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Santé numérique : Un axe de réformes stratégiques

Désormais, la santé numérique constitue un axe stratégique du chantier de réformes déjà engagées et qui appelle à tirer profit des nouvelles technologies pour accélérer sa réalisation.

Tenue du 04 au 06 mai 2023 à Yasmine Hammamet sous le thème « Le Numérique au service de la gouvernance de la santé », la huitième édition du Forum international de la santé numérique était une occasion pour débattre de l’état d’avancement de la mise en œuvre des différents programmes, stratégies et projets de santé numérique en Tunisie, pour jeter la lumière sur des expériences et projets de santé numérique mis en œuvre dans des pays frères et amis, mais aussi une occasion pour revenir sur les expériences tunisiennes dans le développement du numérique et de l’intelligence artificielle en santé.

L’avenir ne pouvait être que numérique

À l’ouverture des travaux de cette nouvelle édition, M.Taieb Zahar, Président du Forum International de Réalités, a déclaré que les thématiques abordées depuis la première édition de ce forum comptent parmi les plus adéquates et les plus innovantes à même d’enrichir et de renforcer la politique de santé dans notre pays et que leur évolution s’inscrit dans l’esprit qui doit marquer la stratégie nationale en matière de développement de la santé numérique.

“L’évolution de ces thèmes a fait qu’au fil des rencontres, et vu le développement rapide des nouvelles technologies de l’information et de la communication et les nouvelles solutions informatiques qui ont impacté notre mode de vie et notre comportement, il était tout naturel de parvenir à la conclusion que, pour être au diapason avec ce qui se passe à travers le monde, l’avenir de la santé ne pouvait être que numérique”, a-t-il souligné.

Un laboratoire d’idées au service de la santé
Sur un autre plan, M.Zahhar a affirmé que la réussite de cette édition “nous a encouragé à nous investir davantage pour concrétiser notre ambition de créer un laboratoire d’idées au service de la santé”.

Pour ce faire, toutes les parties prenantes doivent travailler main dans la main pour affiner les stratégies de développement du secteur de la santé numérique, faire le point sur l’état d’avancement du projet de santé numérique en Tunisie et faire de cette question un défi sociétal et un engagement.
« Il est évident que toute initiative de santé numérique doit s’appuyer sur une stratégie intégrée, d’autant que les nouvelles technologies vont à coup sûr façonner d’une certaine manière l’avenir de la santé.
Partant de ce constat, la santé numérique doit, de toute évidence, faire partie intégrante des priorités en matière de santé, ce qui permettra à la Tunisie de se placer dans le peloton de tête des pays les plus avancés dans le domaine médical, et de devenir un hub maghrébin, voire africain de santé numérique parce qu’elle en a les moyens et la capacité… Nous n’arrêterons pas d’affirmer que nous avons les moyens, nous avons les compétences et nous avons le savoir-faire pour réussir ce challenge », a-t-il encore précisé.

Un axe stratégique du chantier de réforme
Par ailleurs, au vu des défis socio-sanitaires, démographiques et économiques auxquels fait face le système de santé tunisien, la santé numérique constitue, désormais, un axe stratégique du chantier de réforme déjà engagé qui ne nécessite que de tirer profit de l’utilisation des nouvelles technologies pour accélérer sa réalisation.

La santé numérique sera aussi un outil efficace, capable d’améliorer l’efficacité et la viabilité des systèmes de santé en élargissant le concept de cybersanté pour inclure les consommateurs numériques, avec un éventail plus large d’appareils intelligents et de matériels connectés. Elle englobe également d’autres utilisations des technologies numériques pour la santé, comme l’Internet des objets, l’intelligence artificielle, les mégadonnées et la robotique.

“Des technologies telles que l’internet des objets, les soins virtuels, le suivi à distance, l’intelligence artificielle, l’analyse des mégadonnées, les plateformes…, ont prouvé qu’elles permettaient d’améliorer les résultats sanitaires grâce à l’amélioration des diagnostics médicaux, des décisions de traitement fondées sur des données, des thérapies numériques, des essais cliniques, de l’autogestion des soins et des soins centrés sur la personne. Cela permettrait, également, la production de connaissances, d’aptitudes et de compétences davantage fondées sur des bases factuelles à l’intention des professionnels en vue de soutenir les soins de santé”, a affirmé M.Zahhar.

Pour une bonne gouvernance

En revenant sur le choix de cette thématique, M.Zahhar a précisé que le thème de cette édition a été plus que mobilisateur, car une bonne gouvernance de la santé oblige à réfléchir à la coordination d’acteurs et d’organisations pour assurer un accès équitable à des soins de qualité à une population définie et pour contribuer aux politiques intersectorielles de santé.

“Le concept de gouvernance oblige à repenser les équilibres entre centralisation et décentralisation. À cet égard, la gouvernance permet d’élaborer les stratégies à adopter, de définir les plans stratégiques, de formuler la politique à suivre, de choisir le type de management, et de définir le processus de décision. Il s’agit donc de mettre en place des actions destinées à faciliter les échanges constructifs entre les parties prenantes, tout en améliorant la performance au sens de chacune d’entre elles”, a-t-il indiqué.

Il a, dans ce même cadre, ajouté que les mesures visant à renforcer la gouvernance devraient comprendre le fait de définir des principes pour le partage des données, la qualité et l’exactitude des données de santé et la hiérarchisation des plans et des politiques d’investissement. Elles devraient également inclure des principes pour l’utilisation éthique des données de santé dans des technologies telles que l’intelligence artificielle et l’analyse des mégadonnées.

Changer les résultats en santé…

Selon les propos de M.Zahhar, la santé numérique peut changer considérablement les résultats en santé si elle est accompagnée d’un investissement suffisant dans la gouvernance, les capacités institutionnelles et en matière de personnel pour favoriser les changements dans les systèmes numériques et la formation à l’utilisation des données, la planification et la gestion qui sont nécessaires à mesure que les systèmes et les services de santé sont de plus en plus numérisés.

“Grâce à cet investissement essentiel dans les personnes et les processus, conformément aux stratégies nationales qui présentent une vision concernant la numérisation du secteur de la santé, la santé numérique peut améliorer l’efficacité et la rentabilité des soins, en permettant la mise en place de nouveaux modèles opérationnels dans la prestation des services. Et c’est justement ce que notre forum s’est assigné comme mission pour que la Tunisie s’inscrive dans le peloton de tête des pays les plus avancés dans le domaine médical et devenir, vu sa position géostratégique, un véritable hub maghrébin et africain de la santé numérique”, a-t-il précisé.

Un SIS qui n’assure sa fonction que partiellement

Pour sa part, Dr Ridha Kechrid, président du Comité scientifique, a indiqué qu’il va de soi que la réforme du système de santé, passe inéluctablement par la modernisation du Système d’Information sanitaire.

D’après le responsable, l’actuel Systèmes d’information de santé (SIS) n’assure sa fonction que partiellement en raison du cloisonnement entre les nombreux sous-systèmes qui composent le SIS et du déficit de communication entre eux et parfois en raison d’un déploiement insuffisant des nouvelles technologies.

“Aujourd’hui, et surtout depuis l’installation de la pandémie de la Covid-19, le numérique est entré dans la vie des professionnels de la santé ainsi que celle de nombreux citoyens…

Les conditions sont aussi réunies pour envisager l’accélération du virage numérique dans le domaine de la santé. Notre pays a tous les atouts pour réussir ce virage dans le domaine de la santé grâce notamment à la volonté politique, des compétences qualifiées dans tous les domaines touchant au numérique et les success stories de startups tunisiennes”, a-t-il affirmé

La télésanté sort, enfin, de son confinement

Sur un autre plan, Dr Kechrid a souligné que la pandémie de la Covid-19 a permis à la télésanté de sortir de son confinement et de démontrer toute son utilité avec le développement, des téléconsultations des téléexpertises et des applications de traçage à grande échelle.

“La plate-forme pour les RDV à distance des tests et la plate-forme EVAX pour les vaccinations ont été conçues en un temps record. Cependant, malgré l’intérêt suscité, et les programmes réalisés dans notre pays, la technologie numérique reste appelée à évoluer davantage, notamment dans le domaine de la gestion hospitalière où de nombreux programmes informatiques ont fait l’objet d’investissements dans les hôpitaux dans le cadre d’une modernisation du fonctionnement administratif et financier ainsi que celui de certains services hospitaliers (Biologie, Pharmacie, Radiologie). Cependant, ces actions ne permettent pas, pour le moment, l’obtention d’un tableau de bord en temps réel, permettant Ia prise de décision au moment opportun”, a expliqué le responsable.

L’interconnexion des différents logiciels, un enjeu majeur

D’après Dr Ridha Kechrid, l’objectif du système d’information Hospitalier étant de faciliter la gestion de l’ensemble des informations médicales et administratives d’un hôpital. C’est en fait un ensemble des éléments en interaction ayant pour objectif de rassembler, traiter et fournir les informations nécessaires à son activité.

“C’est pourquoi l’interconnexion des différents logiciels constitue un enjeu majeur. Ceci sans oublier que le numérique et l’intelligence artificielle vont permettre à moyen terme d’améliorer les systèmes de santé, tant au niveau individuel que collectif à l’heure où le numérique est doué d’une formidable capacité à moderniser les organisations et à les adapter au monde qui est le nôtre aujourd’hui…

L’émergence des nouvelles technologies a permis le développement de plusieurs startups de santé, de télésuivi, téléconsultation, téléexpertise, de la chirurgie robotique, l’odontologie assistée par ordinateur, la simulation pédagogique et le développement des médicaments du futur grâce à l’IA.

Ainsi, si le numérique est un levier d’amélioration, il est actuellement admis que son pouvoir de transformation peut être nettement amplifié grâce à l’apport de l’intelligence artificielle.

Et donc, il existe beaucoup d’enjeux autour de notre stock de données liées à la santé pour permettre leur utilisation optimale par l’IA. Il s’agit notamment de s’assurer de leur précision, de leur représentativité de la vie réelle, mais aussi de leur partage (ce qui nécessite un juste équilibre entre confidentialité des données et accès à ces données)”, a-t-il expliqué.

Une médecine déshumanisée ?

Dr Kechrid a aussi affirmé que nul doute que l’IA va s’implanter très progressivement dans le domaine de la santé, avec des conséquences sur la relation patient/médecin et l’émergence de nouveaux enjeux éthiques. A cet égard, parler numérique en santé, peut faire craindre une médecine déshumanisée où chaque patient serait laissé seul avec les nouvelles technologies.

“Face à ces craintes, on pense que le numérique en santé ne se substitue en aucun cas à la médecine humaine et au face-à-face avec un professionnel de santé. Au contraire, le numérique en santé permet de rapprocher les patients du système de santé. Il est impératif, donc, que tous les acteurs du système sanitaire soient rassemblés aujourd’hui pour que ces avancées technologiques permettent une amélioration de l’état de santé de la population, et de l’efficience du système de soins grâce à une santé numérique efficiente, sécurisée et inclusive où le patient est placé au centre du système”, a-t-il souligné.

 

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