Accueil A la une Harcèlement et agressions sexuels sur les élèves : Comment briser la culture du silence ?

Harcèlement et agressions sexuels sur les élèves : Comment briser la culture du silence ?

Plus grave et plus choquant que l’acte d’agression sexuelle à l’encontre d’un enfant, c’est la tergiversation observée chez certains parents au moment où il est question de porter plainte et d’aller jusqu’au bout de la procédure de poursuite judiciaire, notamment quand l’accusé est un enseignant qui est censé prendre soin de ses élèves et les protéger de toute agression.

L’affaire révélée par le Procureur de la République près le tribunal de première instance de Sfax-1, Faouzi Masmoudi ne fait que confirmer les craintes de certains parents et alimenter les doutes quant aux dérives comportementales allant jusqu’à l’agression sexuelle dans les classes. Des agressions susceptibles de constituer des traumatismes pouvant impacter certains processus développementaux chez les enfants agressés. Le problème est que les agressions se multiplient et même les sanctions et les lois privatives de liberté ne semblent pas être en mesure de protéger nos enfants. Parfois de la personne la plus proche, à savoir l’enseignant !

Non à l’impunité

Selon la déclaration du Procureur Faouzi Masmoudi, ce lundi 13 juin, rapportée par l’Agence TAP « Neuf enquêtes judiciaires ont été ouvertes contre un enseignant soupçonné d’actes d’agressions sexuels sur un groupe d’élèves dans les classes primaires ». Suite à l’ouverture de ces enquêtes, 16 enfants ont été auditionnés depuis le mois de mars dernier. Le parquet a ordonné l’ouverture d’enquêtes concernant les plaintes de 9 d’entre eux, tandis que 7 autres affaires ont été classées, en raison de l’absence de suspicion d’abus et de harcèlement sexuels.
Il est vrai qu’apporter les preuves des agressions sexuelles que subissent les enfants en bas âge reste une tache très difficile pour les enquêteurs d’autant plus que certains parents refusent catégoriquement que leurs enfants soient mêlés à ce genre d’affaire et vont jusqu’à nié certains faits, croyant niaisement « protéger » leur progéniture des incidences fâcheuses en cas de poursuite judiciaire contre l’agressé. Une conduite blâmable à plus d’un titre puisque les parents incitent ainsi l’enseignant pédophile à la récidive et condamnent l’enfant agressé au mutisme sauf que l’acte de l’agression ne sera jamais enterré et le cauchemar accompagnera l’enfant toute sa vie durant, notamment en l’absence d’une assistance psychologique en temps opportun.
C’est dans ce contexte que l’Association Innocence (Baraa’a) pour la protection de l’enfance en danger a publié un communiqué le 8 juin dernier pour informer l’opinion publique de cette grave affaire tout en exprimant son étonnement face à la réticence de la plupart des parents des enfants concernés à poursuivre l’enseignant inculpé en justice et rappelle que la protection contre tous les agressions et les abus sexuels est une priorité, et qu’il est inacceptable de dissimuler le dossier en échange des résultats scolaires.
L’Ong en question a appelé les parents à poursuivre l’agresseur pour garantir le droit et l’intérêt supérieur de l’enfant, tout en rappelant que l’agression sexuelle est un crime qui ne peut en aucun cas être toléré ou troqué. Elle insiste su la nécessité de respecter toutes les mesures et garanties stipulées dans la loi n° 58 relative à l’élimination de toutes les formes de violence à l’encontre l’enfant.

Une affaire en cache une autre !

Le ministère de la Famille, de la Femme, de l’Enfance et des Séniors a réagi par le biais d’un communiqué pour clarifier bien les choses et expliquer qu’il y a deux affaires en cours. Celle dont parlent les medias actuellement a eu lieu dans une autre école. Elle est survenue le 17 mars et elle est en examen par le tribunal de première instance de Sfax-1. Les deux ministères (La Famille et l’Education) ont engagé immédiatement les poursuites judiciaires nécessaires et mis en place les mécanismes de prévention.
Détaillant la seconde affaire, le ministère explique qu’il s’agit à l’origine d’une notification émanant des parents de deux élèves de sexe féminin, relative à la suspicion de harcèlement sexuel d’un certain nombre d’élèves par un cadre éducatif d’une école primaire de Sfax (encore !), et en coordination avec le ministère de l’Éducation, le ministère public a été informé de cette affaire pour prendre les mesures judiciaires nécessaires.
À titre préventive, le ministre de l’Education a décidé de suspendre l’enseignant de ses fonctions depuis le 9 juin 2023 et de saisir le conseil de discipline de son cas, conformément à la réglementation en vigueur, jusqu’à ce qu’une décision judiciaire soit rendue sur les faits qui lui sont reprochés.
Le représentant du Bureau de la Délégation à la protection de l’enfance de Sfax et la psychologue relevant de cette délégation ont eu des entretiens avec les élèves concernés et un rapport a été envoyé aux autorités judiciaires suite à ces auditions depuis le 5 juin 2023.
« Dans le cadre de la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant et du suivi psychologique et des soins nécessaires aux élèves, une cellule de suivi a été mise en place, tout en organisant des séances de sensibilisation pour prévenir le harcèlement sexuel et le comportement à risque », ajoute la même source dans son communiqué.
Au demeurant, ce qui est encore important, c’est que les deux ministères affirment leur attachement à l’application stricte de la loi afin de protéger l’intérêt supérieur de l’enfant et de ne pas faire preuve de complaisance face à toutes les formes de menaces pouvant affecter les enfants et menacer leur sécurité physique ou psychologique.
La fermeté et l’application de la loi face à ces dérives, c’est bien, mais il est temps de plancher sur cette question et sur ses causes profondes pour y faire face, notamment dans certaines régions du pays où il est primordial d’accroitre les campagnes de sensibilisation ciblant les enfants. Pour rappel, en mars 2019, une vingtaine d’enfants ont fait l’objet d’agression sexuelle par un enseignant à Sfax en dehors de l’établissement scolaire. S’agit-il vraiment de cas isolés comme aiment à colporter certains responsables pour camoufler leur échec en la matière ?

 

 

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