En Tunisie, l’emploi est au cœur du modèle de développement depuis des décennies. Toutefois, le problème du chômage élevé et persistant n’est pas encore résolu. En effet, le chômage en Tunisie, qualifié de structurel, touche 18.4% de la population active en 2021. Un léger repli du taux à 15,2 % a été enregistré. Au quatrième trimestre de l’année 2022, le nombre de chômeurs est estimé à 624,6 mille, contre 613,6 mille au troisième trimestre de la même année.
Malgré cette hausse du nombre des chômeurs, le taux de chômage diminue légèrement pour s’établir à 15,2% contre 15,3% au trimestre précédent, principalement en raison de l’augmentation du nombre d’actifs. Par sexe, le taux de chômage est en légère baisse au troisième trimestre, pour les hommes (12,9 % contre 13,2 %) et pour les femmes (20,1 % contre 20,4 %).
Le taux de chômage des diplômés de l’enseignement supérieur a diminué pour atteindre 24 % au quatrième trimestre 2022 contre 24,3 % au troisième trimestre de la même année. Ce taux est de 15,7% chez les hommes et de 30,8 % chez les femmes au quatrième trimestre 2022.
Au quatrième trimestre de 2022, la population active s’inscrit en hausse, s’établissant à 4124,2 mille individus contre 4011,7 mille au troisième trimestre, soit une augmentation de 112,5 mille individus. Cette population se répartit en 3499,6 mille occupés et 624,6 mille chômeurs.
Cette hausse de la population active au quatrième trimestre de l’année 2022 correspond à une augmentation de 1,2 point de pourcentage du taux d’activité qui atteint 46,5 % de la population en âge d’activité (âgée de plus de 15 ans) contre 45,3 % le trimestre précédent.
Déséquilibre quantitatif structurel
Selon une analyse élaborée par l’Itceq en 2022 sur «L’efficacité de la politique active du marché du travail», présenté par Wajdi Kthiri de la direction centrale des études sociales, «l’économie tunisienne est marquée à la fois par l’importance de l’économie informelle et de la précarité du travail. Face à cette situation, la Tunisie a mis en place la politique active du marché du travail».
M.Kthiri précise que la question relative à l’efficacité des programmes actifs du marché du travail reste au centre des préoccupations des responsables politiques en Tunisie pour deux raisons. D’un côté, «l’évaluation a pour objectif de confronter les résultats atteints aux objectifs assignés en matière de réduction du chômage et de création d’emplois. D’un autre côté, l’évaluation constitue un enjeu, en termes de choix des politiques du marché du travail et d’efficacité des dépenses publiques».
Le champ de l’évaluation des politiques publiques de l’emploi représente également un enjeu dans la confrontation de deux niveaux d’études d’impact. «Le premier niveau d’étude est microéconomique et consiste à estimer l’effet des mesures sur l’insertion des bénéficiaires. Le second niveau d’étude est macroéconomique et repose sur l’idée d’estimer l’effet des mesures sur l’économie en termes de création d’emplois et de résolution du problème de chômage. L’examen des travaux d’évaluation des politiques de l’emploi montre une prédominance des études microéconomiques sur celles macroéconomiques». En effet, analyser l’impact des mesures sur les bénéficiaires est jugée plus fiable que celle sur l’économie, puisqu’elle est basée sur des données individuelles permettant le suivi des trajectoires des bénéficiaires.
Par ailleurs, l’étude indique que l’examen de la situation du marché du travail montre des niveaux de chômage très élevés qui touchent essentiellement les jeunes, les femmes et les diplômés. Cette situation reflète une série de déséquilibres: un déséquilibre quantitatif entre l’offre et la demande de travail, notamment les emplois qualifiés. Egalement, un déséquilibre entre l’emploi des hommes et celui des femmes, et un déséquilibre structurel entre les qualifications disponibles et celles demandées par les entreprises. Par ailleurs, le marché du travail reste très fragile aux évènements conjoncturels, à l’instar de la crise sanitaire de la pandémie du Covid-19.
Inadéquation entre l’offre et la demande
D’après une note sur «L’étude du changement structurel, la productivité et la création d’emplois : le cas de la Tunisie», publiée en janvier 2023 par le Consortium pour la recherche économique en Afrique, depuis la révolution de 2011, le marché du travail tunisien a été en mesure d’embaucher moins de la moitié des 120 000 nouveaux entrants annuels dans la cohorte des Tunisiens en âge de travailler, ce qui a entraîné une augmentation quasi continue des effectifs de chômeurs.
Aujourd’hui, «plus de 22% de la population tunisienne est âgée de 15 à 29 ans, et 47% de la population totale a moins de 30 ans. Cette importante explosion de la jeunesse aurait pu être une bonne opportunité pour la Tunisie de bénéficier d’une offre de travail abondante suite à l’entrée des jeunes travailleurs sur le marché du travail. Cela signifie que la consommation et les recettes fiscales supplémentaires augmenteraient, entraînant un financement adéquat et stable des programmes sociaux et des investissements publics». Cependant, cette dynamique économique «n’a pas fonctionné et n’a pas donné les résultats escomptés, en termes de croissance économique et d’emploi. En fait, l’économie tunisienne reste une économie à faible revenu, à croissance lente, avec des ressources fiscales limitées, des taux de chômage élevés, des niveaux élevés d’informalité et une faible couverture des programmes de protection sociale, en particulier parmi les diplômés de l’enseignement supérieur».
Bien que la Tunisie ait développé son enseignement supérieur pour remonter la chaîne de valeur, «son économie n’a pas été en mesure de se développer au-delà des activités peu qualifiées et faiblement rémunérées. En conséquence, les nouveaux chômeurs ont été principalement des jeunes et des personnes bien éduquées, reflétant une inadéquation structurelle entre la demande du marché du travail pour les travailleurs non qualifiés et une offre croissante de main-d’œuvre qualifiée (Banque mondiale, 2010)». La population employée est principalement impliquée dans des activités à faible valeur ajoutée (comme le commerce, les transports et les télécommunications, la construction, le textile et l’habillement), nécessitant donc en priorité des profils d’éducation primaire et/ou secondaire.
A la lumière des nombreux défis à surmonter, le pays a besoin d’une combinaison de plusieurs outils pour assurer une croissance accrue de la productivité et de l’emploi. En particulier, l’identification des secteurs les plus productifs et rentables et des entreprises créatrices d’emplois durables devrait permettre de réorienter les investissements vers les secteurs productifs et ainsi améliorer la création d’emplois et réduire le chômage.
Selon la même source, l’identification des déterminants de la croissance de la productivité est cruciale, non seulement pour la création d’emplois, mais aussi pour le processus de développement à long terme.