Accueil Culture Rencontre avec «Si Fadhel le magnifique» : Ouverture du festival de Carthage avec Mahfel !

Rencontre avec «Si Fadhel le magnifique» : Ouverture du festival de Carthage avec Mahfel !

 

Il faut reconnaître que Fadhel Jaziri est aujourd’hui un véritable monument. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, que l’on trouve à redire à sa supposée mégalomanie, on ne peut que reconnaître le génie de ses créations qui font date dans l’histoire du spectacle. Tout ce qu’il touche est grandiose, démesuré, magnifiquement ancré dans un patrimoine qu’il assume et sublime avec un talent éblouissant.

Faut-il rappeler Ghassalet Ennouader qui introduisit un nouveau langage théâtral, Nouba, le premier opéra populaire qui constitua un réel électrochoc dans le paysage artistique et culturel, Noujoum qui changea notre regard et notre appréhension de la musique, et, bien sûr, ce qui restera le plus grand succès de Fadhel Jaziri, Hadhra, toujours renouvelée et jamais égalée.

Homme-orchestre, évoluant de la scène au cinéma, on lui doit Thalathoun, le film consacré à un pan de notre histoire souvent mal connu. Mais aussi n’hésitant pas à se mettre en retrait pour orchestrer le magnifique hommage en images rendu à Si Beji Caïd Essebsi.

Depuis quelque temps, Fadhel Jaziri était absent de la scène, ou du moins hors des projecteurs. On découvrit qu’il était à Jerba, et qu’il y avait réalisé un étonnant centre d’art et de culture, à l’architecture pharaonique, déployant de magnifiques espaces d’ateliers, d’expositions, et de représentations.

Une grande exposition y était consacrée au peintre iconique de Jerba, Mgedmini, accompagnée de la sortie d’un livre, aux dimensions hors normes elles aussi.   

Mais Fadhel Jaziri revient sur scène, et fera cette année l’ouverture du festival de Carthage avec un nouveau spectacle : Mahfal.

Un grand spectacle, bien sûr, une méga-fête, un opéra dont on sait déjà qu’il évoquera tout ce qui a rapport avec l’hymen et leilat eddakhla.       

«Le thème, c’est l’amour, bien sûr, la poésie. Il y a une poésie amoureuse, un amour galant que l’on retrouve de manière systémique tout autour de la Méditerranée. Ce qui est singulier, c’est la réécriture, la réédition de la geste amoureuse. Et ce qui est extraordinaire dans la poésie populaire, c’est son emprise réelle lorsque son objet est l’amour», explique Fadhel Jaziri.

Alors celui-ci a pris son bâton de pèlerin, et, accompagné de son équipe, a sillonné la Tunisie profonde à partir de Kairouan, Sfax, Jerba où il est installé, bien sûr, explorant les répertoires, découvrant des talents, enregistrant des voix.

«Il y a en amont un énorme travail de recherche. Notre méthodologie consiste à enquêter, écouter, puis enregistrer. Ensuite on réécrit, on adapte, on essaye de faire quelque chose d’«opératique» avec de la grandeur, de la hauteur, de la puissance, mais aussi de la délicatesse. Car c’est aussi une manière d’aborder le monde. Je demeure toujours dans ces formes d’appréhension de la musique populaire : comment réécrire quelque chose de passionnant et d’accessible à la fois.   

Avec ce point nouveau : la cité, aujourd’hui, accepte et promeut la ruralité. Il n’y a plus de frontières, plus d’ostracisme. Quand quelqu’un chante aroubi, le public des villes se lève pour danser.

C’est également cela qui est étrange dans la danse : l’expression libérée du corps. Même si elle est codée sur des générations, cela n’arrête pas de bouger à l’intérieur des codes».

Parties prenantes de ce vaste projet, la Cité de la culture, la maison de l’opéra de Tunis, la troupe nationale des arts populaires, et, Fadhel Jaziri l’espère, la télévision tunisienne.

« Je trouverais dommage que l’on fasse un travail qui ne soit pas, par ailleurs, adressé à tous ceux que cela peut intéresser et qui ne peuvent pas se déplacer, c’est-à-dire la plus grande majorité. Il est extrêmement important, pour moi, de travailler sur le vivant, mais aussi d’essayer de le conserver, de considérer que cela peut être un repère qui dit  la situation artistique : comment vit, à ce moment-là, le monde artistique : l’image, la musique, les techniques d’éclairage, le mouvement. Un état des lieux en quelque sorte.

Et probablement une ambition de marquer, de dire le monde où l’on vit».     

Alors que sera ce nouveau spectacle qui sera donné les 14 et 15 juillet prochains, à Carthage, avant de partir en tournée ? Où en est ce «work in progress» comme on dit aujourd’hui ?

«On ne revient jamais en arrière, on continue. Notre point de départ est  celui où l’on s’était arrêté. Nous essayons de toujours suivre le niveau de l’évolution, en ces temps de développement des communications interplanétaires. Des expériences fabuleuses peuvent se faire dans un petit village de Guinée, ou au fond du Canada, qui nous obligent à nous mettre à l’épreuve. Aujourd’hui, le centre et la périphérie se sont disloqués. Il faut toujours haleter pour essayer d’avancer, et, plus orgueilleusement, de devancer.

Alors nous essayons, avec ce spectacle, de faire une fête idéale. C’est toujours formidable d’être en rapport avec la beauté, l’émotion, de voir la fusion de l’extraordinaire énergie qu’apporte la jeunesse avec ceux qui sont dépositaires du patrimoine. Ce qui m’attire et me fascine, c’est que plus c’est archaïque, plus c’est contemporain et moderne. Nous avons consenti à un effort particulier dans la conception des costumes créés dans nos ateliers, et quelquefois prêtés par de généreux amis collectionneurs.

Et je conclus en émettant un souhait : que le projet soit davantage soutenu par la puissance publique». 

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