Retour annoncé à la case départ pour un parti et ses membres qui se sont accaparés du pouvoir après le 14 janvier 2011 et profité de la révolution en s’impliquant dans des enjeux géostratégiques au détriment des espoirs des jeunes.
En raison des profondes et multiples ramifications que risque d’avoir l’affaire du complot contre la sûreté de l’Etat, il est fort probable qu’elle persiste à attirer dans son sillage bon nombre d’accusés, notamment ceux qui se trouvent dans le giron du parti Ennahdha.
Les arrestations ordonnées dans le cadre de cette affaire à l’encontre du président de ce parti Rached Ghannouchi, ainsi que d’autres dirigeants, dont certains sont toujours en cavale à l’intérieur et à l’extérieur du pays tendent à conforter à cette thèse. Un retour surprenant à la case départ pour un parti et ses membres qui se sont accaparés du pouvoir après le 14 janvier 2011 et profité de la révolution en s’impliquant dans des enjeux géostratégiques au détriment des espoirs des jeunes.
Des ambitions démesurées et sans limites
Des cimes altières à la chute, Ennahdha, a été, ces années durant, victime de ses ambitions sans limites sur fond d’ingérence et d’instrumentalisation de la justice et de l’appareil sécuritaire, entrainant dans sa chute, celles de certains hauts cadres de l’État qui comparaissent aujourd’hui devant la justice.
Conséquemment, le président d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, les membres de sa famille, ses dirigeants se trouvent aujourd’hui poursuivis en justice.
Les accusations fusent de partout et c’est surtout Rached Ghanouchi et son noyau dur qui sont accusés d’être à l’origine d’une grande rupture au sein de ce parti avec la démission de plusieurs dirigeants dont plusieurs jeunes et la création par Abdellatif Mekki d’un nouveau parti.
C’est que Ghanouchi a mis en place un pouvoir personnel au sein du parti. Comme certains dirigeants Arabe, il a été atteint par le syndrome d’hubris.
Certains des dirigeants du parti Ennahdha ont pu anticiper la campagne judiciaire et ont préféré s’installer à l’étranger, rêvant toujours d’un « retour triomphal » comme ce fut le cas après le 14 janvier 2011. Parmi ces accusés en fuite, figure Rafik Abdesselem, l’ancien ministre des Affaires Étrangères au temps de la Troïka et gendre du président du parti Ennahdha qui a eu des démêlés avec la justice dans l’affaire « Sheraton Gate » en 2013 et qui a connu des rebondissements en février 2022 suite à la nouvelle plainte déposée par Olfa Riahi qui a accusé l’ancien ministre d’usage de faux.
Le fils de Rached Ghannouchi, Mouadh qui a passé une longue partie de sa vie dans l’exil à Londres et qui a terminé sons cursus universitaire dans ce pays, est lui aussi poursuivi avec d’autres personnes pour blanchiment d’argent. Un avis de recherche a été émis à son encontre par le Pôle judiciaire financier.
Ce cinquième enfant de Rached Ghannouchi fait aussi l’objet d’un mandat d’amener émis en décembre 2022 par le tribunal de première instance de Kasserine dans une autre affaire d’atteinte à la sûreté de l’État. Très discret en général, et préférant ne pas prendre part aux activités du parti de son père, Mouadh commence, semble-t-il, à se rendre compte de la gravité de la situation et a décidé de sortir de l’ombre en manifestant récemment devant le siège de l’ambassade de Tunis à Londres aux côté d’une dizaine de personnes en guise de soutien aux « prisonniers politiques » en Tunisie.
Que cache la maison de Tasnim Ghannouchi ?
Rien n’arrête aujourd’hui l’appareil judiciaire qui semble bien décider à élucider les affaires que les anciens gouvernements ont tenté d’étouffer aux prix de certaines alliances d’intérêts. Aussi bien dans l’affaire Instalingo, Namaa, l’appareil secret, les deux assassinats politiques de Chokri Belaid et Mohamed Brahmi, le complot contre la sûreté intérieure de l’État, des dirigeants du parti Ennahdha ont été auditionnés par la justice, entrainant ainsi des séries d’arrestations concernant des hommes du monde des affaires, des médias sans exclure bien évidemment de la politique.
Après le père (et le président du parti), le fils Mouadh, le gendre Rafik, c’est Tasnim, la fille de Rached, qui se trouve dans le collimateur de la justice.
« Son dossier vient d’être déféré au Pôle judiciaire anti-terroriste suite à la décision du ministère public auprès du Tribunal de première instance de l’Ariana », selon le porte-parole dudit tribunal. La décision survient suite à la découverte de documents dont elle n’a pas révélé la nature dans une maison qui lui appartiendrait à Riadh Al-Andlous, à l’Ariana qu’elle n’occupait pas. La fille de Ghannouchi fait l’objet d’un mandat de recherche émanant de l’Unité nationale de recherche dans les crimes terroristes, du crime organisé touchant à l’intégrité du territoire national. L’ordre de perquisition a été donné à la police judiciaire de l’Ariana en collaboration avec la police technique.
« L’opération de perquisition a été filmée sur ordre du parquet et a permis la saisie d’éléments affectant directement la sûreté de l’État », d’après la même source, ce qui explique le fait que le tribunal s’est dessaisi de l’affaire au profit du pôle judiciaire antiterroriste.
Pour sa part le dirigeant du parti Ennahdha Sahbi Atig a été arrêté, ce samedi 06 mai, après avoir été interdit de quitter le territoire vers la Turquie, au niveau de l’aéroport de Tunis Carthage. Sur ordre du Parquet auprès du Tribunal de première instance de l’Ariana, il a été placé en garde à vue.
Retour à la case départ
Le parti est affaibli par un pouvoir détenu par un seul maitre à bord qui cherchait beaucoup plus à plaire à ses maîtres qu’à asseoir les principes de la démocratie et de la bonne gouvernance, comme en témoigne le refus, à maintes reprises, de son président d’organiser le congrès de son parti et son acharnement à présenter sa candidature pour le parlement qui a été dissout, contrairement aux conseils des membres de son parti.
Ennahdha se trouve ainsi engluer dans la bourbe des financements occultes, blanchissements d’argents, atteinte à la sûreté intérieure de l’Etat. Des affaires lourdes de conséquence pour ce parti condamné semble-t-il à l’errance.
Rached Ghannouchi fêtera en juin prochain ses 82 ans sur fond d’un retour à la case départ, celle d’un opposant politique qui n’a pu profiter de la chance divine et de la perche qui lui a été tendue après janvier 2011.
Créé officiellement le 6 juin 1981 dans l’illégalité, le mouvement de la tendance islamique a changé de nom en février 1989 et a été légalisé dans la précipitation le 1er mars 2011.
Le parti n’a jamais réussi à faire sa mue, il ne cherchait qu’à séduire et courtiser certaines puissances étrangères d’une neutralité à géométrie variable en leur faisant miroiter les vertus de l’islam politique.