Parmi les secteurs touchés par les saisies, on citera 16 entreprises médiatiques ou ayant des liens avec les médias. Or, ces sociétés représentent un véritable casse-tête pour les autorités officielles, au vu de leur caractère sensible et la complexité de leur situation matérielle et financière.
Une des conséquences logiques et majeures de la révolution de 2010/2011: l’annonce du décret-loi n° 2011-13 du 14 mars 2011, qui stipule la confiscation «au profit de l’Etat tunisien… de tous les biens meubles et immeubles et droits acquis après le 7 novembre 1987» de Ben Ali et de ses proches. 148 voitures, 480 biens immobiliers, 544 sociétés, 65.000 biens transportables, 169.224.246 titres et 123.823.854 dinars ont été saisis et énumérés au lendemain de ladite révolution.
C’est dire le patrimoine volumineux à gérer par l’Etat. Mais il ne s’agissait pas, uniquement, de le gérer, mais également et surtout de le maintenir en bon état et, pourquoi pas, le fructifier afin qu’il contribue à la dynamique économique nationale.
Au départ, et par décret-loi n° 2011-68 du 14 juillet 2011, une commission nationale de gestion, composée des représentants du ministère des Finances, du ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières, du ministère de la Justice et de la présidence du gouvernement, a été créée pour en assurer la gestion.
Les responsabilités de cette commission se limitaient, essentiellement, au maintien du bon déroulement des activités des sociétés en question, la vente des biens confisqués et la désignation des représentants de l’Etat au sein des sociétés dont soixante-quatre se trouvaient sous les ordres d’Al Karama Holding, ancienne «Princesse Holding».
Et parmi les secteurs touchés par les saisies, on citera 16 entreprises médiatiques ou ayant des liens avec les médias, en l’occurrence les sociétés propriétaires de Zitouna FM (100%), Dar Assabah (79,62%), Shems FM (70%), Mosaïque FM (13,27%) et Hannibal TV (10%). Sans oublier Cactus Prod. Une société de production audiovisuelle détenue à hauteur de 51% par l’Etat et à 49% par Sami Fehri et qui exerce en étroite collaboration avec la chaîne Al Hiwar Ettounsi.
Or, ces sociétés médiatiques représentent un véritable casse-tête pour les autorités officielles, au vu de leur caractère sensible et la complexité de leur situation matérielle et financière.
En effet, si l’Etat est parvenu à vendre sept sociétés sur les 544 où il est majoritaire (il est minoritaire dans 153 d’entre elles), il s’est trouvé dans l’incapacité de réagir face à 136 autres qui ont carrément mis fin à leurs activités et mis la clé sous le paillasson.
Par les temps qui courent, l’Etat n’a réglé le sort d’aucune des sociétés responsables des médias confisqués, et ce, malgré les nombreuses tentatives, pour sauver les entreprises et se sortir de ces embûches juridiques et sociales.
Malgré le guide des procédures, le blocage persiste
C’est dans ce cadre que des cahiers des charges devaient être élaborés, en vue d’encadrer la cession de Dar Assabah et de Shems FM, seuls médias dans lesquels l’Etat est majoritaire. Et ce, pour conférer le maximum de chances de réussite de ce processus qui n’a pu être mené à terme suite à la revendication du Syndicat national des journalistes tunisiens de prendre part à l’élaboration dudit cahier des charges
En outre, un effort a été déployé dans ce sens avec la mise à jour d’un guide des procédures de cession des biens et participations confisqués publié par le ministère des Finances et qui comprend les modalités de vente des sociétés concernées sans être spécifique aux médias.
Cela a fait naître des objections, notamment de la part des syndicats, car, selon eux, il ne stipule pas de mesures relatives au risque de concentration de plus d’un média entre les mains d’une seule partie.
Une autre tentative de vente a eu lieu avec la signature, le 21 juin 2021, d’un acte de cession des participations publiques, détenues dans le capital de la Société Tunisia Broadcasting, Radio Shems FM entre le Groupe Maxula et la Société Al Karama Holding qui gère les biens confisqués.
Risque d’arrêt de diffusion et de distribution
Or, même pas un an après cette signature, le Groupe Maxula s’est désisté, décidant de ne pas renouveler sa caution bancaire relative à l’acte de cession. Maxula Capital avait indiqué qu’après avoir attendu plusieurs mois, la levée des conditions suspensives pour passer à la deuxième étape, soit la réalisation de toutes les conditions qui découlent du contrat de cession pour aboutir au transfert de propriété et devenir définitivement propriétaire de Shems FM, l’engagement pour lesdites suspensions n’a pas été tenu.
Ces développements en dents de scie n’ont fait que compliquer davantage la situation administrative et financière de radio Shems FM, ainsi que du quotidien arabophone de Dar Assabah où les journalistes et autres employés se trouvent dans des situations sociales difficiles, à cause des retards, voire des suspensions de salaires, sans oublier les risques réels de l’arrêt de la diffusion et de la distribution.
Il faut dire que le processus de vente, donc de reprise en main desdits médias par une tierce partie, n’est pas chose aisée, surtout au vu de la situation au sein de ces deux sociétés.
Cela remet en question le principe même de gestion initiale des biens confisqués avec une période rallongée de gestion par un administrateur judiciaire, pas toujours bien choisi, faut-il le dire, pour assurer la complexe mission, d’où les déficits accumulés par ces entreprises à un point tel qu’elles sont devenues difficilement gérables, parce que très endettées.
Ainsi, les observateurs estiment qu’il est nécessaire de procéder, d’abord, à une opération d’assainissement dont la nature doit être précisée, et à trouver des portes de sortie, sans porter atteinte aux droits sociaux et matériels des employés de ces sociétés.
Un échéancier devrait être établi, afin de mener à bien cette action avant de passer à l’étape suivante de cession-vente et d’entamer une nouvelle phase permettant à ces médias de repartir du bon pied. La volonté politique y est et elle a été exprimée avec force par le Chef de l’Etat en personne, notamment lors de sa visite dans les locaux de Dar Assabah. A quand la réelle volonté de concrétisation ?!…