba Djahnine a déclaré «Je fais du documentaire parce que ce qui m’intéresse réellement c’est d’interroger le réel avec les outils du cinéma. Mais le réel je ne le prends pas comme une photographie, je le travaille avec mon regard. En Algérie je n’ai pas de difficulté à être une femme réalisatrice mais j’ai bien conscience que c’est un métier très difficile parce qu’il n’y a pas beaucoup de moyens, pas de salles de cinéma et parce que toute la profession du cinéma dans toute sa splendeur est totalement souffrante. En Algérie on n’a pas encore trouvé la solution pour guérir notre cinéma. Nous n’arrivons pas non plus à avoir des décisions politiques pour que notre cinéma puisse enfin se libérer».
S.T.
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