Accueil A la une Le 9 avril 1938, lors de son arrestation, Bourguiba dit à son fils tremblant : «Sois un homme !»

Le 9 avril 1938, lors de son arrestation, Bourguiba dit à son fils tremblant : «Sois un homme !»

 

Place du Leader (ex-Place des Moutons). Dans sa maison sise au 6, rue Jamaâ El Hawa, Bourguiba, au cours de la nuit du 9 avril, corrigeait son article intitulé  «La Rupture» destiné au numéro du dimanche de l’Action Tunisienne quand il fut arrêté dans son lit.Il venait de fêter avec sa femme l’anniversaire de son enfant. Bourguiba Junior venait d’avoir onze ans, il était né le 9 avril. Il n’empêche, il ne savait pas qu’il n’allait pas tarder à abandonner la morasse pour se retrouver chez le juge d’instruction.

En effet, l’état de siège venait d’être décrété à cause des évènements survenus dans la matinée. C’est que des militants  du Néo-Destour furent convoqués par le juge d’instruction français, interrogés et mis en état d’arrestation pour avoir prononcé des discours. En effet, les autorités venaient de durcir le ton : les réunions étaient suspendues et les arrestations pleuvaient à l’occasion de manifestations. La nouvelle de leur arrestation provoqua un attroupement des élèves du Sadiki et de quelques étudiants de la Grande Mosquée qui manifestèrent devant le Palais de Justice. Ce fut alors une violente irruption des forces armées, avec leurs blindés et leurs balles. Une grande panique s’empara des manifestants qui laissèrent deux cents morts de La Kasbah à Bab Souika au cours de leur fuite.

« A ce moment-là je dormais. Mon fils dormait à côté de moi dans son petit lit, lorsque la maison fut littéralement envahie par les gendarmes qui se livrèrent à une minutieuse perquisition et emportèrent même des papiers privés. Le commissaire de police m’invita ensuite à l’accompagner. Je répondis que j’étais à sa disposition mais qu’il me fallait m’habiller. Il me présenta le Docteur Lumbroso qui me déclara que mon traitement serait poursuivi en prison. Je m’habillai donc. Je pénétrai dans la salle de bain pour mettre la ceinture prescrite pour ma hernie. Le commissaire m’y accompagna», notait Bourguiba dans ses souvenirs.

Au moment de quitter son domicile, Bourguiba se demanda s’il fallait éviter d’effrayer son fils au spectacle des militaires qui emplissaient la maison ou le réveiller pour l’embrasser et lui faire ses adieux. «Je me résolus à ce dernier parti. Je ne savais pas au juste si je le reverrais jamais. Je lui prodiguai mes encouragements. Je lui déclarai que l’incident était devenu familier et ne devait pas être pris au tragique ; Je lui rappelai Borj Leboeuf et lui recommandai d’être un homme et d’être attentif à ses études» ajoute-t-il.

«Provocation à la haine des races, excitation de la population à enfreindre la loi du pays, provocation dans le but  de détourner les obligations militaires, provocation directe aux crimes de meurtre, de pillage ou d’incendie, attaques contre les droits et pouvoirs de la République française en Tunisie, publication de mauvaise foi de fausses nouvelles, complot contre la sûreté de l’Etat», tels furent les chefs d’inculpation. C’était la première fois que Bourguiba jouait réellement sa tête. Mais son parcours ne s’arrêtera pas au jour de l’indépendance.

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