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Sécurité alimentaire | Géopolitique du blé : Répondre aux besoins immédiats des populations confrontées à l’insécurité alimentaire

 

Après plusieurs années où la sécurité alimentaire mondiale s’est progressivement améliorée, les trois dernières années (2021-2022 et 2023) marquent une nouvelle période de régression avec un nombre toujours croissant de personnes qui souffrent de la faim du fait des conflits, de l’accroissement des inégalités économiques et sociales, des événements climatiques extrêmes. Les deux années de pandémie du Covid ont aussi aggravé la situation : des pénuries observées, liées aux ruptures d’approvisionnement au sein de filières agroalimentaires, la résurgence de l’inflation, notamment sur les produits alimentaires, affectant considérablement les populations les plus vulnérables.

Tout dernièrement, la guerre en Ukraine a mis en grand danger les approvisionnements de céréales, notamment du blé, aliment de base pour plus de 35% de la population mondiale. L’Afrique, le Moyen-Orient et l’Asie dépendent à plus de 50% des importations de blé russe et ukrainien. La forte baisse des approvisionnements en céréales et la forte augmentation des prix depuis le déclenchement du conflit font craindre encore un recul de la sécurité alimentaire dans les mois et les années à venir.

Nourrir une population, un enjeu complexe de ce siècle

Produit vital, le blé s’invite chaque jour à la table de milliards d’individus. Alors que sa consommation se mondialise, sa production s’avère très inégalement répartie sur la planète. Les changements climatiques et géostratégiques rappellent également la fragilité d’une denrée agricole dont la récolte n’a lieu qu’une fois par an. Quand ce blé vient à manquer et que son prix se met à flamber, c’est l’agitation et la peur.

Dans son dernier ouvrage intitulé « géopolitique du blé », Sébastien Abis, directeur du Club Demeter, l’écosystème des décideurs du secteur agricole, agro-industriel et agro-alimentaire, précise que « nourrir une population en croissance, dans un contexte de raréfaction des ressources et de transformation des rapports de force, constitue l’un des enjeux les plus complexes de ce siècle. Face à ces dynamiques sociodémographiques et à ces disparités territoriales, le rôle du commerce s’amplifie et les stratégies des acteurs s’affirment à propos du blé. Aux défis de sa production durable s’ajoutent ceux du transport et des investissements nécessaires pour que les récoltes en blé puissent être suffisamment mobiles et accessibles afin de suivre la progression de la demande ».

Programme de sécurité alimentaire arabo-africain

A l’échelle arabe et africaine, un programme interrégional de différents donateurs baptisé « Arab-Africa Trade Bridges » (Aatb) a été  lancé par la BAD,moyennant un montant de 1,5 milliard de dollars afin de répondre aux problèmes d’insécurité alimentaire dans les régions arabes et africaines dans le contexte de la crise mondiale de la sécurité alimentaire.

Le programme de sécurité alimentaire est développé autour de quatre piliers, à savoir le commerce, les investissements, les assurances et les infrastructures. En outre, il incorpore un cinquième élément, à savoir le développement des capacités et l’assistance technique, qui sert de thème transversal et de facteur d’habilitation.

Dans le cadre dudit programme, des transactions financières financées et non financées liées à la sécurité alimentaire seront fournies, ainsi que des services de développement des capacités et d’assistance technique.

L’objectif principal du programme à court terme est de répondre aux besoins immédiats des pays membres en matière de sécurité alimentaire, en s’attachant tout particulièrement à garantir les ressources nécessaires à un approvisionnement constant et fiable en produits alimentaires essentiels. Cet objectif reconnaît également l’urgence de répondre aux besoins immédiats des populations confrontées à l’insécurité alimentaire.

En outre, en attirant les investissements, en modernisant les infrastructures, en optimisant les chaînes de valeur et en encourageant la coopération, le programme vise à mettre en place des systèmes alimentaires résilients et durables qui garantissent la disponibilité, l’accessibilité d’aliments nutritifs pour tous. Ces mesures contribueront à la sécurité alimentaire à long terme et soutiendront le développement socioéconomique global de la région.

Les prix alimentaires repartent à la hausse

L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) indique, dans son dernier rapport, qu’une hausse de 1,3% a été enregistrée au niveau des prix alimentaires en juillet dernier, et ce, par rapport au mois de juin, cette hausse est la deuxième et la plus importante de l’année. La FAO impute cette hausse à la fin de l’accord sur les exportations de céréales via la mer Noire. Son indice de prix demeure néanmoins largement en dessous de son niveau d’il y a un an (-11,8%).

C’est la crainte de nombreux pays d’Afrique et du Moyen Orient, qui dépendent des céréales ukrainiennes pour nourrir leur population, de voir les prix alimentaires remonter. « La hausse des prix sera ressentie de manière plus aiguë par les populations des pays en développement », a également alerté le Secrétaire général adjoint aux Affaires humanitaires de l’Onu au Conseil de sécurité, Martin Griffiths, ajoutant qu’à l’heure actuelle 362 millions de personnes dans 69 pays ont besoin d’une aide humanitaire. Les prévisions  « font ainsi  planer le risque de voir des millions de personnes touchées par la faim, voire pire ».

D’autres facteurs ont tiré vers le haut, à l’échelle mondiale, les prix, en particulier les inquiétudes quant au rendement dans certains pays producteurs de palme, de soja et de colza pour la hausse des prix des huiles correspondantes.

Les cours du riz ont  aussi progressé de +2,8% sur un mois

La FAO pointe les mesures de l’Inde, qui assure 40% du commerce mondial et a interdit, dès le 21 juillet, l’exportation de riz blanc non basmati pour protéger son approvisionnement et contenir la hausse des prix sur le marché intérieur. Cette décision « a amplifié encore la pression déjà exercée sur les prix par un approvisionnement saisonnier resserré et la demande » du marché asiatique, précise la FAO. En revanche, les prix refroidissent sur d’autres denrées : celui du sucre a reculé pour le deuxième mois d’affilée (-3,9%), l’indice FAO du prix des céréales a diminué de 0,5% en un mois du fait de récoltes plus abondantes de maïs en Argentine et au Brésil et « potentiellement d’une production plus haute qu’anticipé » aux Etats-Unis. « L’indice du prix du blé a, quant à lui, augmenté pour la première fois en neuf mois du fait des incertitudes sur les exportations de blé ukrainien. Les indices des prix des produits laitiers et de la viande ont légèrement baissé (respectivement -0,4% et -0,3%).

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