Loin des modèles occidentaux, le danseur et chorégraphe crée une gestuelle issue des mythes arabes et du contexte politique, social et religieux qui est le sien. Il y explore les relations profondes entre corps et mouvement, entre tradition et modernité.
Invité du Théâtre national tunisien pour célébrer la Journée mondiale du théâtre et figurer au programme Tunis théâtres du monde, le chorégraphe Ali Chahrour présente son dernier-né « Du temps où ma mère racontait ». Cet artiste trentenaire, habitué aux grands rendez-vous et 3 fois dans la programmation In. du festival d’Avignon, nous livre le deuxième volet d’une nouvelle trilogie sur le thème de l’amour et puise, dans son histoire familiale et dans un Liban déchiré, des récits poignants. Il dessine une zone sensible et instable, reflet d’un Liban actuel, où récits intimes et historiques exaltent par le geste, le verbe et le chant l’incommensurable force de l’amour familial.
Au centre, une mère, Leïla. Près d’elle, son enfant, Abbas, qu’elle essaie de protéger d’un destin de martyr. Un peu plus en amont, une mère, Fatmeh, qui n’a jamais cessé de rechercher son enfant disparu, Hassan. Les boucles sont infinies. Porteuses d’histoires, ces héroïnes de l’ordinaire laissent leur tendresse et l’intensité de leur attachement maternel traverser leur corps et prendre voix. Sur la scène, elles mettent au monde des portraits de familles bouleversants où restera chez chacun l’infinie beauté du lien. Ali Chahrour, la comédienne Hala Omran et les musiciens du groupe Two or The Dragon viennent enrichir ces récits d’une musique empruntée autant à la culture arabe qu’aux sonorités urbaines. Mouvements, chants, paroles et musique proposent aux générations de faire autant union que sécession, à l’image de l’amour étroit et insondable qui unit une mère et son enfant. Absolu.
«Du temps où ma mère racontait s’inspirent des mères à Beyrouth et plus particulièrement des mères de ma famille. C’est une pièce intime et personnelle, explique-t-il. On raconte deux histoires sur scène : l’histoire de ma tante Fatmeh et sa longue quête de son fils disparu Hassan, et l’histoire de Laila, la cousine de Fatmeh, qui a réussi à sauver son fils du combat et à le ramener dans le giron familial».
Beyrouth, l’ADN du travail d’Ali Chahrour, qui convoque dans cette pièce des chansons populaires, une vieille berceuse sumérienne et qui mêle musique, danse, théâtre avec brio dans une pièce exigeante, radicale, jusqu’au cri final de Laila, celui de toute une population libanaise en proie aux catastrophes de ces dernières années : la terrible explosion dans le port de Beyrouth, la pandémie et l’effondrement économique.
Né à Beyrouth en 1989, Ali Chahrour y étudie le théâtre et la danse puis dans différentes écoles en Europe. Loin des modèles occidentaux, le danseur et chorégraphe crée une gestuelle issue des mythes arabes et du contexte politique, social et religieux qui est le sien. Il y explore les relations profondes entre corps et mouvement, entre tradition et modernité. Du temps où ma mère racontait poursuit une nouvelle trilogie sur l’amour initiée par Layl-Night(2019) qui se termine avec The love Behind my eyes (2021).