Au terme de sa dernière commission administrative, réunie jeudi dernier, à trois jours de la date de dépôt des candidatures aux législatives, l’Ugtt a dévoilé ses intentions vis-à-vis des prochaines élections que les leaders de la centrale syndicale ont pris soin de taire et d’entourer de suspense pendant de longs mois. Noureddine Taboubi a, finalement, déclaré que l’Ugtt ne sera pas directement concernée par les élections en ce sens que l’on ne verra pas de candidats ni de listes Ugtt déposées parmi les candidatures. Ce qui tranche avec le doute que Taboubi et ses camarades ont laissé longtemps planer et prouve qu’après de longues et âpres négociations, les patrons de la place Mohamed-Ali sont finalement revenus à la raison et ont compris que leur place est dans le camp des contestations et des revendications au profit des travailleurs et non du côté des bureaux capitonnés où les réunions interminables, notamment avec le FMI, sont tenues en vue de trouver les solutions nécessaires, même douloureuses parfois, pour réduire le déficit budgétaire et renflouer les caisses de l’Etat. En plus clair, le syndicaliste exerce une pression sur le politique et négocie avec lui, mais il n’en est pas un. Au cours des huit dernières années, la frontière a été souvent franchie par les syndicats engendrant un amalgame dans les rôles au point que les syndicalistes eux-mêmes, du moins certains d’entre eux, ont fini par perdre la boussole.
Si le rôle patriotique, social et économique de l’Ugtt est reconnu depuis toujours, son dynamisme politique prend parfois l’allure d’une agitation, suscite des interrogations, voire un débat. L’importance de la place prise par la centrale syndicale aux évènements de 2010-2011, puis son rôle majeur dans le succès du Dialogue national et, partant, dans le parachèvement du processus démocratique, font partie de l’histoire patriotique et glorieuse de l’Ugtt, mais n’en font pas le plus grand parti politique du pays. Car l’Ugtt est par principe du côté des lésés, non en face. L’idée a trotté dans l’esprit de plus d’un syndicaliste et elle a été contre-productive pour la centrale elle-même. Les grèves sauvages ont écorné son image et les discours violents et menaçants ont altéré sa crédibilité. Car la plus grande organisation syndicale dans l’histoire de la Tunisie est une force d’équilibre, une force de proposition et une force de pression, non une arène pour des courses électorales.
Quant au programme économique et social que l’Union générale des travailleurs tunisiens a concocté et entend proposer aux partis politiques, pour l’appliquer ou s’en inspirer, il s’agit d’une initiative louable qui mérite d’être examinée. L’Ugtt pourrait suggérer des pistes à même de favoriser le dialogue sur certaines réformes nécessaires et urgentes. A noter, toutefois, qu’il s’agit d’une contribution à la réflexion qui ne doit pas se transformer en une épée de Damoclès, sinon ce serait le retour à l’agitation contre-productive.