La restructuration des entreprises publiques en difficulté est l’un des chantiers qui doit être traité incessamment afin de les remettre sur rail. C’est une urgence et une nécessité du moment que ces entités ne peuvent survivre et continuer dans leurs activités économiques sans une véritable bouée de sauvetage, et surtout sans trop compter sur les éternelles aides et supports de l’Etat. Actuellement, il y a des entreprises financièrement déstructurées. Elles n’ont ni l’équilibre d’exploitation ni l’équilibre de long terme. Il y a urgence d’agir d’une manière profonde.
La plupart des entreprises économiques publiques sont, depuis des années, en mauvaise posture, cloîtrées dans un cercle vicieux de déficits structurels et de besoins de restructuration financière. Elles sont appelées désormais à concevoir leurs plans de restructuration et d’investissement, seule solution pour leur sauvetage. Car, la plupart d’entre elles traversent toujours des situations très difficiles, accumulant des résultats déficitaires d’année en année, avec à leur passif des dettes fiscales et parafiscales et des découverts bancaires. Aujourd’hui, un bon nombre d’entreprises publiques économiques, sont en situation de risque de cessation de paiement. C’est dans ce contexte délicat que l’exécutif est intervenu pour trouver les solutions idoines pour assurer leur pérennité et sauvegarder les emplois existants, en premier lieu, réaliser des diagnostics stratégiques, identifier les forces et les faiblesses de ces entreprises pour fixer les orientations stratégiques adaptées, au cas par cas.
Les raisons de la dégradation de la situation des entreprises économiques publiques sont dues à des facteurs internes propres à chaque entreprise et des facteurs externes communs à toutes les entreprises. En interne, il s’agit plus particulièrement de l’existence de défaillances au niveau de leur système de gouvernance, de gestion, de transparence… En externe, c’est le contexte international difficile qui prédomine. La guerre en Ukraine et la hausse des prix mondiaux des produits de base et des produits manufacturés et la sécheresse qui se poursuit pour la quatrième année consécutive, ajoutés au ralentissement de l’économie mondiale, ont exacerbé les vulnérabilités de l’économie tunisienne et, par conséquent, l’entreprise publique, qui est déjà affaiblie par trois années de Covid19. Les réalisations du premier trimestre 2023, même si elles montrent quelques signes d’amélioration, ne doivent pas occulter les nombreuses fragilités qui concernent notamment la poursuite de la baisse de l’investissement, l’augmentation du chômage, le ralentissement des échanges extérieurs et les difficultés de mobilisation des ressources extérieures de financement nécessaires pour l’équilibre de la balance des paiements et du budget de l’Etat.
Pour faire face à toutes ces contraintes auxquelles sont confrontées les entreprises publiques, il est indispensable de les doter de moyens et d’outils leur permettant d’améliorer leurs performances, tant sur le plan organisationnel que sur le plan financier, et ce, en élaborant des plans de développement à moyen et long terme.
Augmentation des dettes auprès de l’Etat
En Tunisie, la plupart des entreprises publiques sont confrontées à des difficultés financières qui ont accentué les inquiétudes des banques. Leurs dettes auprès de l’Etat ont atteint 9,8 milliards de dinars tunisiens (3,1 milliards USD) en 2021, contre 6 milliards de TND (1,9 milliard d’USD) en 2019 — soit une augmentation de 63% —, selon le rapport annuel de la Banque Africaine de Développement (BAD), « Perspectives économiques en Afrique du Nord en 2023 ».
Sachant que l’Etat octroie annuellement des subventions financières à ces entreprises. Ces subventions ont atteint 5.514 MDT en 2019, réparties entre des subventions d’exploitation (4.859 MDT), des subventions d’investissements (560,150 MD) et des prêts de trésor et des prêts rétrocédés (95 MDT) ».
Regain d’optimisme
Selon le Baromètre, EY 2023 des entreprises en Tunisie, en moins de deux ans, 54 % des chefs d’entreprise estiment que la continuité de leurs activités pourrait être menacée alors qu’ils étaient 63% à faire ce constat en 2021 et 55 % en 2020.
Ce baromètre EY 2023 a été réalisé pendant une période marquée par l’impact de la crise économique, politique et sociale en Tunisie. Malgré ce contexte difficile, les réponses des dirigeants ont révélé un certain regain d’optimisme au sein des entreprises tunisiennes, annonçant les prémices d’une reprise de leur développement.
Les résultats du baromètre mettent en évidence que les chefs d’entreprise ont fait preuve d’une grande résilience. Effectivement, au niveau de la performance commerciale, la part des chefs d’entreprise ayant constaté une amélioration de leur activité a été multipliée par deux, passant de 26 % à 56%. Les tendances sectorielles révèlent que 65% des établissements financiers ont connu principalement une amélioration de leurs chiffres d’affaires. D’après Noureddine Hajji, Managing Partner EY Tunisie, « le signe le plus positif reste l’intégration des enjeux majeurs de la compétitivité des entreprises. Une part importante des entreprises semble être engagée dans les projets de digitalisation de leur activité ». Pour sa part, Sami Zaoui, Associé EY Consulting Tunisie, précise que « l’édition 2023 du baromètre des entreprises nous confirme encore une fois la capacité de l’entreprise tunisienne, dans un environnement qui est jugé par elle-même, défavorable, à avancer et à se réinventer ».
Les anticipations positives des chefs d’entreprise, quant à l’évolution de leurs activités, «requièrent plus de visibilité, plus de certitude au niveau des politiques publiques et des politiques générales des gouvernements, pour qu’elles puissent réellement se transformer en décisions et en projets d’investissement qui sont à même d’amener une création d’emplois et une augmentation de la richesse du pays », ajoute Mounir Ghazali, Associé EY Consulting Tunisie.
D’un autre côté, certains experts considèrent que le climat des affaires actuel ainsi que la situation financière de l’Etat ne permettent pas d’envisager une reprise économique pérenne et significative sans réformes structurelles majeures (outre les mesures de gestion des finances publiques convenues avec le FMI). Des réformes structurelles, dont la complexité, d’une part, et l’adhésion qu’elle nécessite, d’autre part, supposent un cheminement multidimensionnel sur le moyen et le long terme.