Accueil A la une Nos cultures du blé face au climat : La bonne graine et l’ivraie

Nos cultures du blé face au climat : La bonne graine et l’ivraie

 

«Saragolla» et «Irid», riches en protéines, sont, entre autres, les semences les mieux recommandées pour leur excellente qualité de semoule et de gluten, mais aussi pour leur rendement très élevé.

En ces temps de pénurie de pain, et pas mal de fois de la farine, s’y ajoutant l’importation quai-systématique du blé dur, le spectre de crises alimentaires à répétition ne semble pas si loin de nos foyers. Sécheresse et changements climatiques ont paralysé l’équation de l’offre et de la demande en produits céréaliers et leurs dérivés. Surtout que la saison de moisson s’annonce, cette année, mi figue mi raisin.

La palme à Saragolla et Irid

Toutefois, notre politique agricole n’arrive pas à faire le bon choix. Pourtant, l‘on importe presque la moitié de ce qu’on consomme annuellement, soit plus de 10 millions de quintaux pour satisfaire nos besoins. Selon des statistiques, le pays réserve une superficie moyenne de 1,6 million d’hectares pour la culture des céréales, ce qui représente 36% des terres cultivées chaque année, et dont le blé dur détient généralement la moitié, à hauteur de 850.000 ha. Dans une récente déclaration sur les ondes d’une radio privée, la ministre du Commerce, Kalthoum Ben Rejeb, était, on ne peut plus, claire et directe : «Il y a eu des perturbations au niveau de la disponibilité du blé dur, ce qui a provoqué une pression sur la disponibilité de la farine…».

Et comme la question de la sécurité alimentaire demeure principalement tributaire de l’offre céréalière, il est grand temps d’y penser et repenser nos conduites culturales. Et les solutions existent ! Pourquoi a-t-on toujours recours à l’importation du blé dur, alors qu’il existe des variétés à haute valeur productive et beaucoup plus résistantes tant au stress hydrique qu’aux aléas du climat ? Passionné de la terre, fin connaisseur de l’épi et de la graine, Abdelmonoem Khélifi, gérant de la Stima, société spécialisée des intrants et de matériel agricole, était, alors, pionnier au sujet de l’amélioration variétale. «Le but étant l’introduction de nouvelles variétés de blé tendre et dur qui ont montré des comportements meilleurs que celles locales, surtout dans les conditions de cultures tunisiennes», révèle-t-il. En effet, «Saragolla» et «Irid», riches en protéines, sont, entre autres, les mieux recommandées pour leur excellente qualité de semoule et de gluten, mais aussi pour leur rendement très élevé.

Fruit des trois P

Leurs caractéristiques ont déjà été prouvées. Et les deux campagnes 2007-2009 ont fait, d’ailleurs, l’objet d’essais à petite échelle, en vertu d’un contrat signé entre Stima et PSB Italie pour le développement de certaines variétés de blé en Tunisie. Parlons-en ainsi, «Saragolla» et «Irid» ont été retenues pour être semées dans sept gouvernorats céréaliers, à savoir La Manouba, Bizerte, Béja, Jendouba, Le Kef, Siliana et Zaghouan. Les résultats étaient, alors, concluants : la récolte était, à l’époque, assez bonne, frôlant 70 quintaux par hectare. L’opération fut ainsi menée avec succès, sous le contrôle du ministère de l’Agriculture et des différents groupements agricoles relevant de l’Utap. Avec le concours, assurément, de l’Inrat, l’Inat, l’Ingc qui sont des références nationales dans la recherche agricole. Rendement vérifié, ce qui a abouti, enfin, à l’inscription, à la date de 2 mars 2010, de ces deux variétés précitées au registre officiel de semences et catégories végétales au nom de la Stima dont le gérant est M. Khélifi. L’homme, natif du Nord-Ouest, région agro-céréalière par excellence, s’est engagé, depuis, dans ce champ d’activité, fruit d’un partenariat public-privé.

Témoins de qualité et de fertilité

Entre-temps, le débat sur les semences n’en finit pas. Sans pour autant trancher sur la solution. Alors que l’expérience pilote, citée en exemple, continue de faire preuve de rentabilité et de meilleure qualité : «Cette année, «Saragolla» et «Irid» ont été semées sur 70 hectares dans trois zones céréalières à Sidi Ismail (Béja) et à Sejnane et Mateur (Bizerte)», indique-t-il, soulignant que la comparaison faite avec nos variétés locales en a été témoin. Raison pour laquelle, il a proposé le développement de cette expérience et sa généralisation : «Il serait bon d’utiliser ces deux variétés, à raison de 180.000 quintaux de semences avec un coût de 15 millions d’euro, dans la culture de 100.000 ha du blé dur, soit 10% de l’ensemble de la superficie». Et de revenir à dire que cette pratique est de nature à nous épargner des dépenses de 600 millions de dinars, en termes de semences et d’importation du blé de consommation dont le coût s’élève à environ 180 millions d’euros. Une solution censée, à l’en croire, rabaisser le taux du déficit commercial et faire gagner l’économie nationale en devises. Somme toute, l’on doit miser sur la qualité, parce qu’il y a graine et graine. Ce qui revient à séparer le bon grain de l’ivraie !

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