Quand un humoriste se permet de proférer des obscénités sur la scène pour faire rire le public, cela peut être accepté ailleurs selon une perception évolutive de ce qu’est la liberté d’expression dans les arts. Et même ailleurs et dans des pays connus pour être libres, la vulgarité est mal perçue, rejetée car c’est un moyen bas et populiste pour provoquer les rires du public. Le mal est déjà fait sur la fameuse scène de Carthage ; et franchement, on est un peu étonné de cette vague soudaine d’indignation. Est-ce qu’il a fallu en arriver là pour condamner, sachant que depuis des années, ce recours louche et pathétique à la vulgarité est monnaie courante à la télé, à la radio et aussi dans ces innombrables pièces dites de comédie populaire qui ont envahi les festivals ? Pourquoi fallait-il attendre tout ce temps-là pour dénoncer ? Rien que ces fictions de bas étage que l’on voit sur nos télévisions qui sacralisent les bandits et les mafieux et qui imposent doucement un langage obscène, des images et des insinuations écœurantes qui n’ont rien à voir avec le bon goût artistique. Ces faux comédiens que l’on a mis sur le piédestal de la gloire et que les médias ont rendue stars ont fait quasiment la même chose dans leurs productions. Il faut juste écouter ce qu’ils disent au nom de la liberté artistique. Le phénomène est beaucoup plus général, il touche à la conduite collective d’une société en perdition et qui n’a plus de valeurs éthiques de référence. Ce qui se dit et s’écrit sur les réseaux sociaux est l’illustration parfaite de ce qu’on avance. Dans la rue, dans les lieux publics, la barrière infranchissable naguère de la moralité et du bon sens a été pulvérisée, et les choses tendent à rentrer dans la normalité toujours au nom de la liberté d’expression.
Il faudra toujours rappeler qu’il y a une limite à tout, y compris à la liberté d’expression. La société, à travers ses repères classiques tels que la famille, l’éducation, l’école, les associations, a un rôle très sensible pour contrer cette invraisemblable vague de dépréciation du langage et ce recours systématique aux obscénités comme moyen d’expression qui tend à être formel. Ce que cet humoriste a commis sur la scène de Carthage n’est qu’une goutte dans un océan par rapport à ce qu’on subit quotidiennement.