Accueil Economie Le «Airbnb»: Attention aux promesses de gain trop alléchantes

Le «Airbnb»: Attention aux promesses de gain trop alléchantes

Le «Airbnb» est une plateforme dédiée à la location d’hébergements qui fait le buzz actuellement en Tunisie. Avec la crise économique, les vacanciers cherchent de belles destinations comme la nôtre, mais à des coûts réduits. Les Tunisiens, comme tous les propriétaires de maisons de par le monde, guettent  les opportunités propices pour se faire des gains.  Ainsi, le «Airbnb» est devenu si populaire qu’il est maintenant la bête noire de l’hôtellerie. Au niveau mondial, les effets de l’intervention du «Airbnb» sur l’industrie hôtelière sont observables à divers niveaux, mais l’une des revendications les plus récurrentes est celle d’une concurrence déloyale.


«Air bed and breakfast», c’est la signification exacte du «Airbnb». Cette formule d’ébergement émane d’une idée toute simple qu’avaient eue, à l’époque, les fondateurs du concept. 

C’était fin 2007 à San Francisco. Les fondateurs du Airbnb, Brian Chesky et Joe Gebbia, viennent de quitter New York. Ils ont acheté quelques matelas gonflables et ont rapidement mis en place un site appelé «Air Bed and Breakfast». L’idée était d’offrir aux visiteurs un endroit où dormir et prendre le petit-déjeuner le matin. Ils facturaient leur prestation par nuit.

Sans emploi, ils avaient de la difficulté à payer leur loyer et cherchaient un moyen de gagner un peu plus d’argent.

Avec perspicacité, les co-fondateurs de ce qui sera plus tard «Airbnb» ont remarqué à une certaine date que toutes les chambres d’hôtel de la ville étaient réservées, car une conférence locale sur le design industriel avait attiré beaucoup de visiteurs. Les deux acolytes, eux, y ont vu une opportunité. «Le besoin d’amortir le logement ne pouvait pas attendre », avait déclaré à l’époque l’un d’eux.

Pendant de longs mois, les personnes qui étaient à l’origine de cette formule et différents investisseurs firent grossir le projet, et depuis, «Airbnb» est devenu une véritable «success story», d’un modèle online-to-offline qui demanda de convaincre des centaines d’hébergeurs pour pouvoir faire naître l’habitude et l’acceptation de dormir chez autrui.

Après une année 2020 traversée difficilement par la société à la suite de la crise sanitaire, le modèle semble bien se porter. Le capital de la startup est entré en bourse, sur le «Nasdaq», marqué par une initial Public Offering (IPO) spectaculaire.

Les origines de l’idée

Le «Airbnb» est une plateforme en ligne de réservation de logement permettant de réserver sur internet un logement en entier ou une chambre, une ou plusieurs nuits chez l’habitant ou en hébergement touristique. Elle peut être rangée aux côtés des entreprises du numérique et depuis sa fondation en 2008, son capital s’élève à 90 milliards de dollars en 2021. Elle est un exemple d’une start-up californienne devenue une multinationale et fait désormais partie des fameuses «licornes» (une licorne est une entreprise qui a moins de dix ans et dont la valeur a dépassé la barre symbolique du milliard de dollars).

En raison de son ampleur, du nombre d’inscrits et des sommes en jeu, l’entreprise californienne est devenue une actrice géographique mondiale de première importance. Dans le domaine touristique en tout premier lieu : en augmentant l’offre dans un premier temps, elle a démultiplié les capacités de chacun à voyager, à se loger hors de chez soi, y compris avec un budget limité. «Airbnb» a fondé sa communication sur l’idée que plus aucun lieu de l’écoumène ne serait hors de portée.

Une évasion fiscale massive

En fait, l’augmentation de l’offre permise par «Airbnb» se fait surtout dans des territoires déjà touristiques. D’un regard critique, certains pourraient voir une situation de quasi-monopole, un service hôtelier déguisé sans contrepartie— donc une évasion fiscale massive—, et finalement un étouffement de l’offre touristique locale.

Sur certains espaces très liés au secteur touristique, l’entreprise a des effets locaux puissants qui dépassent largement ce secteur économique.

Le géographe Victor Piganiol, qui lui a consacré sa thèse en 2021, parle même d’un « briseur de villes ». En effet, la manne financière d’une location «Airbnb», avec une contrainte faible pour le loueur, a déréglé l’équilibre de quartiers, voire de villes entières, en faisant sortir du marché locatif traditionnel une part importante du parc de logements.

Selon le géographe, «la disparition des habitants, remplacés par des voyageurs de passage, peut détruire les liens sociaux nécessaires aux habitants des quartiers populaires mis en tourisme, en particulier pour les personnes âgées. Parmi toutes les nuisances propres à l’économie de plateformes numériques, la déresponsabilisation des acteurs est un trait saillant : en cas de conflit lié à la présence de la multinationale sur un territoire, les acteurs locaux n’ont aucun interlocuteur vers qui adresser leurs plaintes».

A travers le monde, des tentatives se sont fait jour pour réintroduire des formes de régulation dans l’activité de la firme californienne. Certaines municipalités ont obligé l’entreprise à référencer ses annonces et à reverser une taxe de séjour comme c’est le cas dans le secteur hôtelier, et des Etats ont cherché à taxer les activités de l’entreprise sur leur territoire, comme pour n’importe quelle autre activité économique.

Du fait de sa taille et du nombre d’annonces en circulation, les contrôles restent très difficiles à mettre en œuvre. De son côté, l’entreprise, qui cultive pourtant une image de « capitalisme cool», entretient un très grand secret autour de son fonctionnement et se plie de mauvaise grâce aux tentatives de régulation. Elle a licencié un cinquième de son effectif en 2021, en raison des effets de la pandémie du Covid-19 sur l’économie touristique.

Une concurrence déloyale

Au départ, rien ne prédestinait Brian Chesky, Joe Gebbia et Nathan Blecharczyk à fonder «Airbnb», sauf le manque d’argent dans l’une des villes ayant le plus haut niveau de vie au monde. «C’est le coût de la vie à San Francisco qui a en quelque sorte été l’élément déclencheur et qui fait que l’histoire de l’entreprise se reflète aujourd’hui en partie dans son nom. Personne n’ignore le fait qu’il est de plus en plus difficile de se loger en Californie, en particulier dans la baie de San Francisco, là où se trouve la Silicon Valley. Et cela, même pour du personnel parfois très bien payé», assurent les fondateurs de la startup.

C’est que ce ne sont pas les façons de se reposer qui manquent, hôtels, villages de vacances, camping, road trip, chambres d’hôtes, maisons de campagne…  mais le manque de moyens. L’idée du «Airbnb» est de mettre en contact des vacanciers avec des particuliers désirant louer leur logement, moyennant des sommes d’argent pas très contraignantes pour les vacanciers. Le site est d’ailleurs devenu si populaire qu’il est maintenant la bête noire de l’hôtellerie.

Les effets de l’intervention du «Airbnb» sur l’industrie hôtelière sont observables à divers niveaux, mais l’une des revendications les plus récurrentes de l’industrie est celle d’une concurrence déloyale.

Le phénomène qui prend de l’ampleur en Tunisie commence à inquiéter les professionnels. En se basant sur les données chiffrées relatives au marché français, l’une d’elles nous explique que «jusqu’en juillet 2018, les hébergeurs en France ne payaient pas de TVA. Étant donné que l’hébergement constitue une partie importante des dépenses lors d’un séjour, le ratio qualité/prix appliqué par «Airbnb» a imposé une baisse des tarifs des services hôteliers afin de garantir la demande».

Selon lui, le manque à gagner provoqué au niveau des hôtels en France serait estimé à près de 10%. Les enquêtes menées, en 2018, par certains chercheurs, montrent que les effets concurrentiels sont plus accentués au niveau des hôtels non classés. «Airbnb» est, en effet, plus accentuée sur les voyages touristiques alors que les hôtels peuvent tabler à la fois sur le tourisme et les voyages d’affaires.

D’ordre général, «Airbnb» a introduit une nouvelle approche de l’hébergement touristique en associant le marché «peer-to-peer» et l’univers du tourisme. Cette initiative qui est aujourd’hui émulée par plusieurs autres plateformes ne saurait être réduite à l’hôtellerie classique, vu qu’elle intègre les contraintes du consommateur et les avancées technologiques.

Même si ce genre de services connaît un grand intérêt depuis quelques années dans le monde et même en Tunisie, la législation qui régit le partage locatif n’est pas la même dans tous les pays. La location sur la plateforme «Airbnb» peut entraîner l’exploitation des équipements ou d’autres mobiliers non stipulés dans le contrat initial. Il n’est pas également exclu que le locataire se livre encore à une sous-location de l’appartement. En outre, ces usages qui découlent de contrats entre particuliers peuvent aboutir à des situations conflictuelles.

De toute façon, pour le cas tunisien, les clients, aimant séjourner dans les hôtels, ne sont pas prêts à faire l’impasse sur la qualité du service qui n’est pas la même dans une location d’appartement. Ainsi, pour le moment, hôtel-Airbnb, le match n’est pas aussi serré qu’on le pense !

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