Premier venu, premier servi est devenu la règle. Car trouver du pain tout le long de la journée est un vrai challenge et chacun tient, à tout prix, à en avoir chez soi. Au point de susciter tiraillements et tensions à proximité des fournils…
Le pain et surtout la baguette est un aliment de base dans la nourriture quotidienne des Tunisiens, toutes classes confondues. Les boulangeries pullulent dans tout le pays, les unes anarchiques, hors circuit et les autres plus réglementées et opèrent différemment. C’est que l’année 2023 a battu le record de files d’attente, malgré la continuité de l’activité des boulangers, avec un moindre recours aux grèves. La montagne de difficultés à laquelle fait face ce secteur atteint son comble. Ces derniers jours, des images affolantes de files d’attentes indescriptibles, où il faut plus d’une heure pour avoir quelques baguettes, suscitent l’indignation. Les espaces appelés points chauds qui sortent du cadre légal de la boulangerie n’ont même plus de pain en ce dimanche d’après Aïd el Kébir. Quand bien même la baguette est vendue plus cher, à 250 voire à 400 millimes, sans parler des 330 millimes auprès des supermarchés sous la mention «pain blanc». La course à l’or blanc, ce pain produit à partir de farine de blé, est un défi quotidien.
Sans modération
Les boulangers et les pâtissiers font moins recette, parce que le pouvoir d’achat du Tunisien a fondu comme neige au soleil. Ce Tunisien qui est toujours en quête du bon pain, sous un soleil de plomb devant chaque boulangerie. Le retour au rationnement d’une quantité limitée à 5 voire 10 baguettes semble de mise. Parce que de nombreux Tunisiens en consomment sans modération, tant il est vrai qu’ils congèlent du pain pour s’épargner la peine de faire la queue chaque jour. Impossible à faire pour beaucoup de personnes à midi pétante. Passée cette heure, point de baguette à l’horizon. Malgré tout, le pain est de nouveau fourni régulièrement dans les boulangeries après les désagréments de l’après-Aïd.
Ainsi, aux dernières nouvelles, d’après le président de la Chambre nationale des boulangeries classées, Mohamed Bouanane, le manque de pain, survenu pendant ces derniers jours, est essentiellement dû à la frénésie d’achat durant la fête de l’Aïd. Dans une déclaration radiophonique, il a précisé que l’approvisionnement des boulangeries a repris son rythme normal en ce début de semaine. Une chose rassurante pour les consommateurs de pain et surtout les adeptes du système D, une débrouille pour substituer le manque de baguettes subventionnées dans les fournils par d’autres sortes et variétés de pains.
Système D
Alors, on se débrouille dans la plupart des situations pour trouver un substitut à la baguette. Souvent dans ces circonstances, la tabouna, chère à de nombreux ménages tunisiens, vole la vedette à la baguette. Quoiqu’il se vende à 500 millimes l’unité, ce pain rond traditionnel vaut plus de 2 baguettes. Mais quand on n’a pas le choix… Beaucoup de Tunisiens achètent du pain préparé avec de la semoule, au double du prix de la baguette classique pour gagner du temps et éviter d’attendre en file indienne. Le pain «mbesses» dit “torki”, en allusion à sa préparation artisanale ottomane, attire les gourmands. De toute évidence, faute de temps, on emporte ce que l’on trouve pour son déjeuner et son dîner quotidiens. Même s’il est devenu de plus en plus pénible avec les pénuries en tout genre dont principalement celle du sucre.
Ils ont les yeux plus gros que le ventre !
Tout juste après le congé de l’Aïd el Idha, la plupart des boulangeries ont donné libre cours à de longues files d’attente. Un spectacle désolant qui a provoqué bousculades et querelles, si bien que personne ne peut se résoudre à l’idée de rentrer sans baguette. Alors que les boulangers assurent que le pain est disponible en quantité nécessaire et suffisante, mais certains citoyens ont les yeux plus gros que le ventre. Toujours, ils créent le manque, en achetant plus qu’ils n’en ont réellement besoin. Certains clients accusent les boulangers de spéculation, voire de fraude sur le poids et la taille de la baguette, sans se demander si ce n’est pas d’abord une boulangerie anarchique dans laquelle ils s’approvisionnent. Le boycott est plus raisonnable, mais le Tunisien n’est pas adepte de cette méthode revendiquée moult fois par les organisations de défense des consommateurs.