Les étudiants pris dans les mailles d’une lutte sans fin entre le ministère de l’Enseignement supérieur et les membres d’Ijaba.
Le bras de fer entre «Ijaba» et le ministère de l’Enseignement supérieur s’est finalement soldé par des dommages collatéraux. Des étudiants qui veulent passer leurs examens, d’autres qui veulent les reporter au mois de septembre… Les choses ont pris une tournure particulièrement grave dans certains établissements, notamment celui de la faculté de Monastir : on sème la pagaille pour entraver le déroulement normal des examens de la session principale !
Notamment, c’est ce qui s’est passé la semaine dernière à la faculté de Monastir qui a été le théâtre de l’une des scènes les plus désolantes jamais vécues dans un établissement universitaire ! Des étudiants qui agressent des professeurs et qui veulent empêcher leurs camarades de passer les examens… Une plainte a été déposée auprès du doyen de la faculté contre ces éléments perturbateurs et la police est finalement intervenue pour arrêter les étudiants protestataires.
Qu’est-ce qui s’est passé au juste ?
Nous avons contacté le ministère de l’Enseignement supérieur, qui a soupçonné le syndicat Ijaba, qui veut à tout prix poursuivre la grève en incitant les étudiants à saboter le déroulement normal des examens. Driss Sayah, responsable de la communication au sein du ministère de l’Enseignement supérieur, a précisé qu’une vingtaine d’étudiants (cartouchards) ont été probablement manipulés par le syndicat afin d’empêcher leurs camarades de classe de passer les examens de la session principale à la faculté des Sciences de Monastir.
Ce dernier a précisé que le calendrier et les dates des examens ont été reprogrammés au moins cinq fois, sauf que le jour de démarrage des examens (vendredi dernier), un groupe formé d’éléments perturbateurs a empêché au moins 300 étudiants de passer les épreuves. Selon lui, ce groupe de contestataires a probablement reçu des consignes du syndicat «Ijaba» pour perturber le déroulement des examens afin qu’ils soient reportés au mois de septembre prochain alors que le ministère de l’Enseignement supérieur veut à tout prix clôturer l’année universitaire 2019.
«A ce titre, le ministère a vite réagi et s’est impliqué dans cette affaire afin de discuter et de négocier avec ces étudiants en question, une délégation du ministère s’est déplacée sur les lieux pour superviser le déroulement des examens dans les meilleures conditions. Mais vendredi dernier, les étudiants ont usé de tous les moyens pour empêcher la passation des examens. Des actes de violence et des agressions ont été observés, ce qui a engendré l’implication des forces de sécurité universitaire. Un appel au procureur de la République a été lancé et tout le monde a été invité à se rendre au poste de police», nous explique Driss Sayah. Et de poursuivre que suite à cet événement tragique, le vice-procureur de la République a appelé à l’intervention des forces de l’ordre. 14 étudiants ont été placés en garde à vue puis libérés.
Une enquête est actuellement en cours afin de déterminer les responsabilités de ces étudiants et de prendre les mesures pénales nécessaires.
Si le ministère veut à tout prix clôturer l’année universitaire dans tous les établissements concernés, le syndicat Ijaba a une autre vision des choses. Ce dernier poursuit sa grève afin que ses revendications soient concrétisées réellement, peu importe les répercussions morales, matérielles que peut engendrer une situation pareille sur les étudiants.
Nous avons également contacté l’un des représentants du syndicat Ijaba, Zied Ben Amor, qui a accusé le ministère de l’Enseignement supérieur de manœuvre et de dictature. Selon lui, le ministère est en train de porter atteinte aux droits de l’homme et aux libertés individuelles en signalant que trois professeurs universitaires ont été arrêtés. Ils devront passer devant le conseil de discipline. Deux d’entre eux enseignent à l’Ecole d’ingénieurs de Sousse et le troisième à la faculté de Monastir. Des arrestations injustes basées sur de fausses accusations comme à l’époque de Ben Ali, note-t-il.
Zied Ben Amor a précisé que l’un des professeurs militants du syndicat Ijaba, Mounir Mensi de Monastir, a été arrêté de façon injuste, et que le syndicat tient bon à ce que le ministère applique la convention du 7 juin, comportant trois closes principales, dont la valorisation du statut du professeur universitaire…
«Nous pouvons trouver des contrats et partir à l’étranger si on le veut, mais nous militons pour les étudiants pour qu’ils puissent trouver des enseignants qui les encadrent. Nous nous battons pour la Tunisie, pour les étudiants et contre tous ceux qui tentent de nous diaboliser. La grève sera maintenue», a déclaré Ben Amor en précisant que le syndicat Ijaba compte au moins 5.000 enseignants adhérents.
L’intervention de la police universitaire injustifiée
Quant au doyen de la faculté de Monastir, Adel Kalbousi, il nous a précisé, lors d’un entretien téléphonique, que ce qui s’est passé à la faculté de Monastir récemment est désolant et que les choses ont pris une tournure grave alors qu’elles auraient pu être réglées à l’amiable.
Selon le doyen, c’est la 5e fois que l’administration fixe un calendrier des dates des examens de la session principale dans la faculté des Sciences, mais les étudiants étaient partagés entre le désir de passer les examens et celui de les reporter par solidarité avec Ijaba. Ce dernier nous a livré sa version des faits. «Le 12 juillet dernier, à neuf heures, alors que les épreuves ont commencé, il y a eu un mouvement de foule. On m’a dit d’appeler les forces de l’ordre. J’étais contre et je me suis opposé à cela. Ce bras de fer avec les étudiants aurait pu être résolu à l’amiable. Les examens ont été maintenus et sur 632 étudiants seulement 171 étudiants ont accepté de passer l’examen. La faculté a été le théâtre d’une scène de violence qui nous a conduits tous au poste de police. Je tiens à préciser que la présence des forces de l’ordre n’était guère justifiée», raconte le doyen de la faculté.
Et de rajouter que les examens ont été suspendus depuis. Aucun étudiant n’est venu passer le reste des examens prévus par le calendrier universitaire !
Un sort encore flou, les étudiants sont la première victime
Des scènes de violence, des étudiants en garde à vue, d’autres qui passent la session de contrôle dans des conditions dont le moins que l’on puisse dire sont très médiocres. Depuis le mois de juin dernier, plus de 1.200 étudiants ne savaient toujours pas s’ils allaient passer la session de contrôle ou si elle serait reportée au mois de septembre prochain. On leur a ensuite annoncé au bout d’une semaine qu’ils devaient se rendre à leur faculté pour passer les examens de contrôle, alors que plusieurs d’entre eux ont déjà quitté leur foyer universitaire et les appartements qu’ils ont loués pour l’année universitaire.
Démoralisés, stressés et épuisés mentalement, ces derniers ont dû s’armer de patience et se débrouiller pour trouver un logement afin de pouvoir passer les examens.
On souhaite bonne chance à tous les étudiants qui sont en train de passer leurs examens, qu’ils soient de la session principale ou celle de contrôle.